Les reproches pleuvent sur la stratégie vaccinale de l’Europe contre le Covid-19. Alors que le nombre de contaminations explose à nouveau sur le continent, les chiffres de la vaccination traînent. Au 22 mars, l’Union européenne a administré au moins une dose de vaccin à près de 14% de sa population, selon les données récoltées par Our world in data, contre 39% aux Etats-Unis et 45% au Royaume-Uni.

L’UE, engluée dans ses difficultés d’approvisionnement en vaccins, a prévu de hausser le ton contre les laboratoires lors du sommet européen du jeudi 25 mars. Des protestations qui feront difficilement oublier les erreurs accumulées depuis plusieurs mois.

1. Elle a manqué d’ambition sur les vaccins

Le retard pris par les Vingt-Sept est lié à un échec politique, a regretté à demi-mot Emmanuel Macron dans une interview diffusée le 24 mars par la télévision grecque ERT. « On n’est pas allé assez vite, assez fort là-dessus », a-t-il déclaré en estimant que l’Union européenne « est un peu un diesel ». L’Europe a pensé à tort que l’élaboration d’un vaccin prendrait plus de temps, a reconnu le président français. « On a sans doute moins rêvé aux étoiles que certains autres. (…) On a eu tort de manquer d’ambition. »

Un manque de clairvoyance qui contraste avec la mobilisation générale d’autres pays. Au printemps 2020, Donald Trump annonçait un vaccin avant la fin de l’année. Une annonce prise avec un peu de condescendance sur le Vieux Continent. « Personne de sérieux ne me dit qu’avant la fin de l’année on a des vaccins qui sont disponibles. Le consensus est plutôt sur la fin de l’année prochaine », lui répondait alors Emmanuel Macron.

« On peut reconnaître que l’Europe n’a pas été au rendez-vous de son histoire sur cette question du vaccin », a reconnu Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, jeudi 25 mars. « Nous avons sous-estimé les difficultés liées à la production de masse (…) et [avons été] sans doute trop confiants sur la livraison en temps voulu des doses commandées », avait admis en février la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant les eurodéputés.

2. Elle a laissé traîner les concertations entre Etats membres

Comme elle se plaît à le rappeler, l’Union européenne dispose, de par sa dimension collective, d’une force de frappe importante. Même si les contrats passés restent confidentiels, on sait que les négociations réalisées en 2020 par la Commission européenne au nom des Vingt-Sept ont permis de faire baisser les tarifs d’achat des vaccins. Mais au prix de nombreuses semaines de concertation.

L’objectif affiché était d’éviter la concurrence entre Etats européens et de soutenir les pays les moins riches. Pour cela, l’institution devait recueillir pour le choix des vaccins l’accord de tous les pays membres, ce qui a pris du temps et n’était pas une contrainte partagée par d’autres négociateurs.

Alors que les Etats-Unis se sont empressés au cours de l’été 2020 de sécuriser des millions de doses de plusieurs candidats vaccins, les Européens ont donc tardé, avec des contrats signés entre août et décembre.

Mi-novembre, le patron de la société américaine de biotechnologie Moderna avait d’ailleurs prévenu les Européens de ne pas tarder, car d’autres pays ayant signé depuis des mois seraient livrés en priorité. « C’est qu’il y a plein de choses administratives, les dossiers, des trucs, des alignements entre les pays et c’est juste compliqué à gérer quand vous êtes 27 par rapport à quand vous êtes tout seul », critiquait son PDG, le Français Stéphane Bancel. Alors qu’au Canada, la signature du contrat « a mis deux semaines ».

Parmi les points d’achoppement : la demande de garanties juridiques supplémentaires de la part des laboratoires, qui souhaitaient partager les risques financiers en cas de plaintes ultérieures de patients pour effets secondaires. Des négociations complexes qui ont encore retardé les livraisons.

3. Elle n’a pas assez investi dans la recherche

L’Europe est aussi pointée du doigt pour son manque d’implication dans la recherche scientifique. Selon les données d’Airfinity, une société londonienne spécialisée dans le développement scientifique, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont dépensé environ sept fois plus d’argent par rapport à la taille de leur population que l’Europe pour le développement, l’achat et la production de vaccins contre le Covid-19, rapporte le Financial Times (article payant, en anglais).

« Bien que les chiffres incluent différents types de financement et ne soient pas exactement comparables, les données suggèrent que les Etats membres de l’UE auraient dû utiliser plus tôt leur puissance économique pour financer la modernisation des usines et la commande de matières premières », commente Rasmus Bech Hansen, directeur général d’Airfinity, dans les colonnes du quotidien économique britannique.

« Je pense qu’on va tirer des enseignements sur cette question de la recherche et du vaccin, a déclaré Gabriel Attal, jeudi. Il n’y a pas de compétence sanitaire en tant que telle aujourd’hui au niveau européen et on a déjà annoncé qu’on voulait avoir l’équivalent de la Barda américaine [Biomedical advanced research and development authority]« , une agence gouvernementale qui finance notamment les laboratoires privés dans leurs recherches contre les pandémies ou les risques bioterroristes.

francetvinfo.fr

 

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