Lors d’une conférence de presse en marge de la 78ème assemblée générale de l’ONU le président de la RDC, Félix Tshisekedi et le Premier ministre israélien ont annoncé que la RDC allait déplacer son ambassade à Jérusalem. En échange, Israël va ouvrir une ambassade à Kinshasa. Les deux dirigeants ont annoncé une nouvelle coopération entre les deux pays dans le domaine des infrastructures, de l’agriculture, de la sécurité et de la cybersécurité. Comment expliquer ce rapprochement entre la RDC et l’État hébreu ?

Le drapeau de la RDC flottera-t-il prochainement sur Jérusalem ? Félix Tshisekedi a promis à Benjamin Netanyahu d’installer l’ambassade de la RDC à Jérusalem dès que l’ouverture de l’ambassade d’Israël à Kinshasa sera effective. Jusque-là, le représentant israélien responsable des relations avec la RDC est basé à Luanda, en Angola. En novembre 2022 Shimon Solomon, ancien député de la Knesset, avait présenté ses lettres de créance au président de la RDC.

Le président Félix Tchisekedi espère une coopération dans le domaine de la sécurité et de la cybersécurité avec Israël.

Une bonne chose selon Christian Moleka analyste politique congolais, chercheur rattaché au Cepas de Kinshasa, Centre d’études pour l’action sociale et interrogé par TV5MONDE.

La RDC fait face à une insécurité grandissante dans l’est de son territoire avec les agissement du M23, groupe armée que Kinshasa suspecte d’être armé par le Rwanda, ce que Kigali a toujours démenti.

 » En se rapprochant d’Israël et donc des États-Unis le président cherche à contrer l’influence du Rwanda, au sein de la communauté internationale », estime l’analyste. « La volonté du régime (la présidence de Félix Tchisekedi) dès le début du mandat a été de s’aligner sur la politique pro-israélienne de Donald Trump et d’obtenir le soutien de l’administration américaine. L’idée était de consolider la légitimité du pouvoir de Félix Tchisekedi nouvellement élu », explique le chercheur.

Le principal adversaire du nouveau chef de l’État Martin Fayalu estimait lui avoir remporté l’élection présidentielle de 2018. En 2020 devant l’AIPAC, le principal groupe de soutien américain à Israël, le président Félix Tshisekedi annonçait la réouverture d’une ambassade de la RDC en Israël.

Israël joue depuis plusieurs décennies la carte de son savoir-faire sécuritaire pour remporter des marchés en Afrique.

Lors du point presse en marge de l’Assemblée générale de l’ONU avec Benjamin Netanyahu, le président de la RDC espère la mise en place d’une coopération avec Tel-Aviv sur la « sécurité et la cybersécurité ».

Les sociétés israéliennes ont acquis une compétence rare dans les questions de cybersécurité et d’espionnages. Elles ont vendu leur service à des palais présidentiels africains. C’est ce qu’avance notamment Benjamin Augé, chercheur à l’IFRI dans une note sur les relations Israël-Afrique.

« Israël joue depuis plusieurs décennies la carte de son savoir-faire sécuritaire pour remporter des marchés en Afrique. La plus emblématique des relations sécuritaires… est celle avec le Cameroun. Les services de renseignement s’occupent depuis le début des années 90 de la surveillance électronique des palais d’Etoudi et de Mvomeka’a où vit et travaille le président Paul Biya », décrit Benjamin Augé.

Une coopération sécuritaire a été également mise en place avec un pays comme le Kenya souligne le chercheur. Des anciens gradés de Tsahal (l’armée israélienne) ont fondé des sociétés privés de sécurité et de formation d’unité militaires. C’est le cas notamment d’un ancien lieutenant colonel de l’armée israélienne qui a crée une société privée qui vend du matériel militaire à des gouvernements d’Afrique de l’Ouest, avance le chercheur.

Des compagnies privées de sécurité israélienne formeraient et conseilleraient la garde républicaine du président.

Christian Moleka, analyste politique.

Certaines compagnies de sécurité et de renseignement se sont largement focalisées sur l’Afrique et sont déjà présentes pour certaines en RDC. « C’est le cas du MER Group dont le fondateur Chaim Mer a beaucoup investi dans les services liés aux télécommunications et au renseignement avec l’ouverture de filiales en RDC depuis 2006, en Tanzanie depuis 2007 et en Zambie depuis 2014 et au Kenya depuis 2016 », décrit le chercheur.

« Pour certains pouvoirs africains, utiliser le matériel d’Israël et l’expertise de ses services s’apparente à une garantie d’indépendance et une sécurité face aux ex-puissances coloniales, soupçonnées de vouloir influencer les processus politiques lorsqu’elle le peuvent. Et ce matériel permet une solide protection face aux tentatives de coup d’État », écrit le chercheur Benjamin Augé dans la note de l’IFRI.

Le président de la RDC a t-il intégré cette donné politique dans sa volonté de rapprochement politique avec Tel-Aviv. ? Christian Moleka, analyste politique, soutient que « des compagnies privées de sécurité israélienne formeraient et conseilleraient la garde républicaine », chargée d’assurer la protection du président. La présidence de la RDC n’a pas infirmé ou confirmé cet élément. La garde présidentielle est l’unité d’élite des forces armées de la RDC. Elle compte 12 000 hommes.

Le président est entouré de pasteurs pentecôtistes qui prônent une politique pro-israélienne.

Christian Moleka, analyste politique.

Selon le chercheur congolais l’expertise israélienne face à la menace sécuritaire que représente dans l’est du pays la présence de groupes armés comme le M23 constitue l’une des principales motivations de la part de Kinshasa de se rapprochement avec Tel-Aviv. « Les drones militaires et autres supports de renseignement nécessaires dans ce conflit ont participé à la décision du président », explique Christian Moleka.

Le président Félix Tshisekedi est pentecôtiste. En 2015, il a rejoint le Centre Missionnaire Philadelphie, implanté en RDC. Les prêches des pasteurs évangéliques se fondent souvent sur la lecture des écrits de ce qui est l’Ancien Testament pour les chrétiens, la Torah pour les juifs. La foi du président de la RDC joue-t-elle en faveur d’un rapprochement avec l’État hébreu. « Le président est entouré de pasteurs pentecôtistes qui prônent une politique pro-israélienne », constate le politologue Christian Moleka.

Dans ses déclarations publiques le chef de l’État de la RDC n’a jamais évoqué sa foi pour justifier le rapprochement entre Kinshasa et Tel-Aviv.

Le gouvernement israélien de son côté cherche des leviers d’influence pour s’implanter en Afrique. Depuis plusieurs années l’État hébreu cherche à obtenir un statut d’observateur au sein de l’Union africaine. Il compte désormais sur le soutien de la RDC.

//information.tv5monde.com/

 

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