Israël, refuge financier précaire pour les oligarques juifs russes.

C’est par un message laconique que le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem a annoncé jeudi la suspension de son partenariat stratégique avec Roman Abramovich, « compte tenu des récents développements ». Une formule aussi prudente que lapidaire, alors que l’oligarque russo-israélien vient d’être ajouté à la liste des ressortissants russes visés par les sanctions décidées par le gouvernement britannique. Abramovich, connu pour ses liens avec Vladimir Poutine, avait pourtant essayé d’anticiper en annonçant dès la semaine dernière son intention de vendre le club de football de Chelsea, qu’il avait racheté il y a près de vingt ans, promettant que le produit de la vente serait reversé aux réfugiés ukrainiens. Quant à sa coopération avec Yad Vashem, elle était aussi un moyen de prévenir les sanctions. L’oligarque avait signé un engagement de mécénat du mémorial de la Shoah pour plusieurs dizaines de millions de shékels, quelques jours à peine avant le début de l’invasion russe en Ukraine. Le montant exact n’avait pas été divulgué. L’institution israélienne ne veut évidemment pas risquer de voir ces fonds gelés sur demande de Londres, alors qu’elle aurait déjà entrepris de financer des travaux de recherche ou de construction de nouveaux bâtiments, comme elle en avait le projet.

Et ce n’est qu’un avant-goût de ce qui pourrait se produire pour les oligarques russes, qui ont au fil des années transféré des fonds et investi en Israël. Il est difficile de chiffrer le poids des oligarques dans l’économie israélienne. Mais ils sont présents dans de nombreux secteurs, en particulier dans l’immobilier et la communication, mais aussi dans le secteur du high-tech. Sans parler de leurs actions de mécénat et de philanthropie qui leur donnent droit, comme partout à des abattements fiscaux. Si des fonds russes en Israël devaient être gelés ou saisis, cela aurait donc un impact économique, même si l’on parle surtout de montages financiers avec des sociétés écrans, qui rendent plus complexe le traçage des fonds investis.

Jusqu’il y a une vingtaine d’années, Israël était considéré comme une sorte de paradis fiscal, dans la mesure où il ne contrôlait pas l’origine des fonds étrangers placés dans ses banques. L’idée était d’encourager les Juifs de diaspora à investir en Israël en sachant que leurs dépôts ne seraient pas imposés. Mais depuis, Israël a voté la loi contre le blanchiment d’argent et s’est mis en conformité avec les règlementations financières internationales, de coopération et de partage d’information, pour ne pas se retrouver sur la liste noire. Sauf qu’il reste l’exonération fiscale de dix ans sur les revenus à l’étranger, accordée aux nouveaux immigrants et citoyens de retour qui rendent évidemment Israël particulièrement attractif aux milliardaires juifs russes, qui ont pris des passeports israéliens.

La Banque d’Israël doit encore décider des directives à donner au système bancaire israélien en matière de coopération avec les établissements financiers étrangers et éventuellement les injonctions ou demandes de communication d’informations sur la provenance des fonds déposés par les oligarques. Mais les pressions ont déjà commencé, principalement en provenance des Etats-Unis, et il va devenir de plus en plus difficile pour les banques israéliennes d’accepter les fonds appartenant à des ressortissants russes visés par les sanctions. Et les établissements israéliens ont déjà commencé à limiter leurs transactions avec la Russie et l’Ukraine.

Pascale Zonszain

Partager :