Faire adopter la peine de mort pour les terroristes est l’un des engagements phares du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir. A ses yeux et ceux de son électorat, la peine capitale – combinée aux mesures d’expulsion du territoire et de destruction de maisons – est la seule dissuasion efficace pour venir à bout du terrorisme. Dans le contexte d’escalade de la violence en Israël, le dirigeant du parti Sionisme religieux sait que sa crédibilité est en jeu. Il a donc précipité le processus législatif afin que la mesure soit votée le plus rapidement possible. Adoptée par la commission des lois dimanche, elle devrait être présentée en première lecture au Parlement dans les prochains jours.

Mais la peine de mort appliquée aux auteurs de meurtres à caractère nationaliste est loin de faire l’unanimité dans le pays. Elle est par exemple vivement décriée par les experts et analystes sécuritaires, qui considèrent qu’elle ne serait d’aucune aide pour endiguer la terreur. Certains vont même jusqu’à affirmer qu’elle ne ferait qu’empirer la situation : ils pointent notamment que des terroristes pourraient être tentés de mener des attaques pour libérer des condamnés à mort.

« Cela ne dissuadera qu’une minorité de terroristes car la plupart d’entre eux souhaitent mourir ‘en martyr », c’est-à-dire en perpétrant un attentat », affirme de son côté Yaakov Amidror, général de réserve de Tsahal, qui ajoute que la mesure dissuadera les assaillants en fuite de se rendre. « Pour ma part, je préfère vivre dans une société qui n’applique pas la peine de mort. Je pense que nous devons conserver cette mesure comme une éventualité que nous n’utilisons pas », ajoute-t-il.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle loi est avancée. En 2018, déjà, une proposition de loi avait été présentée mais elle n’avait pas abouti.

L’establishment sécuritaire, unanimement opposé à la mesure, met également en avant la pression accrue que celle-ci générerait de la part des organisations terroristes, de la rue et des médias palestiniens, à mesure que la date d’exécution d’un condamné approcherait. Pour finir, il note qu’une telle loi renforcerait l’animosité contre Israël sur la scène internationale.

« Même si cette loi est adoptée, son application prendra du temps. Il y aura tout un processus judicaire avec différents recours. Or, ce laps de temps sera utilisé par tous les détracteurs de la mesure en Israël et à l’étranger. Cela ne fera que renforcer les positions anti-israéliennes », souligne Chalom Ben Hanan, ancien agent du Shin Bet.

« La peine de mort contre les terroristes doit être appliquée sur le terrain et pas dans les tribunaux, sinon cela jouera contre nos intérêts en offrant une arme politique aux ennemis de l’Etat d’Israël. Cela ne fera qu’attiser les flammes contre nous », selon un autre ancien agent du Shin Bet.

Et ce n’est pas la rencontre ce mardi à Berlin entre le ministre israélien des Affaires étrangères et la cheffe de la diplomatie allemande qui convaincra du contraire. Faisant part à Eli Cohen des préoccupations de son pays à propos du projet de loi israélien sur la peine de mort, Annalena Baerbock a ainsi rappelé que dans les écoles allemandes, l’Etat hébreu était cité comme un exemple  de pays démocratique qui en dépit du terrorisme auquel il est confronté, n’a appliqué la peine de mort qu’une seule fois au cours de son histoire pour Adolf Eichmann.

Les détracteurs de la loi s’interrogent enfin pour savoir de quelle manière l’application de la peine de mort pourrait être différenciée entre terroristes arabes et juifs.

Dror Even-Sapir, analyste politique sur i24NEWS, fait remarquer que la controverse autour de cette loi agite également la coalition, loin de former un seul bloc pour ce qui est des mesures à prendre afin de rétablir le calme. La liste Judaïsme unifié de la Torah a notamment fait savoir qu’elle s’opposerait à l’adoption de la mesure, la jugeant contraire aux valeurs de la Torah. Dans ce contexte, le Premier ministre Benjamin Netanyahou est contraint à un véritable jeu d’équilibriste entre ses propres convictions et le souci de satisfaire ses alliés politiques.

« A l’instar de l’establishment sécuritaire, Benjamin Netanyahou sait pertinemment que la peine de mort n’est pas un moyen de dissuasion efficace : sur les questions de défense et des relations avec les Palestiniens, le leader du Likoud est un modéré et un pragmatique. Mais sur ce dossier il n’a d’autre choix que de satisfaire ses alliés d’extrême droite », dit-il.

« Ce tiraillement du Premier ministre s’est encore vu avec les émeutes de Hawara : alors que des députés du Sionisme religieux s’en sont ouvertement réjouis, Benjamin Netanyahou a été contraint de s’en démarquer et de réitérer sa condamnation des évènements à plusieurs reprises. »

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