EDITORIAL. UN TEXTE DE DANIEL HAIK. A l’attention de Joe Biden. L’Etat d’Israël a marqué en 2021, le 30ème anniversaire de la guerre du Golfe. Durant ce conflit, le gouvernement israélien mené par Itzhak Shamir, s’est singularisé en demeurant étonnamment passif et silencieux, laissant impunis les tirs de 39 scuds irakiens.
A l’époque, cette retenue avait surpris à double titre: d’abord, parce qu’elle ne correspondait pas à l’éthos sécuritaire d’Israël et ensuite parce qu’elle allait à l’encontre de la personnalité farouche d’un Premier ministre israélien, qui bien avant d’entrer en politique, avait été le chef du Groupe Stern!
A court terme, on avait eu le sentiment que cette passivité inhabituelle avait pourtant porté ses fruits. La coalition était restée soudée et avait imposé un cessez-le-feu à Saddam Hussein. Et en récompense de sa retenue, le gouvernement Shamir avait alors reçu de l’administration Bush père, des milliards de dollars de garanties bancaires indispensables à l’effort d’intégration de plusieurs centaines de milliers de nouveaux immigrants de l’ex-URSS!
Mais, avec le recul du temps, il s’avère que ce silence a considérablement affecté la force de dissuasion de l’Etat d’Israël, face à ses ennemis.
Rappelons qu’Israël s’est forgé sur une logique militaire implacable: toute attaque ou provocation ennemie entraînera une riposte massive de Tsahal. C’est Ariel Sharon qui, en 1953, avait posé cet axiome en créant la mythique unité 101. Après chaque attaque de fedayouns palestiniens, les soldats d’Arik lançaient de douloureuses représailles jusqu’à ce que les terroristes comprennent la leçon.
Pendant des années, cette logique ne s’est jamais démentie sur le terrain. Tsahal est devenue puissante, aussi, grâce à sa capacité de dissuasion…. Jusqu’à ce que les Scuds tombent impunément sur Tel Aviv et sa métropole.
Ce silence israélien, compréhensible dans la conjoncture internationale, a été perçu comme une marque de faiblesse par l’ensemble du monde arabe mais aussi comme une « stratégie alternative » par plusieurs dirigeants israéliens! Ceux qui ont initié le processus d’Oslo l’ont quasiment sanctifié, en confiant aux forces palestiniennes le soin de garantir la sécurité des Territoires.
Même le retrait des forces israéliennes de Hébron en 1997 par Benyamin Netanyahou, les concessions sans lendemain acceptées par Ehud Barak dans le dossier syrien en mars 2000, et le retrait israélien précipité du Sud Liban deux mois plus tard, s’inscrivaient dans ce nouvel état d’esprit qui prônait le repli plus que la fermeté, la retenue plus que la représaille. Hassan Nassarala ne s’y était pas trompé, qualifiant alors, la société israélienne de « fragile comme une toile d’araignée ».
Après l’échec de Camp David en juillet 2000, Arafat, lui aussi, avait cru en la faiblesse d’Israël et avait déclenché la Seconde Intifada dans l’espoir d’obtenir par la force ce qu’il n’avait pas reçu par la négociation.
Et comble de l’absurde: Ariel Sharon, lui-même, s’était laissé séduire par cette approche, allant jusqu’à affirmer, face à la multiplication des attentats, au début de son mandat en février 2001 ,que la « retenue c’était la force ».
Cette décennie de « retenue » s’est clôturée en avril 2002, après un mois de mars sanglant et plus de 120 victimes du terrorisme palestinien. Sharon a compris qu’Israël devait réagir et restaurer sa force de dissuasion. Ce qu’il fera en lançant l’opération « Rempart. »
L’abandon de cette approche a été scellée, en juillet 2006, lorsque Ehud Olmert a riposté à l’enlèvement de deux réservistes par le Hezbollah en déclenchant la seconde guerre du Liban.
Aujourd’hui, les trois guerres de Gaza, les ripostes automatiques d’Israël au moindre tir de roquettes palestiniennes, et les multiples raids aériens imputés à Israël contre des forces pro-iraniennes en Syrie, semblent prouver qu’Israël a su, finalement, tirer la grande leçon de cette guerre du Golfe. A savoir que, dans l’environnement proche-oriental, la retenue est la politique des faibles.
Alors que la nouvelle administration américaine se met en place, Joe Biden devrait s’en inspirer avant de rouvrir le dossier du nucléaire iranien.