EDITORIAL. Pendant que le pays se fracture sur la réforme judiciaire, au mois 11 Israéliens ont déjà été tués dans des attaques terroristes ces dernières semaines
Vous vous souvenez de ces dessins animés avec un gâteau au milieu de la table et deux personnages qui se le disputent ? Cette situation apparaît dans d’innombrables versions, avec d’innombrables personnages. Leur point commun : lorsque la discussion s’envenime, un troisième personnage apparaît tout-à-coup et prend tout le gâteau pour lui. Les deux autres sont tellement occupés à se disputer qu’ils ne le remarquent pas.
Ces dernières semaines, le peuple d’Israël s’est scindé en deux camps : ceux qui sont pour la réforme de la justice et ceux qui sont contre. Un nombre important d’Israéliens soutiennent ou s’opposent aux réformes d’un point de vue purement politique, sans réelle compréhension de la question, de son importance, de ses ramifications, de ses conséquences, de ses avantages ou de ses inconvénients. On n’y peut pas grand-chose : nous vivons à l’ère des gros titres, et la bataille pour les gros titres vide le débat de toute signification réelle.
Le problème, c’est que, comme dans le dessin animé, pendant que les deux personnages se disputent, une troisième partie vole tout le gâteau. Un mois et demi après le début de l’année 2023, 11 Israéliens ont déjà été tués dans des attaques terroristes, et au moins 17 autres ont été blessés. Les tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza ont aussi repris après de très longs mois de silence. Et sans l’activité persistante et intransigeante des forces de sécurité israéliennes, beaucoup plus d’attaques auraient eu lieu et beaucoup plus de citoyens en auraient payé le prix fort.
Tirs, attaques à l’arme blanche, attaques à la voiture-bélier, jets de pierres, de missiles et de roquettes : pour les terroristes, toutes les options sont sur la table et ils ne se privent pas de les utiliser. Vendredi dernier, trois civils innocents ont été assassinés (deux frères âgés de 6 et 8 ans et un jeune homme de 20 ans) après qu’un terroriste a foncé avec sa voiture sur un arrêt de bus. Lorsque de petits enfants sont, aux yeux des terroristes, une cible légitime, cela veut tout dire.
C’est un signal d’alarme pour les dirigeants de l’État d’Israël. Il est bien connu que nous aimons nous disputer, et c’est une bénédiction. Israël est un pays très diversifié et complexe. Chaque membre de la Knesset se considère comme le représentant d’un groupe, et c’est une bonne chose. Mais lorsque le gâteau est dérobé sous nos yeux et que l’animation des débats détourne notre regard à tous, c’est inquiétant. Le débat sur la réforme judiciaire et l’avenir de la démocratie israélienne est crucial, mais la sécurité de chaque citoyen est plus importante.
Les dirigeants israéliens – de la coalition qui promeut la réforme, et de l’opposition qui s’y oppose – feraient bien de s’assoir autour d’une table selon le schéma proposé par le président Yitzhak Herzog. Et ils seraient inspirés de ne pas la quitter avant d’avoir trouvé un accord. Car les ennemis d’Israël savent identifier les failles et en tirer profit.