Le chef de la police en Israël a accusé le député Itamar Ben Gvir d’avoir mis de l’huile sur le feu à Jérusalem et d’être en partie responsable des violentes manifestations qui ont rallumé les mèches du conflit israélo-palestinien. Retour sur le parcours de cet ultranationaliste dont l’entrée en mars à la Knesset semble avoir renforcé la confiance de l’extrême droite israélienne.
“La personne qui est responsable de cette Intifada est Itamar Ben Gvir”. Le chef de la police en Israël, Kobi Shabtaï, n’a pas mâché ses mots lors de ce briefing matinal avec Benjamin Netanhayu. Selon lui, les provocations du député de l’ultradroite et de ses partisans ont attisé la colère des Palestiniens et provoqué les violents affrontements qui ont secoué Jérusalem la semaine dernière.
Itamar Ben Gvir n’a pas tardé à réagir en affirmant que Kobi Shabtai devait être licencié et a accusé la police de ne pas avoir suffisamment eu recours à la force pour maîtriser les manifestations arabes.
Parmi les coups d’éclat du député, l’installation d’un bureau la semaine dernière en plein Cheikh Jarrah, ce quartier de Jérusalem-Est devenu le symbole de la colonisation israélienne. Fin avril, ce sont ses alliés du Lehava, un mouvement qui prône l’interdiction des mariages entre Juifs et non Juifs qui mettaient le feu aux poudres en criant “Mort aux Arabes”, à proximité de la porte de Damas.
“Le chef de la police n’a sans doute pas été à la hauteur des événements mais il a raison de dire qu’Itamar Ben Gvir et sa mouvance ont joué un rôle dans cette crise », confirme l’historien Simon Epstein qui pointe également du doigt la stratégie de la confrontation menée par les extrémistes islamistes. “Le résultat : des déferlements de violence à Jérusalem qui se sont ensuite étendus aux villes mixtes dans le pays”.
“Rhétorique agressive”
C’est à seulement 19 ans qu’Itamar Ben Gvir fait son entrée dans la vie publique israélienne. En 1995, dans un climat haineux à la suite des accords d’Oslo avec les Palestiniens, il brandit devant les caméras l’insigne de la voiture du Premier ministre Yitzhak Rabin.
« On est arrivé jusqu’à ce symbole. On arrivera jusqu’à lui », avait-il dit. Yitzhak Rabin sera assassiné par un extrémiste juif quelques semaines plus tard.
Inculpé plus d’une cinquantaine de fois par la justice depuis son adolescence notamment pour incitation à la haine, le suprémaciste juif finit par devenir avocat pour dit-il, “se défendre lui-même”.
“Il est devenu l’avocat attitré de tous les fanatiques et des militants d’extrême-droite”, explique Denis Charbit, professeur de science politique à l’université ouverte d’Israël à Raanana.
En 2006, par exemple, il défend deux adolescents accusés d’avoir participé à l’attaque d’une maison en Cisjordanie où deux parents et leur bébé ont été brûlés vifs.
Régulièrement invité sur les plateaux de télévision pour créer la polémique et faire grimper l’audimat, Itamar Ben Gvir est “une personnalité haute en couleur avec une répartie hors-pair. Il use d’une rhétorique agressive et tient des propos très acerbes et violents”, précise Denis Charbit. “En résumé, il dit : ‘Nous sommes les meilleurs et nous allons les mater’”.
Héritier du Kahanisme
Le discours xénophobe porté par Itamar Ben Gvir trouve son origine dans l’idéologie défendue par Meir Kahane, un rabbin extrémiste qui souhaitait l’instauration d’un État théocratique et l’expulsion de tous les Arabes d’Israël.
Ses idées rebutaient tellement la classe politique israélienne que lors de ses interventions à la Knesset, où il fut député entre 1984 et 1988, tous ses collègues quittaient l’enceinte du Parlement. Assassiné en 1990, son parti a fini par être interdit en 1994 pour terrorisme et racisme.
“Meir Kahane a laissé derrière lui plusieurs héritiers, détaille Simon Epstein. Mais le plus intelligent c’est Ben Gvir. Ce dernier a compris qu’il fallait un peu adoucir ce discours raciste car sans cela, il ne pourrait jamais entrer à la Knesset”.
Après trois tentatives infructueuses, Itamar Ben Gvir finit en effet par être élu député en mars dernier, en prenant la tête d’une coalition de partis sionistes religieux.
“Banjamin Netanyahu a poussé très fort pour que ces petites structures d’extrême droite s’allient à Itamar Ben Gvir”, rappelle Denis Charbit.
Visé par plusieurs procès pour corruption, le Premier ministre sortant jouait sa survie politique pendant ces élections. “Il était aux abois et tenait absolument à avoir une majorité au Parlement. Il a considéré qu’Itamar Ben Gvir était la solution”, analyse Simon Epstein. “C’était une victoire pour les franges de l’ultradroite raciste et un mauvais signe pour la coexistence entre Juifs et Arabes”.
Les spécialistes interrogés par France 24 s’accordent à dire que l’entrée au Parlement d’une coalition ultraconservatrice emmenée par Itamar Ben Gvir a conforté des groupuscules virulents de suprémacistes juifs dans la violence et renforcé leur sentiment d’impunité.
“On a vu ces dernières semaines des manifestations organisées par l’extrême droite à Jérusalem. Auparavant, ces manifestations auraient été interdites dans l’espoir de calmer le jeu. Mais à cause de la complicité de Benjamin Netanyahu, la police a été beaucoup plus tolérante à leur égard”, assure Simon Epstein. D’autant que le camp d’en face était aussi bouillonnant. C’est comme si on avait tout fait pour que cela explose”.
Ces derniers jours, d’effroyables scènes de lynchage, impliquant des extrémistes arabes ou des membres de l’ultradroite israélienne ont choqué l’opinion publique. Dernière en date, l’agression à Bat Yam près de Tel-Aviv, d’un homme présumé arabe par des militants d’extrême droite. Un lynchage diffusé en direct à une heure de grande écoute qui a provoqué une condamnation unanime de la classe politique israélienne.
Même des villes considérées comme des modèles de coexistence entre Juifs et Arabes, comme Saint-Jean-d’Acre, connaissent des troubles et des violences. “Il y avait eu beaucoup de signes positifs ces dernières années” sur la question de l’intégration des Arabes dans la vie publique israélienne “mais en l’espace de trois semaines, on se retrouve dans une situation de guerre civile larvée”, déplore Simon Epstein.
“Je ne sais pas comment nous allons faire pour réparer cela, prévient Denis Charbit, surtout si Benjamin Netanyahu parvient à se maintenir au poste de Premier ministre”.
A la base un article de France 24 revu par IsraelValley.