– L’interdiction de manger toute nourriture contenant de la levure (’Hametz) pendant la fête (on ne mange pas de pain, pâtes…)
– Le commandement de manger des matzot, c’est à dire du pain n’ayant pas levé (azyme)
– Le récit de la sortie d’Égypte et l’évocation des miracles qui s’y sont déroulés (Haggada)
LE PLUS. A Pessah on trouve difficilement l’expression d’une joie sans retenue. A aucun moment du Séder, nous ne trouvons la marque d’une allégresse totale.
Au contraire, nombreux sont les usages, les prières qui indiquent notre souci de ne pas nous laisser aller à une joie débordante.Une des raisons principales est le souvenir des souffrances que le peuple juif a enduré en Egypte dans les camps de travail forcé et durant sa longue histoire où il a été persécuté, exclu et mis à part.
Israël sait bien que c’est toujours le Pharaon qui sous les traits d’un souverain, d’un Fürer, d’un Tzar, veut son extermination. Seuls les décrets et les moyens font parfois preuve d’originalité. Pessah c’est une fête de la mémoire, de la mémoire de la persécution. En chaque nuit de Pessah non seulement nous rappelons nos souffrances anciennes mais aussi les plus récentes.
Je voudrais rappeler très brièvement: la révolte du Ghetto de Varsovie qui a éclaté le premier soir de Pessah, un lundi soir 19 avril 1943.Il y a donc exactement 73 ans, une poignée de juifs avait décidé de mourir dignement les armes à la main.
Ils voulaient faire de leur mort un acte de bravoure au lieu d’une résignation passive. Le soulèvement héroïque et sans exemple dans l’histoire, avait le caractère d’une double protestation, protestation contre les crimes monstrueux du nazisme, protestation aussi contre le silence complice du monde.
L’héroïque défense du ghetto de Varsovie, vous la connaissez. C’est un événement qui appartient à l’Histoire et dont nous évoquons chaque année l’impérissable souvenir. Je voudrais, ce soir, vous racontez comment certains juifs tenaient à célébrer malgré la famine, la désolation, la maladie,la peur d’être déporté la soirée du Séder.
Un temoin non-juif raconte: Une dizaine de jours avant Pessah, un homme est venu trouver notre groupe spécialisé dans la contrebande, c’était Yaakov Trokenheim, Président de l’Agoudath de Pologne, le parti religieux. Il m’a expliqué qu’il s’occupait dans le Ghetto d’une yechiva de quarante élèves.
Pessah approchait, il voulait que je lui procure un sac de farine cachère pour faire des matzoth. Il a beaucoup insisté. J’ai compris l’importance qu’il attachait à cette farine: il voulait fabriquer des matsoth et célébrer le Séder.
Même dans la désolation du Ghetto de Varsovie, il tenait à respecter les commandements de Pessah. Deux jours avant Pessah, le 17 avril, le jeune Polonais m’annonce qu’il a trouvé le sac de farine pure et qu’il va le faire pénétrer dans le Ghetto par les égouts, la nuit suivante. Le sac était, en effet, trop lourd pour être simplement passé par-dessus du mur.
Le matin du 18 avril, les représentants de la yechiva sont venus et ont pris livraison de la farine destinée à la fabrication des matzoth. Je suis certain qu’ils ont pu préparer le Séder puisque le Ghetto était encore calme. Ont-ils pu célébrer le séder le 19 ?. Le soir du 19 avril 1943, il a juste 73 ans, le premier soir de Pessah, la révolte éclatait dans le Ghetto de Varsovie.
Je ne pense pas qu’ils aient pu célébrer un vrai séder, mais la Haggada a dû être récitée. En pleine guerre, dans la misère et la privation, dans le combat le plus horrible, ils ont tenu à respecter la signification de Pessah: la fête de la liberté.
Cette histoire vraie nous donne d’une façon tragique et bouleversante l’histoire du dernier Séder du Ghetto de Varsovie.
73 ans se sont écoulés depuis l’insurrection du Ghetto de Varsovie, depuis l’extermination de sa communauté juive. On pourrait croire qu’il n’est plus nécessaire d’en parler aujourd’hui.
On pourrait le croire,si,sous les yeux de l’Europe, des gens ne continuaient à périr dans des conflits idéologiques, religieux et raciaux, dans des querelles et des luttes d’intérêts politiques et économiques.
Après l’effroyable drame de la Shoa, la civilisation européenne a, au cours des dernières décennies et aujourd’hui même assisté à des génocides en Afrique et en Asie, à des purifications ethniques comme en Ex-Yougoslavie.
L’Europe se comporte comme ce promeneur du dimanche qui faisait du manège près du mur du Ghetto alors que, de l’autre côté, des gens mouraient dans les flammes.
Et pourtant, écrasés par le poids de millions de victimes, nous ne désespérons pas de l’Humanité, par nos souffrances et nos combats, par notre volonté de survie, nous la réhabilitons, mais nous comptons avant tout sur nous-mêmes: la leçon du Ghetto de Varsovie n’a pas été perdue.
L’épopée du Ghetto de Varsovie et des autres ghettos de Pologne nous rappelle une parole d’un écrivain français qui n’était pas juif « l’histoire des juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve pour en élever le niveau« .
Pessa’h est la fête par excellence de la mémoire.Elle nous met en garde contre la tentation constante et redoutable de l’oubli parce qu’il prive l’histoire de son sens.
Pour le peuple juif l’injonction de se souvenir est ressentie comme un impératif religieux. Le souvenir est un appel à la responsabilité et à la vigilance. Quand on a pu voir où mènent les racismes, les nationalismes, les fanatismes, la vigilance devient une règle de tous les instants. Nous sommes le peuple de la mémoire et c’est pour cela que nous sommes indestructibles.
Nous possédons le passé, nous n’avons aucune crainte de l’avenir. C’est notre espérance, c’est notre foi .Amen.
Claude Layani