Micah Goodman est un intellectuel respecté du nouveau pouvoir israélien. Son « ami », le ministre des affaires étrangères, Yaïr Lapid, voit en lui « l’idéologue de [son] parti », Bleu Blanc, quand bien même il n’en est pas membre.
Dans Le Monde (Copyrights).
« Le premier ministre, Naftali Bennett, a lu ses livres et l’a reçu à plusieurs reprises, affirme M. Goodman, depuis sa prise de fonctions en juin.
A défaut d’une politique, qui reste à déterminer, ces responsables ont trouvé un slogan auprès de ce philosophe prolifique de 47 ans. Ils entendent « réduire le conflit » israélo-palestinien. C’est dire qu’ils ne souhaitent en aucune manière le résoudre. Ils espèrent simplement « réduire les frictions » militaires sur le territoire qu’Israël contrôle depuis la guerre de 1967, et prévenir l’écroulement d’une Autorité palestinienne (AP) en bout de course. L’administration démocrate, à Washington, ne leur en demande pas plus. Sans tout à fait le reprendre à son compte, elle se glisse depuis mai dans cet argumentaire.
Déjà, le gouvernement israélien en use pour évacuer un sujet encombrant. Durant son premier discours à l’Assemblée générale des Nations unies, le 27 septembre, M. Bennett, n’a pas même évoqué le mot « Palestiniens ». Dès juin, il avait fait savoir qu’il n’ouvrirait pas de négociations politiques de fond avec le président Mahmoud Abbas, durant son mandat.
Souvent maladroit.
Cependant, M. Goodman veut croire que la fragilité de ce gouvernement, coalition de huit partis de tous bords, dont l’un arabe et islamo-conservateur, lui offre une opportunité. Incapable de se retirer des territoires comme d’annexer la Judée-Samarie, il peut du moins appliquer « un consensus invisible » que le philosophe décèle au centre de cette société aussi diverse que ses représentants.
« Ce gouvernement peut agir parce que 70 % des Israéliens tombent d’accord : la plupart ne veulent pas contrôler la vie des Palestiniens et la plupart ne veulent pas qu’Israël soit menacé par le terrorisme. Ils veulent à la fois partir et rester en Cisjordanie. Cette fausse dichotomie pousse la majorité à l’indifférence. Ils cessent de penser au conflit et d’en parler », déplore-t-il.
M. Goodman est souvent maladroit lorsqu’il évoque les Palestiniens. C’est qu’il leur parle peu. Leur droit à l’autodétermination n’est pas son affaire.
Il l’évacue comme un obstacle à la réflexion, un sujet qui divise Israël. Son livre sur le conflit, Catch-67 (2017, traduction anglaise en 2018), est une analyse sur la fin des idéologies israéliennes. Il a fait suite à une série d’ouvrages populaires sur les textes canoniques de la religion juive.
Pour ses critiques, telle la politiste de gauche Dahlia Scheindlin, le pragmatisme affiché de M. Goodman acte au fond un recul israélien. « Il est vrai que des négociations ne peuvent pas s’ouvrir aujourd’hui, constate-t-elle. Mais sa proposition est une manière d’accepter qu’il n’y aura pas de résolution finale du statut des Palestiniens, qu’il n’y a rien à faire sur le plan qui importe le plus. »
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