La Caisse d’épargne, les Galeries Lafayette, la société Disneyland Paris, ou encore les Pages Jaunes ont toutes un point commun : ces grands groupes ont été victime de « l’arnaque au président », une technique élaborée par un escroc franco-israélien, qui s’est attaqué avec quelques complices a une trentaine d’entreprises françaises. Le procès de l’arnaqueur à l’origine du phénomène s’est déroulé en mai 2015 à Paris, sans le principal intéressé, qui a trouvé refuge en Israël il y a 6 ans. L’accusé, condamné à 7 ans par contumace, a entre-temps fait de nombreux émules, notamment au sein de sa communauté d’origine.
Entre 2005 et 2006, la bande de franco-israéliens aurait détourné plus de 7 millions d’euros en opérant toujours selon le même schéma, via un simple appel téléphonique. Le mode opératoire était toujours le même : appeler un employé d’un groupe en se faisant passer pour son directeur général, le pousser à virer dans un temps très court d’importantes sommes d’argent vers des comptes en banque à l’étranger, avant de disparaître sans laisser de traces.
Un premier butin de 358.000 euros
Le premier coup échafaudé par le franco-israélien servira de base au schéma classique de l’arnaque : se présentant comme le P-DG de La Poste, il réussit à convaincre un salarié du groupe de remettre une mallette contenant 358.000 euros à une tierce personne, suite à un échange discret dans les toilettes d’un café parisien. Simplement par téléphone, le « faux » P-DG a amadoué l’employé en le persuadant que la somme servirait à aider une juste cause, la lutte contre le financement du terrorisme international. Concrètement, les fonds dérobés par celui qui se définit comme « un Robin des bois moderne » ont atterri sur des comptes à l’étranger, au bénéfice des fraudeurs.
Au fil des arnaques, l’escroc au téléphone s’est constitué un pactole estimé à plus de 6 millions d’euros, paradant même devant la justice française, de « la facilité avec laquelle il avait extorqué ces grosses sommes d’argent ». Après avoir passé 3 ans en détention préventive en France, le Franco-Israélien est libéré en 2009, et se réfugie aussitôt en Israël, pays qui n’a pas d’accord d’extradition avec la France.
Une escroquerie qui fait rapidement des émules
Les autorités françaises estiment que ce type d’escroquerie a coûté plus de 350 millions d’euros à près de 700 entreprises françaises depuis 2011. Vincent Hinderer, expert en cyber-sécurité, précise que le montant total pourrait être bien plus élevé, car les estimations remontent à 2014, et 1200 plaintes ont été enregistrées depuis. « Au départ, c’était 3 ou 4 clients par semaine qui venaient nous demander conseil, c’est-à-dire que l’attaque était encore artisanale et à taille humaine », renchérit-il, mais rapidement, on a recensé environ 10 cas par jour, et « les arnaques au président » se sont reproduites à un rythme industriel.
Ces escrocs 2.0 ont mobilisé « des équipes capables de créer des sites Web fictifs, d’utiliser des adresses emails truquées, et d’effectuer un travail de crédibilisation en amont ». Grâce à de faux comptes, sur Facebook, LinkedIn, ou encore Viadeo, les escrocs récoltent facilement des informations sur leurs cibles, mais ils n’hésitent pas, si nécessaire, à infiltrer les ordinateurs de leurs victimes, comme leurs agendas ou leurs emails, afin de mieux les cerner.
Une cible privilégiée : les grands groupes
Les nouvelles technologies fournissent de nouvelles armes à tous les héritiers de l’inventeur de l’arnaque, mais sur le fond, le principe reste inévitablement le même : convaincre l’employé d’une société qu’il s’adresse à son directeur général, ou à une autorité légitime, et le conduire à virer de l’argent sur des comptes à l’étranger. « Les escrocs grimés en P-DG ont commencé par cibler des entreprises du CAC 40, car il est plus aisé de récolter des informations sur l’organigramme de ces grands groupes », poursuit Vincent Hinderer. Mais ensuite, les petites et moyennes entreprises sont devenues les cibles privilégiées des arnaques, avec des conséquences économiques parfois fatales. Certaines PME ont dû mettre la clef sous la porte parce qu’elles s’étaient fait extorquer des centaines de milliers d’euros, en un laps de temps très court. L’argent dérobé est ensuite envoyé à l’étranger, le plus souvent en Chine, où il est très difficile de remonter le fil des transactions, avant d’être blanchi via des comptes ouverts à Chypre ou à Gibraltar, explique encore Vincent Hinderer à France 24.
L’impunité, faute d’extradition
Plusieurs auteurs de ces arnaques appartiennent à la communauté francophone originaire d’Israël, car l’État hébreu est une terre d’impunité pour ces arnaqueurs disposant de la double nationalité, faute d’accord d’extradition avec la France. Jusque quand ? Les autorités israéliennes ont enfin commencé à sévir suite à un début de crise diplomatique avec la France, d’où proviennent la plupart des entreprises flouées.
Ainsi en décembre 2014, des Franco-Israéliens ont été inculpés pour une « arnaque au président » perpétrée contre l’Olympique de Marseille. Les escrocs s’étaient fait passer pour les agents d’un joueur, fraîchement transféré à l’OM, et ils avaient réussi à convaincre les victimes de virer le montant global du transfert sur un compte en République Tchèque. Désormais, l’étau se resserre autour des arnaqueurs, mais le phénomène reste difficile à chiffrer, et le traumatisme des employés victimes de ces fraudes le plus souvent marginalisés ou « mis au placard » par leurs (ex) employeurs, laissent des hommes et des femmes meurtris à vie.
COPYRIGHTS. grands-avocats.com