Les milieux d’affaires israéliens, qui connaissent sur le bout des doigts le monde bancaire Suisse, observent avec inquiétude l’univers bancaire Suisse. La plus grande banque de Suisse UBS, poussée par les autorités, doit absolument finaliser ce dimanche le rachat de sa rivale Credit Suisse pour espérer éviter une débâcle et une vague de panique contagieuse sur les marchés lundi.
La Suisse a été contrainte mercredi de débloquer 50 milliards de dollars pour venir en aide à Credit Suisse, première banque en Europe à trembler sous le choc des faillites bancaires aux États-Unis. Et ce n’est pas un hasard si c’est cette institution helvète qui se fissure : avec une histoire chargée de scandales en tout genre, elle semble la plus fragile en Europe.
Cocaïne, yakuza, corruption en Afrique, espionnage, fraude fiscale, ou encore un Premier ministre plumé. Autant de sujets qui ne sont, traditionnellement, pas associés à une banque. Pourtant, chacun d’eux correspond à l’un des scandales qui a accompagné la lente descente aux enfers de Credit Suisse au cours des dernières années.
UBS va racheter Credit Suisse et l’accord sera scellé dimanche au cours d’une réunion extraordinaire du gouvernement et des dirigeants des deux géants bancaires à Berne, a affirmé samedi le tabloïd Blick, généralement bien informé.
Un rapprochement des deux plus grandes banques du pays, dont l’une suscite la méfiance grandissante des investisseurs et une affaire complexe qui normalement pourrait prendre des mois. UBS aura eu quelques jours.
Pression
Mais les autorités suisses n’ont pas d’autres choix que de pousser UBS à surmonter ses réticences, en raison de l’énorme pression exercée par les grands partenaires économiques et financiers de la Suisse qui craignent pour leur propre place financière, affirme Blick.
Bruno Le Maire, le ministre français des Finances a fait passer clairement le message dans Le Parisien : « Nous attendons maintenant une solution définitive et structurelle aux problèmes de cette banque ».
Le Trésor américain avait aussi indiqué qu’il suivait l’affaire de près.
Le marché suisse ouvre à 08H00 GMT lundi et une solution devra être trouvée d’ici là pour la banque perçue comme un maillon faible du secteur.
A la clôture de la Bourse mercredi après une chute record, Credit Suisse ne valait qu’à peine 7 milliards de francs suisses (à peu près autant d’euros), une misère pour une banque qui fait partie – tout comme UBS – des 30 établissements dans le monde considérés comme trop importants pour les laisser faire faillite.
Mais selon le Financial Times et Blick, les clients de la banque ont retiré 10 milliards de francs suisses de dépôts en une seule journée en fin de semaine dernière. Un signe tangible de la méfiance à l’égard de l’établissement.
Garanties publiques
Selon l’agence Bloomberg, UBS exige que les pouvoirs publics prennent en charge des frais légaux et des pertes potentielles qui peuvent se chiffrer en milliards de francs.
Les discussions butent sur la banque d’investissement, indique l’agence financière, un des scénarios à l’étude étant une reprise uniquement de la gestion d’actifs et de fortune avec une cession de la banque d’investissement.
Les discussions portent aussi sur le sort à réserver à la branche helvétique de Credit Suisse, un des pans profitables du groupe qui a perdu 7,3 milliards de francs suisses l’année dernière et table encore sur des pertes « substantielles » en 2023.
Cette branche rassemble la banque de détail et les crédits aux PME. Une des pistes envisagées par les analystes est celle d’une introduction en Bourse, qui éviterait aussi des licenciements massifs en Suisse en raison des doublons avec les activités d’UBS.
Mercredi, la défiance des investisseurs et partenaires a poussé la Banque centrale helvétique à prêter 50 milliards de francs suisses pour redonner de l’oxygène à Credit Suisse et rassurer les marchés. Le répit n’a pourtant été que de courte durée.
Quid de la Commission de la concurrence ?
Credit Suisse vient de connaître deux années marquées par plusieurs scandales qui ont révélé, de l’aveu même de la direction, « des faiblesses substantielles » dans son « contrôle interne ».
L’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) lui avait reproché d’avoir « gravement manqué à ses obligations prudentielles » dans la faillite de la société financière Greensill qui a marqué le début de ses déboires.
En revanche, UBS, qui a passé plusieurs années à se redresser après le choc de la crise financière de 2008 et un sauvetage massif de l’Etat, commence à récolter les fruits de ses efforts, et selon plusieurs médias la banque n’avait aucune intention avant le week-end de se lancer dans l’aventure Credit Suisse.
La Commission de la concurrence pourrait également sourciller selon la configuration du rachat.
Plus vite, plus fort
Fin octobre, Credit Suisse avait dévoilé un vaste plan de restructuration prévoyant la suppression de 9.000 postes d’ici 2025, soit plus de 17% de ses effectifs.
La banque, qui employait 52.000 personnes fin octobre, envisage de séparer la banque d’affaires du reste de ses activités pour se recentrer sur ses pans les plus stables, dont la gestion de fortune.
Mais comme le souligne Blick : « Tout pointe vers une solution suisse ce dimanche. Et quand la bourse ouvrira lundi le Credit Suisse pourrait appartenir au passé ».
© 2023 AFP