De nombreux laboratoires pharmaceutiques et medtechs ont jeté leur dévolu ces dernières années sur les pépites israéliennes de la santé. Boston Scientific a ainsi racheté l’an passé, pour 1,1 milliard de dollars, Lumenis, spécialisé dans les appareils chirurgicaux, notamment les lasers d’urologie. Sanofi a, lui, signé l’an passé un accord de licence pouvant aller jusqu’à 1 milliard de dollars avec la biotech Biond Biologics sur un traitement d’immunothérapie (cancer). Qare a adopté il y a trois ans les outils de Tyto pour ses téléconsultations. Le record reste détenu par Medtronic, qui a mis la main pour 1,6 milliard de dollars sur Mazor Robotics en 2018.
Au total, 47 entreprises du secteur ont été acquises ces six dernières années, pour un total de 9 milliards de dollars.
L’intérêt des investisseurs étrangers ne s’est pas démenti l’an passé avec 1,9 milliard de dollars levés rien qu’en e-santé (+ 121 %). La palme revient à Viz.ai, devenu en avril une licorne (1,2 milliard de dollars de valorisation) suite à un tour de table de 100 millions de dollars mené par le fonds américain Tiger Global.
L’attrait de la healthtech israélienne s’explique par la diversité du paysage, qui compte plus de 1 700 entreprises, en majorité dans les dispositifs médicaux et l’e-santé. Des domaines où les besoins de l’industrie n’ont jamais été si importants en raison de la hausse des dépenses de santé, des pénuries de personnels et de l’accélération de l’innovation médicale. Dans un pays dix fois plus petit que la France par la taille de sa population, environ 150 entreprises sont créées chaque année dans la santé. Au coeur de leur succès, le positionnement axé sur les data, l’intelligence artificielle et la médecine de précision. Car Israël a fait de la tech le coeur de son économie. Cela s’explique notamment par la place centrale de l’armée dans la formation des élites et la culture entrepreneuriale.
La spécificité du modèle tient aussi à l’organisation de la R & D. Israël a très tôt misé sur la collaboration entre public et privé. Plusieurs hôpitaux ont ainsi installé au coeur même de leur campus des incubateurs de start-up. Au Alyn Hospital, spécialisé dans la rééducation des enfants, une douzaine d’entreprises planchent sur des équipements adaptés aux besoins individuels de chaque patient. « Nous connectons ces start-up à notre réseau d’hôpitaux et d’institutions partenaires afin d’élargir leur marché mais c’est à elles de faire en sorte que leur modèle soit profitable » , explique Arie Melamed Yekel, à la tête de l’espace d’innovation.
L’un des défis consiste à pérenniser cette industrie, constituée essentiellement de jeunes entreprises, à l’exception de quelques poids lourds comme Teva. « Nous avons des instituts scientifiques de renom comme Weizmann ou le Technion mais il nous manque des entreprises établies, déclare Tehila Ben Moshe, à la tête de la biotech Biond Biologics. Peu importe la taille du pays, nous devons être aux standards internationaux en termes de taille et de qualité de l’innovation. Et il nous faut conserver l’expertise. »
De nombreuses entreprises quittent, en effet, le territoire israélien à la suite d’une introduction en Bourse sur le Nasdaq ou d’une acquisition. Car faute d’un écosystème financier suffisamment développé, Israël dépend encore beaucoup des États-Unis. « Nous manquons encore de fonds de capital-risque spécialisés dans la santé qui peuvent accompagner les start-up pour des levées de fonds de plusieurs dizaines de millions de dollars » , indique Michal Golan Mashiach, à la tête de la biotech Edity Therapeutics (thérapie génique), qui vient d’être sélectionnée pour participer à un programme de mentoring européen. « C’est aussi une condition pour attirer et retenir les talents, et garantir l’avenir de notre industrie » , ajoute Erez Golan, serial entrepreneur, à la tête de la medtech Pi-Cardia, dans laquelle le fonds européen de capital-risque Sofinnova a investi il y a deux ans. Tous espèrent que le Covid, qui a dopé la visibilité de la healthtech israélienne, aura un effet d’accélérateur sur l’ensemble de l’écosystème.
Source : Le Figaro – résumé par Israël Valley