A l’entrée du bureau d’Ofra Strauss, au sommet d’une tour de la city de Ramat Gan, de beaux cadres de photos racontent l’histoire de la dynastie familiale.

Sur tout un pan de mur, sont exposés des encadrements de diverses dimensions, de couleurs vives et pastels, de bois sombre, dorés, argentés, de formes modernes et de style ancien. On y voit les débuts d’Israël, les grands parents fondateurs au regard fier,  la première étable, les vieux tracteurs, la laiterie en noir et blanc, les parents, les enfants et les petits-enfants. Pour  l’héritière de l’un des fleurons de l’industrie israélienne, le succès s’inscrit intimement dans l’ancrage familial.

Dans les années 1930, des juifs, fuyant l’Allemagne nazie fondaient au bord de la Méditerranée, à quelques kilomètres de la frontière avec le Liban, la bourgade de Naharya. Dans une baraque face à la mer, Hilda, la grand-mère d’Ofra Strauss, fabriquait des fromages et des yaourts. Quelques décennies plus tard, la laiterie artisanale est devenue un empire industriel : des alliances stratégiques avec Danone, PepsiCo, Haier et le rachat d’Elite, autre société familiale, ont propulsé Strauss-Elite, ses yaourts, ses salades, ses chocolats et ses glaces à la tête de l’agroalimentaire israélien. En 1999, Michaël Strauss, le fils des fondateurs nomme sa fille aînée à la présidence du groupe. Depuis, avec 14.000 employés et un chiffre d’affaires de quelques deux milliards de dollars, l’entreprise présente dans dix-neuf pays, rayonne sur plusieurs continents.

Ofra Strauss est classée parmi les quinze femmes d’affaires les plus influentes du monde. Brune au teint blanc, brillante, riche, admirée, mère de quatre enfants, Strauss a une beauté ondoyante.

Une robe noire chic et minimaliste, un visage sans maquillage (« un choix philosophique »),  un mélange d’élégance, de naturel et de simplicité hautaine. Après une expérience de marketing chez l’Oréal à New York, elle gravit les échelons, seule, sous le regard exigeant de son père qui comprend vite que sa fille sera l’héritière. Elle a comme qualité première de choisir les bonnes alliances et les partenaires de qualité. Ofra Strauss est intuitive et workaholic, douze heures par jour au bureau n’est qu’une moyenne.

La naissance de la révolte sociale de l’été 2011 l’a passionné. Ses conseillers en communication hésitaient; elle a tranché et ouvert son bureau et même le jardin de sa maison aux « Indignés ». Ils exigeaient la baisse du prix du Milki, le célèbre yaourt au chocolat enrobé de crème onctueuse, le produit phare de Strauss. Elle s’intéressait à la philosophie de la révolte. Ses interlocuteurs n’ont pas été convaincus par la sincérité de la capitaliste et ont vite scandé « des gestes, pas des mots ». Ofra Strauss s’est faite plus discrète.

Elle reste pourtant le fer de lance de la responsabilité sociale de l’entreprise. Strauss parle avec fierté de “Yasmine”, un fond d’investissement, créé pour aider des femmes, juives et arabes, à développer des petites entreprises à succès. Présidence de Maalé, une organisation caritative qui regroupe les grands acteurs du monde des affaires, elle a convaincu: bien au-delà de l’effet “paillettes”, le ”Corporate Responsibility”  doit jouer un rôle innovant.

Avec quelques autres patrons, elle a fait du bénévolat  une norme de l’entreprise  l’israélienne. En Israël, la  performance se mesure aussi aux actions sociales de l’entreprise.  Et à l’implication personnelle de son patron: lorsque que les tirs des raquettes du Hamas et du Hezbollah touchaient les zones périphériques, Ofra Strauss quittait chaque matin son bureau pour se rendre auprès des employés des usines du Nord et du Sud du pays.

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Le Blog de Katy-Clara Bisraor Ayache.

Cet article a été publié pour la première fois, dans le livre, “En direct d’Israël”, paru aux éditions Inpress.
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