Israël aux carrefours du destin
Par Freddy Eytan
Le mois d’avril 2023 est chargé de fêtes et de jours de souvenir, de joie et de deuil. Les tensions sont vives, les menaces de nos ennemis en ce mois de Ramadan sont omniprésentes tandis que la passion l’emporte dans les manifestations de rue. Le dernier avertissement de l’agence de notation Moody’s concernant la détérioration de la gouvernance risque de déstabiliser l’économie malgré les assurances du gouvernement. Tout s’embrouille au moment même où on s’apprête à célébrer le jour de notre indépendance. Le fardeau est bien pesant après 75 années d’existence. Le gouvernement actuel est-il capable de porter le lourd fardeau tout seul, sur des épaules si étroites ? Comment braver les périls et surmonter les obstacles ? Quelle destination prendre ? Peut-on échapper à notre destin ?
Certes, nous avons vécu depuis 1948 de nombreux conflits et plusieurs guerres dont celle de Kippour de 1973. Elle fut la plus meurtrière. Elle a provoqué un tremblement de terre au sein de Tsahal et dans la société israélienne. Toutefois, cette nouvelle crise semble être la plus significative, la plus tragique que nous avons connue.
Pour la première fois dans l’histoire de l’Etat d’Israël un gouvernement élu démocratiquement est délégitimé par une grande partie de la population. Certains dirigeants politiques notamment des anciens généraux appellent sans scrupule à une « révolte populaire. »
David Ben Gourion proclamant la création de l’Etat d’Israël dans le musée de Tel-Aviv, il y a 75 ans (GPO)
Au-delà de la réforme judiciaire, nous constatons aussi que la grogne et les protestations ne se limitent pas entre la droite et la gauche mais qu’elles concernent toutes les strates de la société et toutes les opinions. Tous brouillent les cartes et l’opinion publique est désemparée.
Le gouvernement a tort d’ignorer ce nouveau phénomène qui risque d’ébranler les piliers de notre démocratie et modifier l’échiquier politique. En revanche, les chefs de l’opposition, les anciens généraux de l’état-major de Tsahal, devraient se conduire avec prudence et responsabilité, comme d’ailleurs les vétérans du Mossad ou du Shin Beit. La politisation de ces institutions sécuritaires est très dangereuse. Elle affaiblit notre résilience et la dissuasion à l’égard de nos ennemis, l’Iran en particulier. Fort heureusement, le courant de désobéissance chez les réservistes s’affaiblie considérablement.
Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël
Nul le doute, les manifestations sont légales à condition qu’elles se déroulent dans un ordre impeccable. Elles prouvent d’ailleurs, la vivacité de notre démocratie et non son déclin. Leur spontanéité, leur l’esprit bon enfant, offrent aux protestations de rue une légitimité et un caractère crédible.
Cependant, dès que le gouvernement a décidé de suspendre le processus de la réforme pour pouvoir enfin dialoguer sous les auspices du président de l’Etat, nous souhaitons que les organisateurs fassent de même. Pour apaiser les esprits, une trêve est nécessaire. Malheureusement, les manifestations se poursuivent de plus belle, tandis que les partisans de la réforme réagissent en colère contre l’opposition et versent inutilement de l’huile sur le feu.
A la veille des fêtes nationales, il semble que Nétanyahou commence enfin à réaliser que devant une situation sécuritaire explosive et les risques économiques, le devoir d’un leader est de rassembler et non de diviser, semer la panique et plonger le peuple dans des inquiétudes inutiles. Ses propos prononcés ces jours-ci dans l’interview qu’il a accordée exclusivement à la chaîne 14, étaient plus modérés et très encourageants. Ils vont dans la logique et le bon sens.
Comme chaque année nous célébrons le jour de l’Indépendance au lendemain du Jour du Souvenir pour les victimes des guerres et du terrorisme, et une semaine après les cérémonies du souvenir de la Shoah. Ces grands événements de l’histoire de notre peuple seront toujours liés et soudés dans notre mémoire collective. Ils marquent à la fois nos douleurs, nos souffrances, notre délivrance et notre espérance.
C’est bien donc en ces jours historiques que nous devrions réfléchir sur notre riche passé, notre héritage, prendre conscience de la réalité et s’unir sur la marche à suivre. Nous saluons les discours de Benny Gantz et ses lieutenants, contrairement aux autres dirigeants de l’opposition, ils prouvent que l’intérêt de l’Etat est primordial.
75 ans après notre renaissance sur la Terre d’Israël, nous constatons malheureusement un flottement dans les convictions des Israéliens, particulièrement au sein de la génération pionnière et chez une partie de la jeunesse. En effet, nombreux demeurent cyniques sur notre avenir, et quittent le pays pour s’installer à l’étranger. Chez une partie du peuple une vive appréhension anime leurs esprits. Au sein d’intellectuels, comme chez des anciens généraux et leaders politiques, l’amertume et la déception l’emportent largement. Ils se présentent comme des prophètes de malheur et prédisent la fin de l’Etat sioniste tandis que les médias exagèrent vulgairement les événements et rabâchent les mêmes slogans.
Soulignons qu’en dépit de toutes les guerres et les attentats terroristes perpétrés depuis 1948. Malgré l’odieuse et antisémite propagande de nos ennemis et détracteurs, les tentatives de délégitimation, la désinformation, et les critiques cyniques des médias, nous pouvons être fiers d’avoir réussi la formidable aventure. Fiers d’avoir le privilège d’appartenir à cette génération qui a vu Israël en marche, celle qui a observé l’accomplissement de gigantesques projets dans tous les secteurs et domaines. Nous avons eu le privilège de suivre l’aventure d’un peuple hors du commun, capable de faire des miracles, de fleurir le désert, de forger une société, renouveler une langue, construire un pays fort et moderne, malgré les nombreuses difficultés et les menaces existentielles. Ce peuple est capable d’affronter tous les obstacles et s’unir. Il est donc inutile de brosser un tableau sombre. Regardons le beau visage d’Israël, la belle réalité en face et le fait que la majorité des Israéliens sont vraiment heureux de vivre dans leur cher pays.
Une de Hazofe, 1948
Certes, Israël n’est sans doute pas parfait et de graves problèmes intérieurs existent sur tous les plans et notamment au sein du leadership politique. Dans chaque démocratie l’alternance existe toujours et il faut savoir la gérer dans un contexte transparent et légitime. Chaque gouvernement a le devoir d’améliorer et réparer les injustices et les inégalités et s’il échouerait, eh bien, il sera puni le jour du suffrage universel. C’est ainsi que fonctionne la démocratie, la vraie.
Nos ennemis et détracteurs savent parfaitement qu’ils ne peuvent plus nous battre sur le champ de bataille et que la seule alternative est la coexistence et la paix.
Devant les grands défis nous pouvons toujours compter sur le soutien des communautés juives à travers le monde. Nous sommes donc capables de dissiper les nuages de morosité et d’incertitude. Après la pluie vient toujours le beau temps.
Célébrons ensemble notre 75ième anniversaire de notre Indépendance dans la joie et la satisfaction, dans l’espoir de pouvoir relever de nouveaux défis et de vivre des jours meilleurs. Notre passé trimillénaire et la riche expérience en Israël, nous enseignent de demeurer optimistes pour les générations futures.
Voir le texte intégral de la Proclamation de l’Etat d’Israël traduit en français.