Un article de Sivan Cohen-Wiesenfeld. Le Dr. Natalia Freund, directrice du laboratoire d’immunologie humaine de l’Université de Tel-Aviv, a réussi à isoler deux anticorps présents dans le sang de patients ayant guéris du covid19, qui neutralisent la protéine utilisée par le virus pour se fixer sur les cellules humaines. Selon les chercheurs, ces anticorps présentent un potentiel important à court terme comme thérapie pour les populations à risque, y compris les équipes médicales, et à long terme pour accélérer le développement d’un vaccin efficace contre le virus. « Le coronavirus utilise les pics (Spike en anglais) à sa surface pour se lier aux récepteurs des cellules humaines afin de les pénétrer et de s’y développer », explique le Dr. Freund.
Les chercheurs collaborent à présent avec un laboratoire à San Diego pour tester l’efficacité de ces anticorps contre le virus en activité, sur des modèles murins. Les tests devraient avoir lieu ce mois-ci. S’ils réussissent ils passeront alors aux essais cliniques sur des humains. L’étape suivante sera la production de ces anticorps de manière industrielle, afin de les transformer en traitements disponibles commercialement.
Des anticorps 100% humains
« Si les essais sont concluants ce traitement par anticorps pourrait être utilisé pour aider à traiter les patients à risque, tels que les personnes âgées ou souffrant d’une maladie préexistante, à surmonter le virus », explique le Dr. Freund. « De plus, des études récentes montrent que certaines personnes atteintes du covid19 ne développent pas de réaction immunitaire suffisamment rapide, et donc leur fournir ces anticorps pourra hâter leur guérison. Les anticorps peuvent rester actifs dans le sang, et leur injection pourra donc offrir une protection temporaire contre le virus aux équipes médicales et aux autres groupes qui y sont exposés ».
L’utilisation des anticorps, protéine utilisée par le système immunitaire pour neutraliser des agents pathogènes spécifiques, est courante pour le traitement de diverses maladies. Mais dans la plupart des études, les chercheurs les repèrent dans le système immunitaire de souris génétiquement modifiées dont l’ADN a été rendu similaire à celui des humains. « L’utilisation des souris a ses limites », explique le Dr. Freund.
« Même si elles sont génétiquement modifiées pour que leurs anticorps ressemblent à ceux de l’homme, un anticorps provenant d’une souris peut provoquer un rejet de la part du système immunitaire humain. C’est pourquoi nous avons cherché à isoler des anticorps directement dans le sang de patients humains atteints du virus et en ayant guéri. Nous séquençons les gènes de l’anticorps, et les incorporons dans des cellules humaines cultivées en laboratoire, qui produisent le nouvel anticorps. Le résultat de cette méthode sont des anticorps efficaces contre le virus, qui sont complètement humains et ne provoquent donc pas de réaction négative du système immunitaire de l’homme » ajoute-t-elle.
Le talon d’Achille du coronavirus
Une autre méthode récemment proposée liée à l’utilisation des anticorps est la transfusion de plasma de patients guéris à des patients atteints. Cette méthode présente deux inconvénients majeurs. Le premier est que le plasma (composant liquide du sang dans lequel les cellules sanguines sont en suspension, et qui contient des anticorps), ne peut être produit industriellement, mais uniquement au moyen de don de sang de patients guéris. Les anticorps, au contraire, peuvent être produits en quantité illimitée par les compagnies pharmaceutiques existantes. Le second inconvénient du plasma est qu’il contient de nombreux anticorps qui ne sont pas tous actifs contre le virus, ce qui rend le traitement moins efficace, voire même peut produire des effets secondaires négatifs.
Enfin, le dernier avantage de la méthode proposée par le Dr. Freund est lié à son application à plus long terme : la possibilité de développer un vaccin. « Isoler les anticorps provenant de cellules humaines est essentiel pour mieux comprendre la manière dont ils se fixent, permettant ainsi une meilleure neutralisation du virus », explique-t-elle. « Notre méthode permet de révéler le talon d’Achille du coronavirus, un endroit spécifique le long de son pic, la structure qui lui permet de pénétrer la cellule, et de le cibler afin d’empêcher l’infection. Cette découverte permettra le développement d’un vaccin efficace, qui exposera le système immunitaire au segment spécifique de la protéine afin qu’il apprenne à l’organisme comment produire une réaction immunitaire efficace contre lui ».
Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv