En Israël, la startup nation, on s’est fait une spécialité d’improviser des solutions à court terme pour des problèmes immédiats, que l’on améliore – ou que l’on bricole, selon le point de vue – au fur et à mesure de l’évolution des besoins.
C’est ce qui se passe avec la Judée Samarie et la Bande de Gaza depuis près de soixante ans. Juste après la guerre des Six Jours, en août 1967, le gouvernement israélien réalise qu’il va devoir prendre en charge la population palestinienne qui s’y trouve. Il crée l’office de coordination des activités de Tsahal dans les Territoires, une unité militaire chargée des affaires civiles des Palestiniens. Il faut veiller à tous les aspects de leur vie : éducation, santé, infrastructures, équipement, économie, etc. C’est l’armée israélienne qui devient donc l’interlocuteur des responsables palestiniens au niveau local.
Et rapidement, vient s’ajouter une dimension supplémentaire : le début du peuplement juif et la construction des premières implantations. Une nouvelle population dont il faut aussi organiser les conditions de vie. En 1981, le gouvernement israélien créée une administration civile, qui dépend de l’unité de coordination de Tsahal dans les territoires, chargée comme son nom l’indique des questions civiles, mais placée sous la tutelle du Ministère de la Défense. Ces deux organisations sont administrées par des militaires, nommés par la hiérarchie militaire, et même par le chef d’état-major de Tsahal pour ce qui est des commandants des deux unités, le Ministre de la Défense se contentant de donner son aval.
Avec le processus diplomatique enclenché en 1993, Tsahal commence à se retirer des agglomérations palestiniennes – ce que l’on appelle la zone A – pour laisser la place à une entité palestinienne autonome. Mais la coordination ne s’arrête pas pour autant. Tout ce qui concerne le développement des infrastructures et des équipements dans les territoires autonomes ne peut se faire qu’avec l’autorisation et les moyens d’Israël. Sans oublier l’aspect sécuritaire, puisque là aussi, la coordination continue, quand Tsahal doit exercer sa mission de défense.
Et dans le même temps, le peuplement juif a continué à se développer au-delà de la ligne Verte. Si l’on laisse de côté la Bande de Gaza, dont Israël s’est retiré unilatéralement en 2005, on compte aujourd’hui près d’un demi-million d’Israéliens établis en Judée Samarie et qui dépendent de l’administration civile de Tsahal, qui fonctionne comme un mini-gouvernement et gère tous les aspects de leur vie. On comprend bien que pour le parti Sionisme Religieux, c’est le sort de ces Israéliens de Judée Samarie qui importe.
Et c’est pour eux, qui ont largement voté pour son parti, que Betsalel Smutrich tenait tant à obtenir le contrôle de l’unité de coordination des activités de Tsahal dans les Territoires et de l’administration civile. Seulement à ce stade, rien n’a été prévu ni pensé pour une séparation des activités qui relèvent de la population israélienne et de celles qui relèvent de la population palestinienne de Judée Samarie. L’ensemble est placé sous le contrôle de cette unité militaire, elle-même rattachée au ministère de la Défense.
De même qu’il n’y a pas eu de réflexion de fond préalable sur l’extension de la souveraineté israélienne aux implantations de Judée Samarie. Cela peut être l’occasion de le faire, mais si possible sans trop d’improvisation.
Pascale Zonszain