Après un été chaud, l’économie d’Israël refroidit.

Le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich répète inlassablement que l’économie du pays va bien, qu’elle est solide et résistante ; les chiffres officiels le contredisent.

Depuis le début de l’année, l’activité économique fait du surplace, le shekel plonge, la bourse est morose, les déficits se creusent ; sans parler des pressions inflationnistes qui persistent.

Certes, l’économie israélienne dispose de solides atouts qui lui ont permis de connaître un développement accéléré tout au long de ses 75 années d’existence : une main d’œuvre spécialisée, des technologies innovantes, des flux de capitaux étrangers, des débouchés extérieurs, etc.

Seulement voilà, en mettant les chiffres les uns à côté des autres, il apparaît que la situation se détériore : les indicateurs de l’activité basculent progressivement dans le rouge et les perspectives s’assombrissent.

Moteurs en panne

En pleine canicule estivale, l’Institut israélien de la Statistique à Jérusalem a publié des chiffres pour le moins inquiétants sur l’activité économique au second trimestre de l’année.

Il en ressort que les moteurs de la croissance s’éteignent les uns après les autres : les ménages consomment de moins en moins, les investisseurs préfèrent placer leurs capitaux outremer, les débouchés commerciaux rétrécissent.

Le phénomène le plus marquant au second semestre de cette année a été la baisse de 0,6 % de la consommation des ménages : la cherté de la vie rogne le pouvoir d’achat, ce qui explique que l’Israélien dépense davantage mais consomme moins.

Même signe d’essoufflement du côté des investissements : ils ont reculé de 1,1 % au second trimestre. La chute des investissements dans le secteur de la technologie est encore plus inquiétante : -19,4 % entre le premier et le second trimestre de l’année.

Autre moteur de l’activité qui s’essouffle : les exportations de biens et services. Elles ont reculé de 4,2 % au second trimestre après avoir déjà enregistré une baisse de 0,4 % au premier trimestre. Certaines branches sont particulièrement touchées par la baisse des débouchés extérieurs comme l’industrie (-8,5 %) et les services (-4,0 %).

Dégâts économiques

N’en déplaise au ministre des Finances, les signaux d’un refroidissement de l’économie israélienne s’accumulent et les dégâts commencent à se faire sentir.

Sur toute l’année 2023, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) tombera en dessous des 3 % ; avec une population qui augmente au rythme annuel de 2,3 %, la croissance par habitant sera presque nulle.

La retombée immédiate du ralentissement économique est évidente : l’Etat prélève moins d’impôts. Au cours des sept premiers mois de l’année, les recettes fiscales ont reculé de 7 % ; cette chute est notamment liée à la baisse de l’activité dans la high-tech qui contribue pour 25 % des recettes fiscales du pays.

Or, l’Etat ne freine pas ses dépenses pour les ajuster aux recettes, au contraire ; la dépense publique a encore augmenté de 3,6 % au second trimestre, ce qui creusera le déficit budgétaire de 2023.

Se serrer la ceinture

Les premières victimes à encaisser le choc du ralentissement sont les consommateurs ; ils en paient le prix sous la forme d’une contraction des services publics et d’une augmentation des prix fixés par l’Etat (comme les transports en commun).

La forte dévaluation du shekel, liée à la perte de confiance des investisseurs dans la devise israélienne, tire vers le haut le prix des produits importés qui sont nombreux dans le panier de la ménagère.

L’Israélien est donc appelé à se serrer la ceinture pour ne pas réduire trop fortement son niveau de vie et pour ne pas accroître son endettement.

Non Monsieur Smotrich, l’économie d’Israël ne va pas bien ; et elle ira encore plus mal si la réforme judiciaire se poursuit à la rentrée parlementaire le 15 octobre prochain.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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