Simone Veil, le parcours d’une icône. Un article de Anne-Marie Rocco.

L’Aube à Birkenau, 2021 : cette spectaculaire installation de David Teboul, composée d’un néon monumental déployé sur l’ensemble de la façade de l’Hôtel de Ville, semble inviter les visiteurs à entrer dans les salles de l’exposition Simone Veil, qui ouvre ses portes le vendredi 28 mai. Plusieurs œuvres de l’artiste, vidéaste, cinéaste, photographe et ami de cette femme d’exception ponctuent un parcours très riche en forme d’hommage à l’icône disparue en 2017, intitulé « Nous vous aimons, Madame ».

Ce titre emprunté au discours prononcé par Jean d’Ormesson lors de la réception de Simone Veil à l’Académie française, en 2010, en dit long sur ce que représente la vie de cette femme hors du commun dans la mémoire collective des Françaises et des Français. Survivante d’Auschwitz-Birkenau et de Bergen-Belsen, première femme Secrétaire générale du Conseil supérieur de la Magistrature en 1970, première femme ministre de plein exercice de la Ve République en 1974, elle est l’auteure de la loi sur la dépénalisation de l’avortement, puis la première présidente du Parlement européen en 1979. Une ancienne déportée à la tête de l’assemblée strasbourgeoise élue pour la première fois au suffrage universel, un symbole particulièrement fort.

Des documents jamais montrés au public

Réalisée sous la conduite de deux commissaires, Constance de Gaulmyn, conservateur du patrimoine aux Archives nationales et responsable du fonds Simone Veil, et Olivier Rozenberg, enseignant et chercheur à Sciences Po, spécialiste de la vie politique et parlementaire française et européenne, l’exposition retrace de façon chronologique les différentes étapes de la vie de Simone Veil, au travers de documents dont certains n’avaient jamais été montrés au public, dont une série de photographies prêtées par ses fils. Des photos d’enfance issus d’albums de famille, la liste des convois de déportation de Simone Veil et de sa famille, ou encore un enregistrement de son témoignage sur la déportation, en 1947 devant l’Assemblée nationale, figurent parmi ces documents remarquables.

L’enfance à Nice, où Simone Jacob est née le 13 juillet 1927, passe trop vite, stoppée en plein vol par son arrestation, le 29 mars 1944. L’événement qui changera le cours de sa vie intervient le lendemain du jour où la jeune fille a passé son baccalauréat, alors qu’elle avait été exclue de son lycée parce que juive. Une vidéo de David Teboul, qui avait réalisé en 2003 un portrait intime sur et avec elle, la montre avec sa soeur Denise, évoquant leur enfance. Les deux sœurs ont connu « des déportations très différentes », souligne Olivier Rozenberg, Simone et son autre sœur Milou à Auschwitz alors que Denise a été internée à Ravensbrück pour faits de résistance. Toute une pièce de l’exposition est consacrée à la mémoire de la Shoah, où l’on peut aussi écouter son discours prononcé pour les 60 ans de la Libération des camps.

Dès son retour des camps, où les trois sœurs ont perdu leurs deux parents ainsi que leur frère, Simone Veil cherche à témoigner dans une France qui n’y est pas encore prête. Magistrate, elle travaille dans l’administration des prisons, les visites, œuvre à l’amélioration des conditions de vie des détenus. En pleine guerre d’indépendance en Algérie, elle se voit confier une mission d’inspection des prisons algériennes. Pour la première fois, l’exposition montre le rapport confidentiel issu de ce séjour, ainsi que son ordre de mission, daté du 11 avril 1959.

Entre intimité et vie publique

Ministre de la Santé du gouvernement de Jacques Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Simone Veil s’attelle au projet de loi sur l’IVG : l’exposition montre le manuscrit et la version dactylographiée de son discours à l’Assemblée nationale, le 26 novembre 1974. Un document qu’elle croyait avoir perdu, retrouvé dans les cartons des Archives nationales. Sa loi sur l’adoption est aussi restée dans les mémoires, avec la déclaration judiciaire d’abandon qui a permis à des milliers d’enfants d’avoir une famille. Puis en 1994, dans le gouvernement d’Edouard Balladur, elle instaure l’allocation adoption.

La dernière salle est consacrée à l’icône qu’est devenue Simone Veil au fil du temps. Véritable autorité morale, elle entre au Conseil Constitutionnel en 1998, préside la Fondation pour la mémoire de la Shoah de 2001 à 2007, et entre à l’Académie française en 2010. Son costume d’académicienne, et le croquis de la main de Karl Lagerfeld qui a signé ce vêtement d’apparat, termine le parcours d’une exposition accessible à tous, exhaustive et toujours très touchante car elle allie avec doigté la part d’intimité et celle de la vie publique.

Détails pratiques : Exposition à l’Hôtel de Ville, du 28 mai au 21 août 2021, du lundi au samedi sauf jours fériés, 10h-18h30. Entrée gratuite, inscription obligatoire quefaire.paris.fr/SimoneVeil.

 

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