Comment expliquer que l’Israélien travaille tant et produise si peu ?

Non seulement la productivité de l’Israélien est très inférieure à la moyenne des pays occidentaux, mais l’écart continue de se creuser.

La productivité du travail, c’est-à-dire la production par heure travaillée, est un indicateur important de l’efficacité d’un travailleur dans l’exercice de son activité professionnelle. Généralement, la production horaire augmente lorsque le travailleur est bien formé, spécialisé et motivé au travail, tendance que l’on retrouve dans la majorité des pays occidentaux.

Les Indicateurs de Productivité 2023 que vient de publier l’OCDE sont simplement sidérants : Israël reste dans le peloton de queue des pays membres de l’OCDE pour la productivité du travail.

L’Israélien produit peu

On aurait pu s’attendre à une amélioration de la productivité depuis la pandémie de Covid-19 ; la crise sanitaire a conduit à une meilleure organisation du travail (comme le télétravail) qui a accru la motivation des salariés et amélioré leur rendement.

Cette évolution favorable de la productivité est observée dans la plupart des pays occidentaux… mais pas en Israël. En 2021, l’Israélien produisait l’équivalent de 52,2 dollars par heure travaillée contre 80,1 dollars produits par un Français et 85 dollars par un Américain.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en une heure de travail, l’Israélien produit 35% de moins qu’un Français et 39% de moins qu’un Américain !

En tête du classement international de la productivité se trouve l’Irlandais qui produit 139 dollars par heure, soit presque trois fois plus que l’Israélien. Même pugnacité au travail du Luxembourgeois qui produit 119 dollars de l’heure, plus du double de l’Israélien.

Le retard se creuse

Ce n’est pas tout : non seulement la productivité du salarié israélien est une des plus basses des pays occidentaux, mais l’écart continue de se creuser.

Les experts de l’OCDE constatent que la plupart des pays dont le niveau de productivité du travail était inférieur à la moyenne de l’OCDE en 2000, ont connu un rattrapage substantiel depuis lors.

Or Israël fait partie d’un petit groupe de pays (avec la Grèce et le Japon) pour lequel l’écart avec la moyenne de l’OCDE s’est creusé au cours des 20 dernières années ; en 2021, la productivité observée en Israël était inférieure de 14% à la moyenne de l’OCDE alors que l’écart n’était que de 3% en 2000.

L’Israélien aurait donc perdu le goût de l’effort et pour cause : il travaille trop. Or, moins un homme travaille et plus sa production augmente, les pays occidentaux ont vite compris cette règle élémentaire mais Israël l’ignore.

L’Israélien travaille trop

En 2021, Israël se trouvait à la 8e place sur les 38 pays de l’OCDE pour la durée effective de son travail : sur toute l’année, un Israélien a travaillé 1.878 heures alors que le Français s’est contenté de travailler 1.484 heures.

Autrement dit, un Français travaille 21% de moins qu’un Israélien mais produit 35% de plus par heure travaillée !

Comment faire pour redonner à l’Israélien le goût de l’effort au travail ? La recette est connue, il suffit de l’appliquer : l’Israélien devrait travailler moins, ce qui lui permettrait de produire plus et mieux.

Pour y parvenir, il est urgent d’abaisser la durée légale du travail en Israël. Les autorités israéliennes commencent à le comprendre : la convention collective signée le 2 mars dernier par le gouvernement et les syndicats prévoit la baisse de la durée de travail des fonctionnaires de 42 à 40h par semaine.

Reste à étendre cette convention à l’ensemble des salariés du pays, ce qui permettra à Israël de rattraper son retard sur les autres pays occidentaux en termes de productivité ; mieux vaut tard que jamais…

JACQUES BENDELAC .

TIMES OF ISRAEL.

à propos de l’auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de « Les Arabes d’Israël » (Autrement, 2008), « Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ? » (Armand Colin, 2012), « Les Israéliens, hypercréatifs ! » (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et « Israël, mode d’emploi » (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : « Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël » (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.

 

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