Quand 78% des juifs vivant dans l’Etat hébreu y sont nés, que savent les jeunes israéliens de la religion chrétienne ? « Pas grand-chose », viennent de conclure trois chercheuses de l’Université ouverte d’Israël dans un ouvrage intitulé Jésus était un juif : présentation des chrétiens et du christianisme dans l’éducation nationale israélienne (1) et dont l’objectif était de comprendre la manière dont le christianisme est enseigné dans les écoles israéliennes.

Les récits construits et enseignés à l’école, parce qu’ils révèlent l’état d’esprit de tout un peuple, sont intéressants à analyser. Orit Ramon, Inès Gabel et Varda Wassermann ont donc décortiqué les manuels des écoles publiques et sionistes religieuses, et décrypté les attitudes des professeurs.

« Les Israéliens connaissent peu, ou très mal le christianisme », déplore Orit Ramon. Il est d’abord peu enseigné. Quand il l’est, c’est au travers de livres d’histoire, et non de religions. « Ce détail est important, souligne la chercheuse, puisque l’Histoire y est lue du point de vue juif et des persécutions qu’ils ont subies. »

La responsabilité des chrétiens dans l’organisation de l’Holocauste est en permanence pointée du doigt. « Cela nourrit l’idée que les chrétiens sont les ennemis tout en renforçant l’identité nationale juive. Comme dans tout pays en guerre, la vérité est sacrifiée sur l’autel du nationalisme », déplore David Neuhaus, supérieur des jésuites de Terre Sainte et directeur de l’Institut biblique pontifical à Jérusalem. Né dans une famille juive et ordonné prêtre en 2000, il œuvre depuis à la création de ponts entre juifs et chrétiens.

Rejet de tout ce qui n’est pas juif.

Le christianisme n’est par ailleurs jamais abordé dans sa diversité. L’Église catholique est la seule référence utilisée pour parler des chrétiens. Exit les protestants, les orthodoxes et toute la complexité de cette religion, associée dans certaines écoles religieuses sionistes à des stéréotypes négatifs. Le christianisme serait ainsi une « religion inférieure, fondée sur l’idolâtrie et le vol des Écritures », énumère le père David Neuhaus.

Autre point relevé par les chercheuses : celui du mépris religieux. L’expression « Jésus était un juif », récurrente dans les manuels, illustre bien cette idée. « Cette affirmation légitime la présence juive sur le sol israélien et minimise dans le même temps la religion chrétienne », expose Orit Ramon.

Le nom de Jésus est aussi régulièrement écorché. Il est systématiquement appelé « Yeshu » et non « Yeshua » ou « Yehoshua », comme le voudrait la traduction hébraïque du nom grec utilisé dans le Nouveau Testament. « Cet acronyme est méprisant. Il signifie en hébreu « que son nom et sa mémoire soient effacés », relève David Neuhaus avant de continuer : « Aujourd’hui, la grande majorité des juifs laïcs ne savent pas que le mot « Yeshu » est une insulte. »

Pour les chercheuses, cette manière de présenter la religion chrétienne à l’école est problématique : « Les jeunes vont développer une approche de l’autre et de la différence  complètement biaisée. À grandissant, ils vont être dans le rejet de tout ce qui n’est pas juif », pointe Orit Ramon. David Neuhaus souligne quant à lui une vision « en inadéquation avec la réalité de l’État d’Israël aujourd’hui, un pays dans lequel la communauté chrétienne est très petite et dénuée de pouvoir ». On dénombre aujourd’hui 180 000 chrétiens en Israël, soit à peine 2% de la population. La plupart sont des Arabes chrétiens qui disposent de leurs propres écoles.

Rien n’est cependant figé dans le marbre. L’enseignement de christianisme fluctue au gré des évènements touchant Israël. « Dans les années 1990, les manuels sont devenus plus factuels, plus respectueux. Probablement grâce au mouvement d’ouverture et de tolérance qui a suivi la signature des accords d’Oslo. Cela a pris fin avec la Deuxième Intifada, à partir de 2000», explique Orit Ramon qui tient à souligner un élément positif : « S’ils sont peu nombreux à s’emparer du sujet du christianisme, les professeurs le font avec un certain sens de la mission. Ils y voient un moyen d’élargir les horizons et les esprits de leurs élèves, de les former au multiculturalisme. »

/www.terresainte.net

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