Un groupe de chefs d’entreprise de premier plan a appelé mercredi Benjamin Netanyahu à faire preuve de « sagesse politique » et à garantir que la tradition qui consiste à nommer un représentant de la coalition et un délégué de l’opposition au panel chargé de nommer les juges au sein de l’État juif serait bien respectée.

Cet appel est survenu avant le vote qui désignera les deux députés qui intégreront le panel chargé de nommer les juges à leur poste dans le pays. Parmi les signataires de l’Israel Business Forum, certains des dirigeants de cinq banques et ceux des plus importantes entreprises de l’État juif – notamment Shufersal, l’Azrieli Group et Strauss.

« L’économie est dans la tourmente depuis de nombreux mois », a dit le courrier écrit par le forum. « Nous, qui avons une vision d’ensemble de l’économie israélienne, expérimentons cela dans tous les secteurs et nous nous inquiétons de ce qu’un changement de pratique – une pratique qui existe depuis de longues années – entraîne de nouveaux dégâts irréversibles dans la confiance portée par les investisseurs dans l’économie israélienne, et dans la capacité de notre pays à s’extraire de la crise actuelle. »

La perspective de la nomination d’un délégué de l’opposition au sein de la Commission de sélection judiciaire avait fait revenir un certain degré de confiance sur le marché. Le shekel, la semaine dernière, s’était renforcé de plus de 30 % face au dollar américain, les investisseurs ayant le sentiment que le projet de réforme radicale du système judiciaire, tel qu’il est actuellement prévu, ne sera pas mis en œuvre au profit de changements qui seraient définis par consensus.

La constitution du panel chargé de nommer les magistrats est au cœur des efforts actuellement livrés par la coalition qui veut renforcer le contrôle des politiques sur le système de la justice israélien. Un projet de loi déterminant dans le projet de refonte gouvernemental – qui a été gelé à la veille de sa finalisation – prévoit de restructurer la composition de la Commission de manière à offrir la majorité automatique au gouvernement, lui donnant le pouvoir de déterminer la plus grande partie des nominations judiciaires.

Les partisans de ce programme affirment qu’il est nécessaire pour rééquilibrer un système outrageusement activiste, aux penchants libéraux, tandis que ses critiques avertissent qu’un tel bouleversement politisera les tribunaux et portera gravement atteinte à la démocratie israélienne. Les négociateurs issus de la coalition et de l’opposition, qui se rencontrent actuellement pour tenter de trouver un accord de compromis dans le cadre du projet de réforme, déclarent que la question entourant la Commission reste – en particulier – un obstacle difficile à franchir pour les deux parties en lice.

Le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, parle devant le public de la conférence de politique économique de l’Institut Aaron à l’université Reichman, le 13 juin 2023. (Crédit : Oren Shalev)

Prenant la parole mercredi lors d’une conférence, l’économiste en chef sortante au sein du ministère des Finances, Shira Greenberg, a déclaré que la perception du risque – qui s’est accrue dans le contexte de l’incertitude planant sur les changements intervenant dans le système judiciaire – avait un gros impact sur l’industrie high-tech israélienne, qui est déjà aux prises avec l’incertitude qui entoure l’économie globale et avec la baisse des investissements.

« L’incertitude locale qui plane en raison du projet de réforme du système judiciaire israélien doit disparaître complètement », a dit Greenberg qui s’exprimait lors de la conférence de politique économique de l’université Reichman. « A un moment d’incertitude aussi élevée, il n’est pas envisageable de rajouter, de surcroît, une incertitude au niveau local ».

Greenberg a émis une mise en garde, disant que les conséquences actuelles de l’incertitude locale sur les investissements et sur la croissance n’étaient qu’un « avant-goût » de ce qui pourrait se passer à l’avenir, notant que l’économie en subira les répercussions les plus fortes.

L’industrie technologique israélienne – vantée comme étant le principal moteur de croissance de l’économie – génère environ 18 % du PIB et elle est à l’origine de 50 % des exportations et d’environ 30 % des charges sociales. De plus, le secteur technologique emploie environ 12 % de la main-d’œuvre du pays.

Shlomo Dovrat, co-fondateur de Viola Ventures – une firme israélienne de capital-risque qui gère un portefeuille à hauteur de 1,3 milliard de dollars – a répété, pour sa part, que le projet de refonte du système israélien de la justice « est une menace existentielle pour l’industrie israélienne des hautes-technologies et pour la société israélienne ».

« Il ne s’agit pas ici de savoir ce qui va arriver. Parce que la réalité est qu’aujourd’hui déjà, de nombreuses entités cessent d’investir à Jérusalem », a dit Dovrat lors de la conférence organisée mardi à l’université Reichman. « Elles ont le sentiment que l’instabilité politique en Israël augmente les risques. »

Au premier trimestre de cette année, les entreprises hi-tech israéliennes ont levé 1,7 milliard de dollars – une baisse de 70 % par rapport aux 5,8 milliards de dollars qui avaient été collectés au cours des premiers mois de l’année 2022, selon un rapport qui a été émis par l’IVC Research Center et par LeumiTech. Le chiffre trimestriel qui vient d’être enregistré est le plus bas en quatre ans. Les investissements privés, dans le secteur des hautes-technologies, avaient atteint un pic en 2021 avec des investissements qui avaient été de 26 milliards de dollars – contre 15 milliards de dollars en 2022.

Dovrat a reconnu que les firmes technologiques faisaient également face à un ralentissement mondial des investissements qui persiste depuis plusieurs mois, mais il a fait remarquer que le déclin était plus rapide au sein de l’État juif.

« Dans le monde entier, les investissements dans le hi-tech ont diminué de 40 % à 50 % mais en Israël, nous avons assisté à un plongeon de 80 % et, selon nos estimations, nous devrions connaître un déclin de 90 % au prochain trimestre [d’une année sur l’autre] », a continué Dovrat. « La seule raison justifiant ces différences spectaculaires, c’est la crise politique locale ».

« Et si cela doit continuer, nous assisterons probablement à un arrêt de la croissance et à 90 000 employés de moins dans le secteur high-tech« , a-t-il précisé.

Le gouverneur de la Banque d’Israël Amir Yaron, qui s’est lui aussi exprimé mardi lors de la conférence, a présenté des données qui, a-t-il affirmé, révèlent que le rythme du déclin, dans le volume de capitaux soulevés par l’industrie des hautes-technologies israélienne, est plus important que dans le reste du monde, et qu’il correspond aujourd’hui au niveau qui était enregistré par le pays avant 2019.

Yaron s’est aussi inquiété des chiffres récents qui ont été rendus publics par l’Autorité israélienne de l’innovation, qui a estimé qu’environ 50 % à 80 % des firmes technologiques ayant été fondées au mois de mars, cette année, ont fait le choix de s’enregistrer par le biais d’une entreprise étrangère, – autrement dit à l’extérieur des frontières du pays.

« Si cette tendance doit persister, cela aura un impact négatif sur l’économie à long-terme », a estimé Yaron.

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