Daniel Haïk (Copyrights). Selon un sondage publié à l’occasion du 74e anniversaire de l’indépendance de l’Etat d’Israël, 86% des citoyens du pays sont fiers d’être Israéliens. 78% estiment par ailleurs qu’il fait bon ou même très bon vivre dans l’Etat d’Israël d’aujourd’hui, et 50% estiment que la solidarité et la capacité d’être garants les uns des autres sont les qualités dominantes des Israéliens, loin devant leur décontraction ou leur franc-parler ( 7% chacune).

Pourtant, une question peut interpeler celui qui fréquente de près les Israéliens. Comment des données aussi élogieuses peuvent elles se concilier avec l’image que ces derniers donnent souvent d’eux, à savoir celle de « râleurs » professionnels, d’éternels mécontents et de politiquement déchirés…?

 L’une des réponses possibles à cette apparente contradiction pourrait être renfermée dans les deux journées nationales qui transcendent la nation israélienne: le Jour du Souvenir (Yom Hazikaron) à la mémoire des soldats tombés au combat et des victimes civiles du terrorisme, et la Journée de l’Indépendance (Yom Haatzmaout) qui suit le lendemain.

363 jours par an, les Israéliens sont de grands comédiens doublés de grands masochistes. Ils jouent des rôles de composition dans un opéra de vie qu’ils écrivent eux-mêmes. Ils se complaisent dans la complainte, ils se disputent pour la façade, ils se combattent pour mieux se faire battre.

Mais pendant ces deux grandes journées d’exception, les Israéliens redeviennent eux-mêmes. Ils redeviennent ce peuple qui a traversé l’Histoire pour relever l’un des plus grands défis de l’Humanité: retrouver, après deux mille ans d’exil, une terre, une patrie, et la défendre bec et ongles. Un peuple qui, comme l’a si bien dit mardi soir dernier le général Aviv Kohavi, n’a jamais fui l’épreuve, ne s’est jamais soustrait à ses responsabilités, et a toujours répondu présent. Quitte à payer le plus lourd tribut personnel, celui de la vie, pour préserver celle de la Nation.

Unité salvatrice

Pendant ces deux jours hors du temps, pendant ces 48 heures d’élévation, les Israéliens oublient les divisions qui leur collent à la peau pour aller à l’essentiel. Pendant ces deux journées, à la fois terribles et tellement stimulantes, ils font ressurgir leur optimisme chronique, leur foi inébranlable, leur intime conviction qu’au bout du compte, tout ira bien.

Et ils peuvent regarder en arrière avec une fierté à peine dissimulée: celle d’avoir réussi, au sortir de la catastrophe la plus douloureuse qu’un peuple ait essuyée, la Shoah, à créer un Etat souverain; d’avoir trouvé la force de le protéger face aux armées arabes qui, dès sa naissance, n’ont eu de cesse de vouloir le détruire; d’avoir réussi, au fil des décennies, à l’imposer comme un îlot de stabilité dans un Proche et un Moyen-Orient turbulents; d’avoir compris que, dans cette région souvent hostile, Israël ne pourra jamais réellement compter que sur lui-même, et qu’il n’a pas le loisir de manifester la moindre marque de faiblesse de crainte de disparaître.

La fierté aussi d’avoir réussi à faire d’Israël cette start-up nation que le monde courtise; d’avoir pu imposer Israël comme le saint des saints de l’Innovation; d’en avoir fait le laboratoire expérimental le plus performant pour lutter contre le Covid; d’avoir su en faire le leader mondial dans des secteurs de pointe tels que l’agriculture, l’eau, la médecine et d’autres encore; de l’avoir doté d’une monnaie, qui est considérée comme l’une des plus solides au monde et d’avoir su se hisser dans le Top 10 des pays industrialisés les plus puissants!

Pendant ces deux journées du souvenir et de l’Indépendance, les Israéliens retirent les filtres de l’ordinaire pour s’engouffrer dans l’extra-ordinaire. De facto, ces journées sont un formidable catalyseur qui pousse les Israéliens à l’excellence durant le reste de l’année. Elles sont la preuve que la résilience est bien l’une des qualités majeures qui ont permis au peuple juif de surmonter les épreuves les plus terribles pour fonder un Etat qui, comme le disaient les Prophètes, sera un Phare pour les Nations.

En hébreu, le mot « Emet » signifie Vérité. Le mot « Met » signifie la Mort. Une seule lettre les différencie, le Aleph, la première lettre hébraïque, celle de l’Unité.

Voilà donc le secret dévoilé: ces deux jours consécutifs de commémoration et de festivités sont ceux où les Israéliens mettent de côté leurs différends, pour s’unir et redevenir garants l’un de l’autre. Et c’est cette unité du Aleph qui leur permet de passer, en quelques instants, de la journée de deuil du Yom Hazikaron à la journée de Vérité, celle du Yom Haatzmaout; de la douleur à la joie; de la tristesse à l’Espoir : cet Espoir, la Hatikva, qui est son hymne national et qui, jamais, n’a abandonné le peuple d’Israël.

Daniel Haïk.

i24News.

Partager :