RADIO J. BONJOUR STEVE, Chronique de Daniel Rouach.

Question du jour : Va-t-on assister au départ précipité de nombreux leaders du hightech israélien ? Notre réponse est NON !

Les fondateurs, les cadres et les travailleurs du secteur technologique israélien ont exprimé leur vive opposition au projet de réforme judiciaire proposé par le ministre de la Justice Yariv Levin qui vise à limiter radicalement l’indépendance de la Haute Cour.

Le PDG de Verbit, Tom Livne, dont la société de logiciels de transcription et de sous-titrage hybrides, basés sur l’intelligence artificielle et l’intervention humaine, a été évaluée à 2 milliards de dollars lors de son dernier tour de financement fin 2021, a décidé de quitter le pays. Il l’a annoncé cette semaine.

Verbit emploie quelque 200 d’employés en Israël et près d’un millier à l’étranger.

Fondés en 2017, les services de transcription de Verbit sont utilisés par plus de 2 000 clients dans les secteurs du droit, des médias, de l’éducation, du gouvernement et des entreprises, notamment CNBC, CNN, FOX, l’université de Harvard, de Stanford et Kaltura.

Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich a réagi à l’annonce de Tom Livne sur Twitter, lui disant que « nous sommes des frères » et « espérons que tu reviendras ». « Nous n’avons pas d’autre terre ni d’autre peuple ni d’autre pays. Quoi qu’il en soit, nous promettons, avec l’aide de Dieu, de garder Israël juif et démocratique, fort et économiquement prospère, afin que vous et chaque Juif ayez toujours un foyer où revenir », a déclaré le ministre, membre clé de la coalition.

EFFET DOMINO ? Des départs précipités ?

En  fait très peu de pays ont un écosystème aussi résilient qu’Israël. Le pays possède tous les ingrédients du succès. Des Universités de premier plan, des entrepreneurs qui n’ont pas froid aux yeux, des immigrants qui arrivent dans le pays et possèdent des savoir-faire uniques et utiles. Les chances que les firmes internationales quittent le pays sont très faibles.

L’effet domino est une réaction en chaîne qui peut se produire lorsqu’un changement mineur provoque un changement comparable à proximité, qui provoquera un autre changement similaire, et ainsi de suite au cours d’une séquence linéaire.

Israël a déjà vécu des périodes difficiles… et finalement tout est revenu dans l’ordre.

IL Y A 20 ANS « Triste année que 2001 pour l’économie israélienne. L’Intifada a d’abord sérieusement plombé les comptes de l’Etat hébreu: 3 milliards d’euros de pertes au titre du tourisme, en chute libre, un chômage qui frise les 10% et le PIB qui, après avoir progressé de 6,2% en 2000, a diminué d’au moins 2% l’an dernier, la première baisse depuis 1953! – mais le high-tech, pilier de l’activité économique du pays, accuse un ralentissement dramatique.

Pour preuve, Comverse, star israélo-américaine de la voix sur Internet, vient d’annoncer le licenciement de 850 de ses 6 000 employés, ses résultats s’annonçant inférieurs à ses prévisions. Cette année, dans Silicon Wadi, le quartier high-tech au nord de Tel-Aviv, plus de 9 sociétés du secteur sur 10 n’ont pas atteint leurs objectifs. S’exprimant lors de la Lors de la conférence Cybertech Global à Tel Aviv, le Ministre Nir Barkat, du parti au pouvoir, le Likud, s’est vu demander si les changements judiciaires proposés et très controversés menaçaient la prospérité continue du secteur high-tech local.

« Je comprends qu’il y ait un défi interne, mais nous devons travailler intelligemment et séparer les défis économiques et politiques ici en Israël », a répondu Barkat.

« Lorsque je parle avec mes pairs dans le monde, cette question n’est même pas mentionnée », a-t-il ajouté. « Je n’ai pas l’impression que cela affecte la situation. C’est parce que les investisseurs du monde entier s’intéressent aux meilleurs entrepreneurs, idées ou produits et recherchent des solutions – tant qu’Israël pourra fournir cela, il restera un leader. »

Alors que l’économie et les marchés financiers d’Israël ont largement résisté aux événements politiques et sécuritaires ces dernières années, les analystes des sociétés d’investissement, les entrepreneurs et les acteurs financiers commencent maintenant à mettre en garde contre le fait que les changements judiciaires prévus pèsent sur le sentiment des investisseurs.

« Tout le monde comprend que nous devons réformer le système judiciaire, mais comment le faire, est un défi politique interne en Israël », a déclaré Nir Barkat. « Je suis favorable à la discussion, mais ne mêlons pas la politique et l’économie. Il faut bien faire le distinguo. »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a accusé mardi ses rivaux politiques d’essayer de nuire à l’économie avec leurs prédictions de fuite des investisseurs et d’affaiblissement du shekel à la suite des propositions de sa coalition. La semaine dernière, les dirigeants des banques israéliennes ont averti le Premier ministre qu’ils avaient commencé à observer une fuite des fonds ces derniers jours, les comptes d’épargne étant transférés à l’étranger.

REVUE DE PRESSE.

 En Israël, la fronde des élites économiques pour défendre une démocratie en danger.

En Israël, le secteur financier est en pleine turbulence. Alors que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, est, jeudi 2 février, en visite officielle en France, analystes des sociétés d’investissement, entrepreneurs et acteurs financiers israéliens montent au créneau et, fait rare, se mêlent de politique. Tous redoutent en effet que les réformes controversées portées par le gouvernement d’extrême droite ne fassent fuir les investisseurs et bouleversent l’économie.

Dans leur ligne de mire, la réforme de la Haute Cour de justice, présentée le 5 janvier dernier. Largement dénoncée en Israël comme une menace pesant sur l’État de droit, elle entend limiter les pouvoirs de la plus haute instance judiciaire du pays. Divisée en quatre volets, la mesure veut notamment réduire le contrôle qu’exerce actuellement cette Cour sur les lois adoptées par le Parlement et modifier les modes de nomination des juges et des conseillers au sein des ministères.

Depuis un mois, le gouvernement reste sourd aux manifestations massives organisées chaque semaine, dont certaines par les employés du secteur de la tech. Mais celles-ci ont reçu un soutien inattendu : la semaine dernière, le gouverneur de la banque centrale israélienne, Amir Yaron, a, selon les médias israéliens, appelé Benjamin Netanyahu à la prudence, redoutant qu’un recul de la démocratie en Israël ne fasse fuir les investisseurs étrangers.

À sa suite, plusieurs directeurs de banque ont exprimé leurs inquiétudes. « Vous devez immédiatement vous arrêter et n’avancer les changements qu’avec prudence et consensus, a ainsi déclaré le PDG de la Banque Discount, Uri Levin. Peut-être avons-nous tort et avez-vous raison, mais le prix d’une erreur pourrait être fatal pour la démocratie et l’économie. »

Moshe Hazan, un haut-responsable à la Banque d’Israël, a même démissionné avec fracas, affirmant ne pouvoir rester à son poste « alors que la démocratie israélienne est en danger. »

L’argument fait mouche, tant par sa rareté que par ses auteurs : difficile d’accuser l’élite économique israélienne de « gauchisme », comme aime à le faire Benjamin Netanyahu pour discréditer ses opposants.

« Généralement, les débats en Israël tournent autour du risque d’isolement diplomatique et des tensions avec la diaspora. Là, c’est la première fois qu’on met en avant le lien entre démocratie et retombées économiques. Je pense que c’est le seul argument auquel Netanyahu peut être sensible, analyse ainsi Denis Charbit, professeur de sciences politiques à l’Université Ouverte d’Israël. Il se moque des 100 000 personnes qui manifestent tous les samedis. Mais la prise de position des élites économiques pèse bien davantage. »

Du jamais vu en Israël, une « lettre d’urgence » a ainsi été signée le 25 janvier par plus de trois cents économistes – universitaires et prix Nobel, mais aussi conseillers du ministère des Finances, préposés au budget et gouverneurs de banques centrales. Ces acteurs de premier plan, peu enclins d’ordinaire à prendre position en politique, y alertent sur le risque économique représenté par les réformes judiciaires portées par le gouvernement.

« Sur les vingt dernières années, observe Denis Charbit, toutes les recherches montrent que le passage d’une démocratie libérale vers un régime illibéral, comme en Turquie, en Hongrie ou en Pologne, par exemple, s’est traduit par une chute des investissements étrangers. C’est ce que redoutent les acteurs de l’économie israélienne, et c’est le principal argument qu’ils mettent en avant. »

Fuite des licornes 

Et ce, d’autant que les investissements étrangers en Israël sont déjà mis à rude épreuve en raison de l’insécurité régnant dans le pays et des campagnes de boycott condamnant l’occupation des Territoires palestiniens. « Y ajouter le risque d’une perte d’indépendance de la justice pourrait être la goutte d’eau, poursuit Denis Charbit. Personne ne sait si cela va effectivement se produire, mais la menace suffit pour affoler. »

Des dirigeants de licornes, ces start-ups cotées en Bourse à plus d’un milliard de dollars, ont ainsi annoncé leur intention de s’exiler et de retirer leurs investissements du pays si la réforme était adoptée. Mardi, Tom Livne, PDG de la licorne israélienne Verbit, a incité les cadres du secteur de la high-tech à suivre son exemple et à quitter Israël pour ne plus y payer d’impôts. Papaya Global, une autre licorne basée à Tel-Aviv, a quant à elle déclaré qu’elle retirait tous ses investissements d’Israël.

Face au risque d’effet boule de neige, Nir Barkat, le ministre de l’Économie, a entrouvert pour la première fois, mercredi, la porte de la négociation, en affirmant : « Je suis favorable à la discussion, mais ne mêlons pas la politique et l’économie. » Pas sûr, néanmoins, que cela suffise à calmer les esprits.

.france24.com

Partager :