Le Rapport sur les inégalités mondiales 2022, coordonné par plusieurs experts, dont l’économiste français Thomas Piketty, met en lumière les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur les disparités de richesse à travers le monde et plus particulièrement en Inde. L’Inde fait désormais partie des pays les plus inégalitaires dans le monde et les auteurs du rapport qualifient même l’Inde « de pays pauvre et très inégalitaire, avec une élite aisée« .
Les niveaux de revenu moyen national sont de mauvais indicateurs de l’inégalité.
La carte mondiale des inégalités révèle que les niveaux de revenu moyen national sont de mauvais indicateurs de l’inégalité – parmi les pays à haut revenu, certains sont très inégaux (comme les États-Unis), tandis que d’autres sont relativement égaux (Suède).
« Il en va de même pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, certains présentant des inégalités extrêmes (Brésil et Inde), d’autres des niveaux assez élevés (Chine) et d’autres encore des niveaux modérés à relativement faibles (Malaisie, Uruguay)« , indique le rapport.
Les inégalités de revenu et de richesse ont augmenté presque partout dans le monde depuis les années 1980, suite à une série de programmes de déréglementation et de libéralisation qui ont pris des formes différentes selon les pays.
« Cette hausse n’a pas été uniforme : certains pays ont connu des augmentations spectaculaires des inégalités (notamment les États-Unis, la Russie et l’Inde), tandis que d’autres (les pays européens et la Chine) ont connu des augmentations relativement plus faibles« , indique le rapport.
En Inde, les inégalités se sont creusés depuis les années 1980.
Des disparités de revenus énormes entre les plus pauvres et les plus riches.
Dans le rapport sur les inégalités mondiales 2022, le revenu national moyen de la population adulte indienne est estimé à 204 200 roupies (soit environ 2 385 euros). Mais, cette donnée n’illustre pas du tout la répartition du revenu national entre les plus pauvres et les plus riches.
En Inde, les 50 % les plus pauvres gagnent seulement 53 610 roupies (soit environ 625 euros), et les 10 % les plus riches gagnent 1 166 520 roupies, soit 20 fois plus (environ 13 600 euros).
Le 1 % de la population la plus aisée du pays gagne en 2021 plus d’un cinquième du revenu national total et la moitié inférieure gagne seulement 13 % du revenu national total.
La majorité de la richesse en Inde est possédée par les 10% les plus riches.
Les inégalités se sont creusées en ce qui concerne la richesse.
Selon le rapport, la richesse moyenne des ménages en Inde s’élève à 983 010 roupies (environ 11 480 euros). Les politiques de déréglementation et de libéralisation mises en œuvre depuis le milieu des années 1980 ont conduit à « l’une des augmentations les plus extrêmes des inégalités de revenus et de richesse observées dans le monde« .
Les 50 % des ménages indiens les plus pauvres ne possèdent presque rien. La classe moyenne est également relativement pauvre, puisqu’elle possède seulement 29,5 % de la richesse totale du pays, alors que les 10 % et 1 % les plus riches détiennent 65 % et 33 % de la richesse totale.
La crise sanitaire due au covid-19 qui a engendré une précarisation de milliers d’Indiens a par ailleurs profité aux Indiens les plus riches. En 2020, 40 Indiens sont entrés dans le club des milliardaires et Mukesh Ambani, l’homme le plus riche du pays, a vu sa fortune augmenter de plus de 20 %. Gautam Adani, le deuxième milliardaire indien, a doublé sa fortune en 2020.
Durant les manifestations contre les réformes agricoles qui se sont déroulées de septembre 2020 à décembre 2021, un des slogans était : « Nous ne voulons pas dépendre d’Ambani – Adani« .
Des inégalités entre les sexes très importantes en Inde.
Le rapport indique également que les inégalités entre les sexes sont très importantes en Inde : « La part du revenu du travail des femmes est de 18 %. Ce chiffre est nettement inférieur à la moyenne de l’Asie (21 %, à l’exclusion de la Chine)« , indique le rapport, qui ajoute que cette valeur est l’une des plus faibles au monde, légèrement supérieure à la part moyenne du Moyen-Orient (15 %).
Le rapport souligne qu’en 2021, après trois décennies de mondialisation commerciale et financière, les inégalités mondiales restent extrêmement prononcées. « Elles sont à peu près aussi importantes aujourd’hui qu’elles l’étaient à l’apogée de l’impérialisme occidental au début du XXe siècle« , indique le rapport. Lucas Chancel, auteur principal du rapport, a déclaré que la crise de Covid a exacerbé les inégalités entre les personnes très riches et le reste de la population. « Pourtant, dans les pays riches, l’intervention des pouvoirs publics a empêché une augmentation massive de la pauvreté, ce qui n’a pas été le cas dans les pays pauvres. Cela montre l’importance des États sociaux dans la lutte contre la pauvreté« , a-t-il ajouté.
Méthodologie utilisée dans le rapport sur les inégalités dans le monde 2022 : Le revenu national est la somme de tous les revenus perçus par les individus résidant dans un pays donné au cours d’une année. Les revenus prennent diverses formes et on distingue généralement deux grandes sources : les revenus provenant du travail des individus (par exemple, les salaires ou les traitements) et les revenus provenant du patrimoine des individus (par exemple, les intérêts et les dividendes). La richesse nationale est la somme de la valeur de tous les actifs détenus par les individus dans un pays donné. Il s’agit d’un stock résultant de l’accumulation du capital (de l’épargne, c’est-à-dire des revenus qui n’ont pas été consommés) et des effets de prix.