Installée dans la banlieue de Tel Aviv, la start-up Aleph Farms travaille sur la viande de culture. Sa promesse : créer de la viande saine, sans OGM ni antibiotique. Le CEO de la statup, Didier Toubia, a confié à L’Usine Digitale sa vision de cet aliment si particulier. Il espère commercialiser son produit d’ici trois ans, mais son but n’est absolument pas de concurrencer l’industrie de la viande traditionnelle.

Lancée en 2017, la start-up israélienne Aleph Farms est spécialisée dans la fabrication de viande in vitro.
Elle a été cofondée par The Kitchen Hub, incubateur du groupe alimentaire Strauss, et le professeur Levenberg, du Technion.  C’est sa participation à l’impression 3D de viandes artificielles dans la Station spatiale internationale, en septembre 2019, qui l’a fait connaître. Didier Toubia, son CEO, nous explique ses objectifs et sa vision.

L’Usine Digitale : D’où vous est venue cette idée de créer de la viande « in vitro » ? 
Didier Toubia : Personnellement, je me suis toujours investi dans des projets innovants qui ont un impact positif sur les êtres humains ou sur la planète.
Il est essentiel aujourd’hui de développer des solutions efficaces afin d’assurer la sécurité alimentaire des générations futures tout en préservant nos ressources naturelles.
Grâce à notre collaboration avec le Professeur Levenberg, nous avons appliqué ses recherches médicales sur la régénération des tissus musculaires chez l’homme à la viande cultivée. Nous reproduisons un phénomène qui a naturellement lieu à l’intérieur de la vache, mais à l’extérieur de l’animal et dans des conditions contrôlées.
Notre mission est de proposer une viande saine, sans OGM, sans antibiotiques, produite grâce à une méthode respectant l’environnement comme le bien-être des animaux.

Quel procédé de fabrication utilisez- vous ?
La fabrication de la viande repose sur un procédé naturel de régénération des tissus musculaires. Aleph Farms a identifié les cellules responsables de ce processus, les a prélevées puis cultivées.
Quatre types de cellules interagissent entre elles : fibres musculaires, vaisseaux sanguins, tissus adipeux et conjonctifs pour créer un tissu musculaire semblable à celui d’un animal.
Les cellules sont placées dans des incubateurs qui reproduisent les mêmes conditions qu’à l’intérieur du corps de l’animal.
Après deux ou trois semaines, ces cellules forment des morceaux de viande de quelques centimètres. Le produit est garanti sans OGM et sans utilisation de sérum fœtal bovin.

Et quel est votre coût de production ?
Aujourd’hui, le coût de production d’une lamelle de bœuf est d’environ 50 dollars, et ce coût baissera de manière significative lorsque la viande sera cultivée dans des « biofermes » à grande échelle.

Concernant l’aspect économique, pensez-vous que le marché de la viande in vitro est un marché en expansion ?
Chez Aleph Farms, nous pensons que la viande cultivée devrait constituer une nouvelle catégorie de produits carnés et ne pas se substituer à la viande conventionnelle.
Nous ne croyons pas que la viande cultivée fasse concurrence à la viande d’élevage traditionnelle. Elle devrait plutôt être positionnée comme un produit différent avec un ensemble d’attributs spécifiques, ce qui devrait en faire une option privilégiée pour certains consommateurs.
Concernant la taille du marché, une étude du cabinet de conseil A.T Kearney, publiée en février 2019, estime que 35% de la viande consommée en 2040 dans le monde devrait provenir de la viande cultivée, contre 40% pour la viande traditionnelle et 25% pour les alternatives végétales.

Avez-vous une idée de la date de commercialisation de vos substituts de viande ?
Aleph Farms a déjà mis au point des prototypes. Nous avons montré qu’il est possible de co-cultiver, c’est-à-dire de cultiver plusieurs types de cellules différentes en une structure tridimensionnelle ayant la même texture qu’un steak, qu’un véritable tissu de viande.
Il nous faudra au moins un an de plus pour mener à bien la R&D actuelle, le développement du premier produit et probablement encore environ une à deux années supplémentaires pour obtenir les autorisations réglementaires nécessaires et produire le produit en plus grandes quantités.
Actuellement, nous projetons de commercialiser notre viande en Europe, aux Etats-Unis et en Asie.

Pouvez-vous nous donner une estimation du futur prix de commercialisation de vos produits ?
Initialement, la viande cultivée sera un peu plus chère que la viande conventionnelle, comme c’est le cas pour les nouveaux produits en général. Mais le coût diminuera rapidement dès lors que la quantité de produits augmentera.
Nous prévoyons que dans les trois à cinq ans à compter du lancement, le coût de la viande cultivée sera équivalent au coût de la viande conventionnelle, et ce dans la mesure où le processus est beaucoup plus efficace en matière de ressources et de temps.
De plus, il n’y aucun gaspillage dans le produit final.

Source Usine digitale

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