Sujet très sensible. De nombreux juifs de France et du monde entier souhaitent être enterrés en Israël. En France de nombreux corps seront transférés en Israël en 2020. Un échange de mots très vifs ont eu lieu cette semaine entre Julien Bahloul et des médias francophones israéliens. IsraelValley prépare un dossier sur ce sujet…
Une vraie question posée en Israël par Anshel Pfeffer du Haaretz. Chacun donne son avis. Et Julien Bahloul, un ex-journaliste de i24News et ex-contributeur dans IsraelValley, basé en Israël, donne son avis… qui a créé une belle polémique.
Question : « Doit on laisser les portes ouvertes pour les Juifs de Diaspora morts du #Covid_19 et souhaitant se faire enterrer en #Israel? » Réponse de Julien Bahloul : « Israël n’a pas vocation à être le cimetière de la diaspora. Envoyez nous des gens en vie qui veulent faire prospérer ce pays, ne nous envoyez pas vos morts.”
LE PLUS. Should Coronavirus Mean Israel Shuts the Door on Jews, Dead or Alive? Right now, Israel looks a lot safer than in New York, London or Paris. Does Israel have a moral duty to serve as a haven for Jews against the COVID-19 plague, and to welcome their bodies for burial here?
LE PLUS.
« Ce soir s’achève pour moi une aventure de 5 ans. Les larmes aux yeux, j’avais quelques mots à vous dire avant de partir ». L’excellent journaliste Julien Bahloul s’en va. Et il va manquer à beaucoup de monde, incluant le Rédacteur en Chef de IsraelValley, qui lui souhaite bonne chance. Rares sont les personnalités médiatiques francophones qui sont autant aimées. Des centaines de témoignages (surtout des femmes!) publiés sur Facebook l’attestent. Dans son dernier message, en direct, il a sa salué avec élégance tous les amis journalistes qui l’ont accompagné depuis cinq ans. IsraelValley vous dira très vite les nouveaux plans professionnels de cet artiste-journaliste. (DR)
TEMOIGNAGE DE JULIEN BAHLOUL
« On me demande parfois pourquoi j’ai décidé de quitter le confort de la France pour m’installer en Israël. J’ai passé toute mon enfance dans un parfait bonheur, dans l’amour de la France, de la République, de son histoire et de ses valeurs. Les passages de mes livres d’histoire sur la Révolution me faisaient rêver. Dès l’âge de huit ans les élections me faisaient vibrer et j’accompagnais mes parents dans l’isoloir avec plus de solennité que lorsque j’allais à la synagogue. Cette France, celle qui m’a vu grandir, s’est brisée un matin d’octobre 2000.
Ce jour-là, des élèves de mon collège sont venus me menacer de mort au motif que « tu es juif, tu tues les Palestiniens ». En octobre 2000 j’avais 13 ans, je n’avais jamais mis les pieds en Israël, je ne savais pas ce qu’était un Palestinien et j’étais incapable de montrer le Proche-Orient sur une carte. La principale de l’établissement a refusé de punir les auteurs des menaces, alors même que l’ensemble du corps professoral l’exigeait.
Ce jour-là a commencé à grandir en moi un sentiment de solitude qui ne m’a jamais quitté depuis. Pendant les années qui ont suivi, les attaques antisémites ont atteint un pic historique depuis la Shoah, dans l’indifférence générale. Mon rabbin, connu pour ses positions en faveur du dialogue interreligieux a été tabassé au cri de « vive la Palestine ». Des membres de mon mouvement de jeunesse, ouvertement pacifiste, ont été rués de coups au point de finir en sang à l’hôpital au cri de « Bush Sharon assassins ». Bien sûr, il y avait ceux qui se mobilisaient : Sarkozy ministre de l’Intérieur en guise de messie, Hollande chef des socialistes bien décidé à montrer sa détermination sur le sujet, le maire de Paris qui exprimait sa solidarité…
Mais aucune de leurs déclarations n’a jamais arrêté la moindre agression. Au lycée, les incidents se multipliaient et il fallait supplier les professeurs et la direction pour qu’ils daignent nous croire, ou, pire, devoir demander à des non-juifs d’aller témoigner des incidents pour que ces déclarations soient jugées crédibles. Le point de rupture a été atteint en 2006. Depuis des années je me disais : « il va y avoir un mort et ça sera la révolution ». Le 13 février, Ilan Halimi était torturé et assassiné. Je ne compte plus ceux qui, parmi mes amis, m’ont affirmé : « ce n’est pas un crime antisémite, dire que les Juifs ont de l’argent c’est juste une vérité, même moi je le dis ».
Nous sommes descendus par milliers dans la rue, dans un froid glacial, mais nous étions seuls ou presque, entre Juifs, avec notre douleur et toujours et encore ce sentiment de solitude. Ce jour là, je me suis juré de ne plus jamais vivre cela une nouvelle fois. Quelques mois plus tard je partais étudier dans le sud de la France où je n’ai plus jamais été le témoin ou la victime du moindre acte antisémite. Mais ma décision était prise. Je ne voulais plus jamais avoir ce sentiment de solitude, plus jamais vivre dans la peur d’être attaqué pour ce que je suis. Un an et demi après mon départ de la France, le massacre de Toulouse se produisit. Nous commémorons aujourd’hui en Israël le souvenir de la Shoah ». (1) http://sepharade2.superforum.fr
LE PLUS. i24news est une chaîne de télévision d’information en continu internationale israélienne dont les programmes sont diffusés en anglais, en français et en arabe. Elle a été lancée le et fait partie du groupe Altice. Son directeur général est Frank Melloul, l’ancien conseiller en communication de Dominique de Villepin à Matignon.
POUR EN SAVOIR PLUS. UN TEMOIGNAGE SUR i24News publié dans jforum.fr : « Je m’en souviens comme si c’était hier : la guerre entre Israël et le Hamas de Gaza faisait rage et j’étais extrêmement triste et même choqué de constater le traitement tendancieux et anti-israélien des journaux télévisés en France. A force de zapper pour trouver autre chose, j’ai d’abord trouvé les canaux arabes du Proche Orient et cela n’a fait que renforcer ma frustration, lorsqu’enfin je tombai sur une chaîne qui, naturellement m’a retenu. Pensez donc, je n’avais même pas encore découvert le logo, tout petit en bas, à gauche de l’écran i24NEWS !
Pour la première fois, depuis le début de cette guerre qui dura plus de cinquante jours, je me sentis très à l’aise. En regardant d’un peu plus près, je vis que j’avais affaire à cette chaîne francophone d’Israël… Quelle joie profonde, en dépit de très sombres nouvelles ! Quelle forte recherche d’objectivité pour que les téléspectateurs ne pensent pas qu’ils ont affaire à une officine de propagande. Bref, une télévision selon mon cœur, de bon niveau et fiable, ne diffusant que des nouvelles équilibrées et vérifiées. Du vrai travail de professionnels.
Depuis cette date, depuis environ cinq ans, je regarde cette chaîne tous les matins et tous les soirs. J’y ai même été interviewé en tant qu’expert deux fois, depuis Paris et bientôt dans la belle émission (avec Luc Ferry) de mon ami Elie Chouraqui, le dimanche soir de 20h à 21h… De plus, par un événement des plus fortuits, je me suis souvenu que je connaissais son jeune et très compétent PDG, rencontré avec ses parents à Lausanne, il y a de nombreuses années. A l’époque, je ne savais pas que j’avais rencontré le jeune et très talentueux Frank Melloul chez ses parents à l’occasion d’une conférence que j’avais alors prononcé sur Maimonide… Et ce souvenir a évidemment renforcé mon lien avec I24News.
J’ai écrit, il y a des années au journaliste qui précédait le Grand live (Paul Amar) pour lui dire que cette télévision me plaisait bien, et qu’elle renforçait en moi le sentiment d’un exil intérieur puisque je ne regardais presque plus France 2 ni TF1, ni même les chaînes d’information en continu (BFM-TV, CNEWS)… Seule France 24 avait encore mes faveurs ; j’appris plus tard que Frank Melloul y avait joué un certain rôle. On peut donc dire que I24News a profité des compétences et de l’expérience de son président-fondateur.
Aujourd’hui même, alors que je rédige ce papier où j’entends dire tout le bien que je pense de cette chaîne, eh bien quand je la regarde, j’ai l’impression d’être déjà en Israël. Et chacun sait qu’en Israël, la pensée ne revêt pas un uniforme : le spectre des opinions politiques est très large. Et, sur ce point précis, force est de reconnaître que toutes les opinions sont représentées.
Les débats sont inénarrables entre citoyens israéliens de confession juive : les débatteurs hurlent, s’interrompent, s’interpellent selon un mode dont l’Orient a le secret. J’avoue que j’ai parfois du mal à suivre, mais l’Orient n’est pas la Suisse… Et ce n’est rien en comparaison des débats en arabe ou entre Arabes israéliens. Lors de ma visite guidée de I24News (sous la houlette du PDG que je remercie pour son dévouement et sa courtoisie) j’ai pu rencontrer Monsieur Ali Waked, le responsable de la partie arabe.
Mais j’ai eu l’occasion de m’entretenir longuement avec lui à Paris quand il s’y trouva pour rendre compte de la visite officielle du prince héritier Mohammed bin Sallman (MBS). Je lui ai dit ce que je pensais de la situation et de la teneur des débats. Dans un grand éclat de rire, il m’a même dit avoir parfois stimulé le modérateur pour que les échanges soient encore plus vifs, car, me dit-il, si l’on adopte le mode occidental, pour les Orientaux, ce n’est pas suffisant…
Bizarre ! Il faut qu’ils en aient pour leur argent. Mais c’est ainsi. C’est comme la sono dans un mariage : plus c’est fort et mieux c’est. Mais redevons sérieux : cette chaîne était attendue par ses critiques (voire ses détracteurs) sur ce point : comment traiter ce sempiternel conflit d’existence et de légitimité entre Israéliens et Palestiniens ? Comment donner la parole aux uns et aux autres sans être critiqués par les uns ou par les autres, voire par les deux ?
Prenons un exemple concret car l’exercice est difficile et même périlleux : hier soir (lundi 4 juin) dans le Grand live (dont je félicite les présentateurs Jean-Charles B. et Danielle A.), la parole fut donnée à un journaliste français confronté à Monsieur R. Eytan : ce syndicaliste, loin d’être acquis à Israël et qui venait prendre le Premier Ministre israélien à partie, a pu s’exprimer librement et Jean-Charles lui a même laissé le mot de la fin… Signe que cette rédaction est libre, autonome, aborde tous les sujets et ne reçoit pas d’instructions…
Un mot à présent de quelques émissions phares que j’apprécie ainsi que les journalistes qui les présentent. Mais je ne les citer tous, que les non cités me pardonnent donc. J’aime beaucoup l’émission Défense et Matthias Imbar. J’aime beaucoup Lucas de Villepin (séquelle d’un passage de F.M au cabinet de l’ancien Premier Ministre ?) ; en tout état de cause, ce jeune journaliste est très bon. J’apprécie aussi les commentaires des analystes politiques (Dror E. et Daniel H.) sans oublier les excellentes synthèses de Maurice I. Mais une petite note critique : le professeur que je suis, avec ses déformations professionnelles, souhaiterais que les notes fussent plus denses et mieux écrites (dans le talmud, on dit qav we naki ou en allemand kurz und bündig… J’apprécie aussi beaucoup Valérie P. et ses évocations historiques chaque lundi soir… Je suis frappé par leur jeunesse, leur dynamisme et leur professionnalisme ».
Article (extraits) de Maurice-Ruben Hayoun
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à l’université de Genève. Son dernier ouvrage: Franz Rosenzweig (Agora, universpoche, 2015)