La Guinée, le Rwanda, le Tchad, la République Démocratique du Congo ou le Maroc et le Soudan… l’heure est au réchauffement des relations politiques, économiques et sécuritaires entre le continent africain et Israël.
« Certains pays africains sont géographiquement stratégiques. Depuis la création d’Israël, le pays entretient une relation spéciale avec le Kenya. Ou encore l’Éthiopie, qui est une fenêtre ouverte sur la Mer Rouge, un lieu de passage stratégique pour Israël au niveau commercial et sécuritaire« , explique Anne-Sophie Sebban-Bécache, docteure en géopolitique et directrice de l’American Jewish Comittee (AJC) Paris. Cette organisation est co-organisatrice du colloque organisé le mardi 31 mai à l’ambassade d’Israël à Paris. Outre le chef de la diplomatie israélienne Yaïr Lapid en visioconférence, une vingtaine d’intervenants vont débattre au cours de ce colloque des « défis et opportunités » d’un « retour en Afrique » d’Israël. Les enjeux pour Tel-Aviv de cette présence en Afrique: gagner des débouchés commerciaux, s’assurer d’un débouché sur la mer Rouge, obtenir le soutien des pays africains dans les grandes instances internationales, dont l’ONU. Mais aussi « redorer son image », précise la spécialiste.
Des relations rompues à la suite de la guerre de Kippour.
« Nous nous sommes rendu compte il y a déjà quelques années qu’il n’y a aucune raison pour que les pays africains soient automatiquement hostiles à Israël », affirme Ram Ben-Barak, président de la commission des affaires étrangères de la Knesset et ex-directeur adjoint du Mossad, cité par le JDD.
Les relations entre Israël et l’Afrique avaient connu un âge d’or dans les années 1960. L’État hébreu bénéficiait alors d’un capital de sympathie auprès des pays africains qui venaient tout juste d’acquérir leur indépendance. Mais en 1973, tous les pays membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), l’ancêtre de l’Union Africaine, avaient rompu leurs relations diplomatiques avec Israël en solidarité avec l’Egypte dont une partie du territoire, le Sinaï, était occupée par l’armée israélienne à la suite de la guerre de Kippour. L’État hébreu a ensuite été mis à l’index par le continent jusqu’à la signature des accords d’Oslo, en 1993.
Israël dispose aujourd’hui de relations diplomatiques avec une quarantaine de pays africains et y compte une quinzaine d’ambassades. Réouverture d’ambassades, réinvestissement économique, offre d’expertise sécuritaire, c’est l’ancien premier ministre Benyamin Netanyahou qui a engagé ce retour d’Israël sur le continent.
En octobre 2020, le Soudan, historiquement pourtant hostile à Israël, a normalisé ses relations diplomatiques avec l’État hébreu. Deux mois plus tard, c’était au tour du Maroc, qui n’avait jamais reconnu officiellement Israël depuis sa création en 1948. En décembre 2021, les deux pays ont franchi un cap supplémentaire avec la signature d’accords en fourniture d’armes et de coopération des services de renseignement. Israël et le Maroc ont également signé, en février dernier, à Rabat, un accord de coopération économique et commercial. L’objectif: quadrupler les échanges commerciaux entre les deux pays, qui s’élèvent aujourd’hui à 130 millions de dollars par an. Si les exportations israéliennes vers l’Afrique ne représentent que 685 millions de dollars en 2021, 1,3 % du total, Israël mise sur l’avenir et le potentiel de croissance de l’Afrique.
Israël à la pointe dans les domaines de la tech, du numérique, de l’agriculture.
Parmi les domaines de compétences israéliens les plus prisés sur le continent, figurent la sécurité, l’agriculture, et surtout les nouvelles technologies, la tech et le numérique. » Il y a des signes de projets à venir développés par Israël pour encourager des start-ups à émerger en Afrique », reprend Anne-Sophie Sebban-Bécache.
Quant au secteur agricole israélien, il dispose d’une expertise technologique pointue en matière de culture en milieu aride, de production d’énergies renouvelables et de gestion de l’eau. « Israël a cherché dès sa création à atteindre l’autosuffisance et à développer l’agriculture, tout en devant composer avec un climat désertique. D’ailleurs, avant l’établissement de relations diplomatiques entre l’État hébreu et les pays du continent, les premiers contacts se sont d’abord noués entre l’Agence d’aide au développement israélienne de l’époque et les gouvernements africains. De nombreux Africains se sont formés en Israël sur des techniques agricoles », explique Anne-Sophie Sebban-Bécache.
L’offensive n’est pas que diplomatique et économique. L’expertise antiterroriste israélienne est de plus en plus recherchée en Afrique. Son matériel de défense aussi. Et notamment « dans la région de la Corne de l’Afrique, les enjeux sécuritaires sont nombreux, reprend la chercheuse. Déjà en 2013, lorsqu’un centre commercial de Nairobi au Kenya a été victime d’une attaque des islamistes somaliens shebab, des signes de coopération entre les unités d’élite anti-terroristes israéliennes et le gouvernement kenyan ont été perçus ».
Par ailleurs, « le rétablissement, dans quelques mois ou quelques années, des relations entre Israël et les pays du G5 Sahel pourrait conduire la France à revoir sa stratégie dans le domaine de la lutte contre le djihadisme en coopérant davantage avec les Israéliens pour contrer notamment l’influence grandissante des Russes », avance David Khalfa, chercheur à la Fondation Jean-Jaurès, cité par le JDD.
L’Afrique du Sud et l’Algérie contre tout rapprochement avec Tel-Aviv.
Si une majorité de pays africains sont favorables au dialogue avec Israël, plusieurs poids lourds du continent s’y refusent, au nom des atteintes aux droits de l’homme perpétrés dans les Territoires palestiniens. Notamment l’Afrique du Sud et l’Algérie. Réunis en février dernier à Addis-Abeba en Éthiopie pour un sommet, les pays membres de l’Union africaine se sont divisés sur le statut d’observateur d’Israël au sein de l’organisation. Plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud et l’Algérie, ont tenté en vain de porter le sujet à débat en l’inscrivant à l’ordre du jour. Depuis la fin de l’Apartheid, les dirigeants sud-africains reprochent au gouvernement israélien de mener une politique similaire envers les Palestiniens. Mais Pretoria reste toujours le principal partenaire économique d’Israël sur le continent africain.
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