Le « miracle » israélien illustre avec vigueur l’esprit de la « chutzpah », un mot d’hébreu moderne, dérivé du yiddish, qui exprime la hardiesse, l’audace, voire le culot ou l’arrogance. La prise de risque et l’innovation entrepreneuriale du pays ont en effet surgi dans un territoire initialement dépourvu d’atouts majeurs.
INNOVATION. L’ingéniosité israélienne a donné naissance à l’irrigation par goutte-à-goutte, aux tomates cerises, aux grilles de voitures électriques, à la clé USB… Il y a quatre ans, le Bloomfield Science Museum de Jérusalem avait exposé au public les 45 plus grandes inventions israéliennes. Les organisateurs de l’évènement avaient précisé toutefois que « bien d’autres inventions auraient eu leur place dans ce musée mais qu’ils ont du, pour des raisons de manque de place, limité le nombre d’exposants« . Une invention avait attiré le regard des visiteurs : la « Pillcam » de Given Imaging.
PILLCAM. Depuis des années, j’ai pris l’habitude de visiter de manière régulière une petite entreprise qui me fascine. Elle est installée au nord de la ville de Haïfa (Israël). Le produit-phare de cette société qui porte le nom de Given Imaging est la « PillCam ». C’est un appareil jetable, guère plus gros qu’une gélule d’antibiotique, mais qui embarque une mini-caméra, un éclairage, une batterie et un émetteur pour un voyage de l’oesophage jusqu’à la sortie naturelle et qui remplace beaucoup d’endoscopies douloureuses et dangereuses.
Given Imaging est « le leader mondial dans le développement et la promotion de solutions agréables pour le patient qui doit subir un examen de détection de troubles dans les voies gastro-intestinales ». La PillCam permet d’explorer le corps du patient sans douleur. Ce système est aujourd’hui reconnu dans le monde entier pour son efficacité. Given commercialise toute une gamme de capsules vidéo-endoscopiques et le système d’imagerie diagnostique associé, matériels qui bénéficient du marquage CE. Elle en assure les opérations de maintenance et d’application.
Transfert de technologie.
Son histoire est fabuleuse et elle résume de manière spectaculaire l’innovation à l’israélienne. Le savoir-faire initial de Given Imaging provient de Rafael, firme militaire spécialisée dans les missiles. Un véritable transfert de technologie militaire et de savoir-faire a eu lieu durant deux ans pour mettre au point la capsule. Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’ex-PDG de Given Imaging. Ses propos : « Nous avons révolutionné le domaine de la gastroentérologie avec le développement de la capsule endoscopique. Cette capsule pour l’endoscopie de l’intestin grêle a été révolutionnaire car elle a permis aux physiciens de visualiser pour la première fois de manière non-agressive l’intégralité de cet organe chez le patient ».
Notre question au PDG : Cette capsule aurait-elle pu naître ailleurs que dans la Silicon Valley israélienne ? Réponse :
« Aucun hasard dans l’éclosion de Given Imaging. Les Israéliens prennent des risques comme ils respirent. C’est le pays qui le veut. Rien ne leur fait peur en matière d’innovation de rupture. Israël est jeune, en croissance, et plein de vivacité. Israël est également un gigantesque réservoir de talents bien plus abordables financièrement que dans d’autres secteurs hi-tech comme la Silicon Valley. De plus, le Gouvernement soutient fortement la croissance de l’industrie hi-tech en distribuant des primes pour encourager l’investissement de capitaux et la Recherche-Développement scientifique ».
Le PDG a pu développer sa firme car il a bénéficié de gré ou de force des « Tables de la Loi » de l’Innovation en Israël formalisées par Edouard Cukierman et Daniel Rouach dans le livre « IsraelValley » (éditions Pearson).
Loi 1: L’éducation, l’université, la recherche, seront toujours les priorités du pays. La diffusion, l’amélioration et l’appropriation des technologies étrangères devront être permanentes, et il faudra privilégier la focalisation sur des industries vitales à la sécurité du pays (informatique, nucléaire, aéronautique, robotique, biotechnologie, instrumentation médicale).
Loi 2: La rapidité des actions offensives commerciales sur les marchés internationaux, l’adaptation face aux changements des technologies et la vitesse de réaction face aux concurrences et opportunités d e tous ordres devront être développées.
Loi 3: Continuer à tisser une toile d’alliances technologiques internationales, en particulier aux Etats-Unis et en Europe. Obliger les entreprises à être confrontées aux meilleures multinationales.
Loi 4: Construire Israël comme un « Technopôle-pays »et développer sans cesse les incubateurs technologiques créateurs d’emplois à forte valeur ajoutée. Développer les investissements en R&D et le potentiel humain scientifique.
Loi 5: Contourner l’état de conflit au Moyen-Orient, limiter l’impact des boycotts et profiter si possible des accords avec les pays arabes ; mais se focaliser sur l’Asie et l’Europe de l’Est.
Loi 6: Améliorer la productivité des entreprises israéliennes et les notions de management de la qualité. Améliorer autant que possible les visions marketing internationales à long terme des firmes israéliennes sur les marchés mondiaux.
Loi 7: Privatiser des entreprises publiques symboliques et encourager la libre entreprise tout en limitant l’inflation et la dette publique. Faire passer une industrie militaire du militaire vers le civil.
En raison d’un état de guerre presque permanent, les entreprises militaires ont dû se surpasser pour lutter contre des technologies étrangères qui pouvaient avoir un impact déterminant pour la sécurité du pays. Passées dans le civil, les percées militaires ont joué un rôle décisif.
Loi 8: Assurer aux immigrés russes de meilleures conditions d’intégration et des emplois afin d’exploiter au maximum un vivier humain très riche et déjà formé.
Loi 9: Développer la robotisation et, s’il le faut, « importer » des travailleurs étrangers. Mais garder des contacts économiques avec Gaza et Jéricho, afin d’alléger la misère qui risque de se retourner contre Israël.
Loi 10: Préserver la relation avec les Etats-Unis, qui versent trois milliards de dollars par an, et avec les Européens, afin de ne pas perdre les avantages d’une coopération technologique et des marchés publics.
L’avenir d’Israël technologique est très prometteur. La terre promise s’est révélée être un terreau fertile à l’éclosion de « champignons » high tech.