De nos jours, ,un groupe de designers et d’artistes explorent le potentiel créatif du sel, un matériau autrefois aussi précieux que l’or. Le sel a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’humanité, mais aujourd’hui, les usines de dessalement et l’exploitation de la potasse, du brome et du lithium en ont fait un déchet.

« Le sel est extrait bien plus vite qu’il n’est consommé », explique le designer israélien Nevi Pana. « Il n’est pas rentable pour les usines de nettoyer tous les résidus de sel pour les vendre, et ils n’ont donc aucune valeur réelle. Des monticules de sodium s’amoncellent à côté des sites d’extraction minière dans le monde entier ».

Il utilise un bassin d’évaporation à Dead Sea Works, l’un des plus grands producteurs de potasse au monde. Ses objets saisonniers – les cristaux cultivés pendant les mois les plus chauds sont plus grands et plus robustes – sont exposés dans des galeries telles que Friedman Benda, à New York.

La designer française Roxane Lahidji, quant à elle, utilise le sel des marais artificiels du delta du Rhône pour créer des tables et des sièges aux motifs semblables à ceux du marbre. Elle mélange un composite composé à 90 % de sel marin, de liants et de pigments naturels, qu’elle moule et fait sécher à l’air libre, avant de le recouvrir d’une résine époxy écologique.

« Il est important de préserver sa beauté esthétique afin d’encourager le public à prendre conscience de sa valeur », explique-t-elle. Ses pièces, qui se vendent entre 1 000 et 20 000 euros, ont été exposées au salon du design Collectible, qui s’est tenu à Bruxelles en mars.

Le chlorure de sodium est un minéral vital aux nombreuses vertus : il est antibactérien, antiviral et très résistant au feu, grâce à son point de fusion qui se situe autour de 800 degrés Celsius.

Henna Burney, designer au laboratoire de design et de recherche Atelier Luma à Arles, en France, estime que le sel est un matériau d’avenir. « Son abondance nous permet de voir grand », explique-t-elle. « Nous pourrions même un jour construire des maisons avec le sel ».

Mais les vertus du sel s’accompagnent de difficultés : il est sujet à l’absorption d’humidité et à l’érosion par le vent et l’eau, et il peut corroder le métal. La cristallisation est également difficile à prévoir. « Il s’agit d’un processus spontané qui peut facilement déraper », explique M. Burney. « Si vous laissez le substrat dans l’eau un jour de trop, les cristaux risquent d’être trop gros, ou s’il pleut, ils peuvent se dissoudre.

Les panneaux intérieurs de l’Atelier Luma ont été soumis à des tests rigoureux afin d’obtenir la certification pour une utilisation intérieure, un processus que Nevi Pana est en train de suivre avec son revêtement en cristal de sel pour un nouvel immeuble résidentiel à Tel-Aviv. Pour une utilisation extérieure dans des climats humides, les produits à base de sel nécessitent un produit d’étanchéité, ce qui réduit leurs qualités écologiques, mais Nevi Pana voit un potentiel pour leur utilisation dans l’architecture dans les environnements les plus arides du monde.

Mais le sel est un matériau fascinant mais délicat, ce qui rend difficile la recherche d’investissements pour la recherche et le développement. Pour certains créateurs, cette imprévisibilité fait partie de l’attrait du sel. « Vous ne savez pas exactement ce qui va se passer », déclare l’artiste Sigalit Landau, basée à Tel Aviv, qui travaille également dans la mer Morte, immergeant des objets tels que des jouets, des robes et des tapisseries. Ses sculptures sont suspendues, à la manière d’un lustre, au plafond du musée d’Israël à Jérusalem, dans le cadre de son exposition The Burning Sea (La mer brûlante).

Elle souhaite que leur présence fantomatique rappelle la fragilité de la politique dans la région et de la mer Morte elle-même, qui recule d’un mètre par an en raison du détournement de l’eau de la rivière pour la rendre potable et l’utiliser à des fins agricoles.

L’exposition de Landau s’achève sur le concept d’un pont sur la mer Morte entre Israël et la Jordanie, métaphore de la nécessité de dépasser les clivages politiques pour éviter une catastrophe écologique. « Je vois la mer Morte comme un lieu de rassemblement », dit-elle.

Source : Financial Times & Israël Valley

 

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