Le Réveil tardif du Monde Sépharade-Colloque de l’INSSEF sur Le Patrimoine juif Sépharade à la Mairie du XVIème à Paris.

Carmela Serfaty Architecte dplg et historienne MA Présidente Commission CCFI  Doron Dinai phd Médecin et Avocat

Interview de Serge Dahan Président de l’INSSEF-Institut Européen du Patrimoine du Monde Sépharade

Malgré plusieurs études, on constate depuis un certain temps l’oubli et le répli du monde sépharade. Leur arrivée massive du 20ème siècle en Israël n’a pas contribué à une amélioration, on remarque même une détérioration. Michal Boganim, dans son film Les Oubliés de la Terre Promise décrie l’humiliation et l’envoi des arrivants à des endroits qui compromettaient la promesse aussi bien que leur espoir de se construire un meilleur avenir. Il n’y a que 13 % de ses personnes qui ont surmonté les difficultés et ont réussi à bien s’intégrer et à remonter leurs capacités.

L’inauguration de l’ISSEF marque une volonté forte de restitution de l’image du monde sépharade, de son importance et de sa renommée. Serge Dahan son Président, explique durant son interview, les raisons de l’inauguration de l’INSSEF

 

Qu’est-ce qui vous a amené à construire cette association?

En analysant les organisations existantes de la mémoire des juifs sépharades de plusieurs pays séparément: de l’Algérie, de la Tunisie et d’autres pays aussi bien que le projet mené par Hubert Levy Lambert de créer le MUSSEF-un Musée sépharade, en plus du Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, on se rend compte du besoin d’une organisation dont l’objectif serait de regrouper la mémoire sépharade, européenne et mondiale. On manquait de consolidation de l’ensemble du savoir de ce que les sépharades ont produit sur le plan intellectuel, artistic et scientifique mais aussi sur le plan social, de cette ADN de souffrances, d’exils, de tortures, de massacres et de conversions qui a aboutit à une culture spécifique. En Espagne ils ont eu un rôle  déterminant au point où leur départ formait la raison principale de la perte de la gloire de l’Espagne.

Pourquoi Européen ?  On voit que la migration d’Espagne en 1492, a dispersé les Juifs à l’ensemble de l’Europe. Ce qui nous intéresse est ce que les juifs ont apporté à ces pays et puis ce qu’ils ont pris de ces pays ainsi que leur contribution mondiale. A la fois on trouve l’objectif de regrouper l’ensemble des travaux faits et en même temps d’aller au-delà de ce qui a été fait séparément pour consolider l’histoire. Leur souffrance ne s’est pas arrêtée en quittant l’Espagne, elle s’est répétée dans leur pays d’installation sous la Dimitude y compris au Maroc et puis en continuant plus à l’Est jusqu’en Israël. Ils étaient déconsidérés, méprisés et maltraités, du départ même jusqu’à aujourd’hui. On ne veut pas parler seulement d’une manière passéiste mais de la contribution d’aujourd’hui de cette communauté qui s’est imprégnée de la culture occidentale. On sait qu’on ne s’arrête pas à l’Europe, on sait qu’il y a une histoire importante des juifs des Amériques en traversant l’Atlantique. Les pirates juifs ont développé la piraterie dans les océans. Ils ont combattu les Espagnols, en  participant activement au développement de l’Économie-Monde moderne.

 

Comment pensez vous agir ?

On souhaite transmettre à la nouvelle génération l’idée de prendre le relais  sans perdre conscience d’où elle vient et où elle peut arriver.

On veut tout d’abord faire des partenariats avec toutes les associations qui travaillent depuis des années sur le patrimoine lourd du monde sépharade qu’on souhaite réunir et mettre à disposition de tous

 

Qu’est-ce qui a causé ce réveil tardif ?

L’histoire sépharade s’est effacée devant l’histoire ashkénaze de la Shoa qui était la priorité d’un travail de mémoire. Elle a réuni l’ensemble des énergies pour transmettre et préserver cette mémoire ashkénaze qui était cruellement atteinte par la Shoa. Le temps ne laissait pas d’espace pour qu’on puisse parler des Sépharades. L’espace commence à exister.

 

Plus on suit la pulsion de travailler sur cette histoire et plus on essaie de la globaliser, plus on se rend compte de la richesse de cette mémoire, de son importance et plus on doit rendre à césar ce qui lui est attribué. On se rend compte aussi de sa contribution à la mémoire de la langue hébraïque et à la transmission colossale à son développement. Les Sépharades parlaient Hébreu dans leurs familles priaient en Hébreu dans leurs synagogues aussi bien que dans leurs cohabitions dans la diaspora et en Israël. On réévalue leurs contributions au monde cultuel et culturel à la suite de la réflexion et à l’analyse talmudique, philosophique et scientifique oubliées comme réflexion sépharade. On réévalue l’apport des personnages sépharades tel celui de Crémieux. On redonne de la paternité aux apports sépharades au monde Juif et à la culture mondiale.

 

Y a t il un domaine spécifique de cet apport ?

Cette contribution est très étendue. La pensée scientifique et autres, contribuées à l’acquis sépharade est difficile de cibler par domaine. L’ensemble des sciences et des philosophies sont traversés par l’apport sépharade

 

Que peut être leur apport au niveau de la paix

C’est évident que le monde sépharade a une meilleure connaissance du monde arabe que tous les autres intervenants. Il a une vision plus précise et diplomatique de la relation avec les arabes. La relation existante peut s’établir comme celle qui relie les juifs et les Israéliens avec le monde chrétien et européen. En connaissant ses racines on utilise ce souffle de création dans tous les domaines

Le monde sépharade a donc une clé. Il faut au moins prendre son avis pour mieux construire de la paix. Acteurs actuels, ils doivent réveiller leurs racines pour que leur contribution soit actuelle. Leur affectivité, leur mixité ainsi que leur complicité comme leur mémoire transgénérationnelle et leur regard croisé permettent de contribuer à un dialogue fructueux dans les deux sens en tant que médiateurs. Ils reconnaissent la situation par leur culture générale et les empreintes juives dans l’Espagne musulmane ou chrétienne ou ottomane. Ils sont des acteurs qui contribueront généreusement aux efforts pour une paix stable.  N’oublions pas que la jeune génération souhaite une paix une politique et sociale.  Elle critique le gouvernement de ne pas agir assez dans ce sens.

Nous sommes entrain de nous poser la question à savoir à quoi sert la mémoire? Y a t il un avenir sans l’histoire  passée?  Y a t il de l’innovation sans mémoire ?

 

Notre objectif majeur est de devenir le moteur de la préservation de ce patrimoine et redonner la paternité aux événements concernant les Sépharades. On est en train de créer une gouvernance dynamique et touristique. On pense organiser des rencontres.  On souhaite rétablir et transmettre pour que les générations futures soient conscientes de leur ADN et racines et puissent continuer le souffle de création et d’Innovation dans tous les domaines.

 

On sait ce qui s’est passé pour tous les endroits où ils se sont installés: Le Maghreb, l’Empire Ottoman dont Ils ont peuplé une partie importante avec un apport exceptionnel, La Grèce dont Salonique, Le Portugal mais pas seulement. La souffrance était accompagnée d’un apport exceptionnel et les juifs sépharades d’aujourd’hui n’acceptent plus d’être considérés comme les ‘oubliés’ ou les sous développés que présente Michal Boganim.

Mes grands parents se sont révoltés contre cette idée et ce traitement. Ils sont arrivés en 1920 en apportant des moyens considérables pour construire des usines et des magazins de textile et pour créer une société internationale dans le textile, entre Haïfa, Buenos Aires, Manchester en Angleterre ou était née ma mère, le Liban où une partie de la famille vivait encore et même au Caire. Leurs parents étaient déjà des juifs connus à la fois a Alep ou le père de ma grand-mère était à la tête d’un mouvement juif très connu, à la fois au Liban où leurs parents étaient des médecins connus d’où vient leur nom Hakim. Ils se sont révoltés en décidant de créer avec Beguin, Shamir et autres le nouveau parti politique et mouvement d’économie libérale Zionim Klalim devenu le Likoud puis Cherout . L’histoire de mon oncle Eliyahu Hakim parti pour se libérer du gouverneur britannique est bien connue. Le mouvement politique et économique a bien réussi à faire évoluer l’économie et la pensée politique et sociale.

Il faut souhaiter que ce monde sépharade prenne  de plus en plus de liberté et d’initiative pour faire évoluer Israël dans la paix et dans l’apport mondial et dans la réparation du monde c’est le sens de Tikoun Olam.

Enfin les juifs sépharades remontent en l’honneur. Leur histoire, leur patrimoine intellectuel, artistic, scientific ainsi que leur apport social lié aux règles de vie servent d’exemple au monde.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager :