Audrey Azoulay (Unesco): «Il y avait un coût pour les États-Unis à ne pas être à cette table».

La directrice générale de l’Unesco se félicite de la décision américaine de réintégrer l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Les États-Unis en avaient claqué la porte en 2018, sous la présidence Trump, par défi au multilatéralisme. Washington avait suspendu sa contribution financière dès 2011 pour protester contre l’admission de la Palestine. Le retour américain s’accompagne d’un plan de remboursement de sa dette. Trois questions à la Française Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco.

RFI : Comment analysez-vous la décision américaine de réintégrer l’Unesco ?

Audrey Azoulay : C’est la reconnaissance du mandat de l’Unesco : les questions liées à l’éducation, aux sciences et à la culture dans les défis d’aujourd’hui. Et puis, il y avait un coût pour les États-Unis à ne pas être à cette table. Dans la lettre qu’ils m’ont adressée pour me notifier leur intention de revenir, ils mentionnent que l’Unesco est présente sur ses missions traditionnelles, mais aussi, et de plus, présente sur des sujets émergents et stratégiques. Par exemple l’intelligence artificielle et la question de l’éthique dans ce domaine. L’Unesco a beaucoup travaillé sur cela et produit un instrument normatif. Je sais que les États-Unis auraient aimé aller jusqu’au bout de cette discussion à laquelle ils ont participé au niveau des experts, mais sans pouvoir y prendre part en tant qu’État.

Les États-Unis ont quitté l’Unesco en 2018, mais avaient cessé de verser leur contribution dès 2011 pour protester contre l’admission de la Palestine. Leur part représentait 22% du budget de l’organisation que vous dirigez. Vont-ils s’acquitter de la totalité de leur dette qui s’élève à 619 millions de dollars ?

C’était un problème depuis douze ans. Pour que nous les « reprenions », il fallait qu’ils adoptent une disposition législative express au Congrès. C’est ce qui a été fait avec un accord bipartisan, ce qui est remarquable. Ils accompagnent leur retour d’un plan de financement très concret : reprise de leur contribution obligatoire dès le mois de juillet 2023, mais aussi règlement de leurs arriérés considérables. C’est une excellente nouvelle pour tout le monde : un retour des États-Unis comme tout membre, avec ses obligations financières. Et bien sûr, cela va consolider les dynamiques politiques, stratégiques et budgétaires de l’Unesco.

Les États-Unis et Israël avaient dénoncé « des partis-pris » de l’Unesco lorsqu’ils ont annoncé qu’ils quittaient l’organisation. Admis en 2011, les Palestiniens y ont défendu des dossiers qui concernaient le patrimoine (archéologique notamment) dans les territoires occupés par Israël. Ce sujet peut-il générer de nouvelles tensions ? Invitez-vous Israël à revenir à l’Unesco ?

Ce que notent nos interlocuteurs américains, c’est que depuis 2018, nous parvenons à trouver des consensus sur les résolutions relatives au Proche-Orient, qui ont été des irritants assez sérieux dans l’histoire de l’Unesco. Cela a facilité le retour des États-Unis et contribué à la crédibilité de l’organisation. Concernant Israël, notre porte est ouverte. Comme organisation des Nations unies, notre vocation, c’est l’universalisme. Le retour des États-Unis, c’est une victoire du multilatéralisme, surtout pour le mandat de l’Unesco. C’est un agenda positif (éducation, science, culture) mais aussi crucial pour les enjeux mondiaux de demain. Je crois que chacun y a sa place.

SOURCES. RFI. COPYRIGHTS.

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