C’est par un appel téléphonique que le président turc Recep Tayyip Erdoğan et le premier ministre israélien Yair Lapid ont convenu le 17 août 2022 du rétablissement des relations diplomatiques complètes entre leurs deux pays, notamment en renommant des ambassadeurs dans leurs pays respectifs pour la première fois depuis 2018. Lapid a souligné que la reprise de ces relations est un facteur important pour la stabilité régionale, et qu’elle permettra de soutenir l’économie israélienne et renforcer la position d’Israël sur la scène internationale.

Ankara justifie cette décision en mettant en avant l’intérêt des Palestiniens. Dans une interview accordée à la radio turque Haber Global le 23 août, le ministre turc des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a déclaré que l’Autorité palestinienne (AP) et le Hamas se félicitent de la normalisation des relations entre la Turquie et Israël, car elle permettra à Ankara de mieux soutenir la cause palestinienne.

La Turquie peut compter sur l’AP pour la conforter dans sa décision, puisque ce commentaire intervient au moment où le président palestinien Mahmoud Abbas était en visite dans la capitale turque pour rencontrer son homologue Recep Tayyip Erdoğan.

De son côté, le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad Al-Maliki qualifie, dans une déclaration à la chaîne turque CNN, ce retour à la normalisation entre la Turquie et Israël d’étape utile pour la cause palestinienne en ajoutant : « Nous n’avons pas été surpris par la décision turque, et nous nous en félicitons, car elle aidera les Palestiniens ». Une réaction qui détonne avec celle d’août 2020, lorsque les Émirats arabes unis ont normalisé leurs relations avec Israël : la même AP avait alors exprimé, par l’intermédiaire de son porte-parole Nabil Abou Roudeina, son rejet de la décision d’Abou Dhabi, soulignant que cette décision torpillait les initiatives de paix arabes, et avait exigé son abandon.

Un allié historique

La politique étrangère turque envers la Palestine s’est modifiée depuis qu’Erdoğan, à la tête du Parti de la justice et du développement (AKP) est devenu premier ministre en 2002. Un engagement dans les territoires occupés permet au leader islamo-conservateur de soigner son image dans le monde arabo-musulman. Peu de temps après son arrivée au pouvoir, un accord commercial de libre-échange est signé avec l’AP dès 2004, permettant à la Turquie d’exporter ses biens vers la Cisjordanie (la valeur des exportations turques a atteint 290 millions de dollars, soit 298,93 millions d’euros en 2013).

L’aide turque annuelle à l’Autorité varie entre 10 et 20 millions de dollars (10,31 et 20,62 millions d’euros) par an, et l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) mène des initiatives sociales dans les territoires palestiniens, dont 70 projets recensés durant la dernière décennie rien qu’à Jérusalem-Est, et affiche un objectif de construire une école dans chaque ville palestinienne. En 2014, Istanbul accueille un congrès international pour la reconstruction de la bande de Gaza suite à l’offensive israélienne qui a fait plus de 2200 morts. Le gouvernement turc débloque pour l’occasion une aide de 200 millions de dollars (206,16 millions d’euros). Ankara cherche également à étendre son influence symbolique en mobilisant l’héritage ottoman, comme cela a été le cas en 2017 avec l’opération intitulée « Sur les pas d’Abdoul Hamid », où une délégation de la mairie d’Istanbul s’est rendue à Jérusalem pour nettoyer les monuments ottomans de la ville.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi de la politique étrangère turque sur ce dossier. Historiquement, la Turquie, qui a choisi la neutralité pendant la guerre israélo-arabe de 1948, a été le premier pays musulman à reconnaître l’existence d’Israël, le 28 mars 1949. Quelques mois plus tard, en janvier 1950, Ankara envoie le diplomate Seyfullah Esen à Tel-Aviv en tant que premier chargé d’affaires turc en Israël. Au cours des années 1950, la Turquie rejoint le bloc des pays occidentaux qui ont protesté contre la décision du Caire d’empêcher le passage des navires israéliens par le canal de Suez, tandis que le Mossad ouvre un bureau sur le sol turc.

SOURCES. lettre d’information hebdomadaire d’Orient XXI

 

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