Le Philharmonique d’Israël à Paris : l’irrésistible ascension de Lahav Shani
Conjointement directeur musical du Philharmonique de Rotterdam et du Philharmonique de Munich, c’est à la tête du Philharmonique d’Israël, où il succéda à Zubin Mehta, que Lahav Shani se présente sur la scène de la Philharmonie de Paris dans un programme appariant le Concerto pour violon de Tchaïkovski avec Gil Shaham en soliste et la Symphonie n° 1 de Brahms.
Monument incontournable du répertoire violonistique, le Concerto pour Violon de Tchaïkovski (1881) se retrouve une fois encore à l’affiche…
Et pourtant c’est, semble-t-il, toujours avec le même plaisir de jouer et la même émotion dégagée que Gil Shaham en livre une interprétation éclatante, solaire, véritable moment de grâce et de communion entre soliste, chef et orchestre. On admire sans réserve dès l’entame de l’Allegro moderato, le jeu virtuose et envoûtant du soliste, la richesse en nuances du phrasé avec force rubato, la superbe sonorité du Stradivarius Comtesse de Polignac de 1699, autant que l’équilibre et la complicité de l’accompagnement orchestral conduit de façon fluide et précise par Lahav Shani. D’un lyrisme éperdu, mais sans pathos excessif, la mélancolique Canzonetta séduit, tout à la fois, par l’élégance de sa ligne mélodique, par ses pianissimi éthérés, par son sublime legato comme par la délicatesse du dialogue établi avec les bois (clarinette et flûte), avant que l’Allegro vivacissimo final mené à une vitesse effrénée, haut en couleurs et aux accents tziganes, ne renoue avec la virtuosité initiale, spectaculaire, sur une dynamique endiablée riche en variations agogiques, dans une symbiose totale avec l’orchestre, parachevant le triomphe mérité d’une interprétation tendue et incandescente, pleine d’émotion.
Fidèle au grand répertoire, Lahav Shani poursuit avec la Symphonie n° 1 de Brahms (1876) dont il donne une belle interprétation ample, puissante mais sans lourdeur, fortement colorée avec un mélange typiquement brahmsien d’ombre et de lumière. Introduit par une pédale solennelle et mystérieuse de timbales, tout imprégné d’un angoissant sentiment d’attente le premier mouvement Allegro est mené sur un tempo assez lent, développant un phrasé grave et austère, chaotique par l’abondance de staccatos, riche en nuances rythmiques et dynamiques, où les traits de hautbois et de violoncelle soulignent l’étonnante association de lyrisme et de dramatisme. On y apprécie la sobriété et l’efficacité de la direction, la qualité des performances individuelles et collectives de la phalange israélienne, ainsi que la clarté de la texture et la précision de la mise en place. L’Adagio d’une remarquable fluidité et d’un lyrisme prégnant met en avant le chant élégiaque du hautbois, de la petite harmonie et du violon solo, tandis que le troisième mouvement Allegretto grazioso séduit par son climat pastoral empreint d’une douce et lumineuse poésie convoquant cordes et vents, avant que le Finale recrutant tous les pupitres ne retrouve l’ampleur et la puissance du premier mouvement dans une péroraison d’inspiration toute beethovénienne progressant par pallier sur une dynamique tendue qui laisse une large place aux vents (cor, trombone, petite harmonie) depuis les pizzicati initiaux des cordes jusqu’à la coda grandiose et triomphante du tutti.
En bis, pour répondre aux rappels pressants du public, la Romance sans paroles op. 67 n°4 de Mendelssohn et la Pizzicato Polka des frères Strauss concluent ce beau concert, confirmant une passation de pouvoir réussie.
Crédit photographique : © Marco Borggreve
Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 12-IX-2023. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 35 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Symphonie n° 1 en ut mineur op. 67. Gil Shaham, violon. Orchestre Philharmonique d’Israël, direction : Lahav Shani