Les économistes israéliens suivent avec attention l’évolution au Liban. Selon (1) : « Le parquet national financier français (PNF) a ouvert une enquête préliminaire pour « association de malfaiteurs » et « blanchiment en bande organisée » contre le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Considéré pendant des décennies comme l’un des artisans du miracle économique du Liban, le patron de la Banque centrale est aujourd’hui l’une des personnes les plus conspuées par la rue libanaise.

Une grande partie de la population libanaise estime que Riad Salamé est responsable de la pire crise financière de l’histoire du pays. Celle-ci se traduit par le blocage des dépôts par les banques, la dévalorisation aux deux tiers des épargnes et la dépréciation de la livre libanaise. La monnaie nationale a perdu 90% de sa valeur face au dollar, provoquant un effondrement brutal du pouvoir d’achat, rappelle notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh.

Tous ces malheurs qui se sont abattus sur les Libanais en moins d’un an sont imputés à Riad Salamé, appelé le « gardien » du système qui a mis le Liban à genoux. Après la Suisse, le patron de la Banque centrale fait donc l’objet d’une enquête en France pour biens mal acquis suite à deux plaintes déposées par des associations de lutte contre la grande criminalité financière. Les plaignants affirment que « le patrimoine global de Riad Salamé en Europe dépasserait aujourd’hui les 2 milliards de dollars », une fortune qui ne peut être justifiée par son salaire.

 

Enquête en Suisse

Selon une information révélée par le journal Le Temps, la Suisse a envoyé en novembre 2020 une demande d’entraide aux autorités libanaises à propos de Riad Salamé. Le courrier de 16 pages détaillait des mouvements d’argent suspects entre 2002 et 2014 : plus de 300 millions de dollars, issus de frais de courtage après la vente d’obligations d’État. L’argent aurait transité par les îles Vierges, avant d’atterrir sur un compte en Suisse, à la banque HSBC. Un compte appartenant à la société Forry Associates, derrière lequel se cache Raja Salamé, le frère de Riad Salamé, qui aurait facilité les transactions.

La justice s’intéresse aussi à plusieurs comptes en Suisse ouverts par Riad Salamé, rapporte notre correspondant à Genève, Jérémie Lanche. Il y en aurait au moins quatre, dans quatre banques différentes, toujours selon le courrier consulté par Le Temps.

Au cœur des soupçons, il y a également des biens immobiliers que Riad Salamé aurait acquis en Suisse. Berne confirme qu’une instruction pénale a été ouverte pour des soupçons de « blanchiment d’argent aggravé » et des « détournements au préjudice de la Banque du Liban ». Mais sans faire plus de commentaires à ce stade.

L’étau se resserre sur le patron de la Banque centrale au Liban même, où plusieurs collectifs de militants et d’avocats ont déposé des plaintes contre lui.

Des accusations infondées selon son avocat, maître Pierre-Oliver Sur qui dénonce « un détournement de procédure pour des fins de communication et des fins politique. Le détournement de procédure est grave parce qu’il a des conséquences sur un pays entier, sur un système financier ».

 

Une opération politique ? Maître William Bourdon, avocat de l’association Sherpa qui est à l’origine de la plainte déposée contre plusieurs hauts responsables libanais : « Tout ça, c’est bullshit comme disent les Anglais, ça n’a pas beaucoup d’intérêt. Ca montre l’état de panique et d’inquiétude, un état bien justifié d’ailleurs, de ceux qui à un moment ou un autre, j’espère le plus vite possible, rendront des comptes à la justice française mais aussi à leur pays. »

Selon Maître Bourdon, le gouverneur de la Banque centrale libanaise est au centre d’un système « mafieux » qui a mis le pays à genoux. Malgré tous ses déboires, Riad Salamé continue de décider des grands choix monétaires et financiers d’un pays en crise, où il possède toujours de solides appuis au sein de la classe politique et des médias.

La presse au Liban s’est longuement étendue sur cette affaire, signale notre correspondant à Beyrouth, Paul Khalifeh. « Le patrimoine de (Riad) Salamé scruté par le parquet français », titre en Une L’Orient-Le Jour. Citant des sources des plaignants, le quotidien francophone écrit que « l’ouverture d’une enquête préliminaire confiée à deux procureurs signifie que le parquet national français a estimé que les éléments étaient suffisamment documentés et sérieux pour justifier davantage d’investigation ». Le journal souligne que « le dispositif juridique permet de procéder à des gels d’avoirs et de biens dès lors qu’il y a une présomption de l’origine illicite des fonds. »

La volonté de Paris ?

Al-Akhbar propose une lecture plus politique des faits. Pour cet influent quotidien proche du Hezbollah, l’enquête française traduirait la conviction de l’Élysée que tout changement au Liban serait impossible tant que Riad Salamé dirige la Banque du Liban. Selon le journal, le parquet français aurait pu retarder la procédure judiciaire. Mais le fait de l’avoir actionnée deux semaines après la demande de la justice libanaise du gel des biens de Riad Salamé montre une volonté de Paris de voir le puissant gouverneur de la Banque centrale être remplacé.

Tous les journaux n’ont pas accordé à cette information l’importance qu’elle mérite. C’est le cas notamment de Nidaa al-Watan, qui s’est contenté de rapporter la nouvelle dans ses pages intérieures. Ce quotidien appartient à Michel Mecattaf, propriétaire de la principale société de transport de devises, déjà dans le collimateur de la justice libanaise ».

(1) www.rfi.fr

 

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