« Je suis le Dassault qui est revenu en Israël, celui de la famille qui y va pour investir, avec le soutien du Groupe, le plus pro israélien, le Dassault qui revendique ses racines juives ». C’est ainsi que Laurent Dassault, deuxième des quatre enfants de Serge Dassault, se définit lorsqu’il me reçoit dans son bureau du Rond-point des Champs-Elysées.
Il rappelle les liens anciens qui ont uni à Israël dès sa création Marcel Dassault, un grand-père qu’il évoque toujours avec beaucoup d’affection, et comment Shimon Peres, alors Ministre de la Défense, faisait valser sa mère dans leur salon. Il mentionne également avec émotion le plus proche collaborateur de son grand-père pendant près d’un demi-siècle, le général Pierre de Bénouville, qui n’hésita pas à braver l’embargo décrété pendant la « guerre des six jours » en fournissant des armes à Israël en juin 1967.
C’est d’ailleurs Israël qui, avec l’Inde, fut le premier client de Dassault Aviation en 1953 avec l’achat de 24 avions de chasse « Ouragan ». Et c’est aussi Israël qui fit le succès à l’exportation du Mirage III, grâce à ses 192 Mirages qui clouèrent au sol l’aviation égyptienne le 5 juin 1967. Inversement, c’est « grâce » à l’embargo de De Gaulle que le « Nesher » et le « Kfir » furent conçus, lancés et réalisés localement selon la même philosophie que le Mirage.
Plus récemment enfin, bien avant le projet européen du nEUROn, une forte collaboration liait déjà Dassault Aviation et IAI pour le développement des drones. Visionnaire, Marcel Dassault ne prédisait-il pas déjà au Salon du Bourget de 1983 que l’avion du futur serait un avion sans pilote?
Pour Laurent Dassault, le GIMD (Groupe Industriel Marcel Dassault) repose sur 4 piliers : Dassault Aviation, dernier groupe d’aviation au monde détenu par la famille du fondateur et portant toujours son nom, Dassault Systèmes, le Groupe Figaro, Thalès.
Dassault Systèmes est actif sur le marché israélien depuis 1996, et son bureau de vente y propose un éventail complet de produits de l’éditeur de logiciels. Une trentaine de personnes sont employées sur place, et la société travaille également avec différents revendeurs.
Les solutions de Dassault Systèmes sont utilisées par de nombreux industriels israéliens qui apprécient cette « 3D Experience » qui leur offre les moyens de conception numérique nécessaires pour mener à bien leurs projets collaboratifs d’innovation, notamment dans l’aéronautique, les sciences de la vie, l’automobile et l’énergie : RAFAEL, ELBIT SYSTEMS, ISRAELMILITARY INDUSTRIES, NETAFIM, TAMI4, AMIAD FILTRATION, MEDINOL, ELCAM, ISCAR, TEVA PHARMACEUTICAL, PLASAN, RAVAL, ISRAEL AEROSPACE INDUSTRIES, BETSHEMESH ENGINES, TOWER–JAZZ, etc…
Les écoles d’ingénieurs utilisent également les solutions Dassault Systèmes (notamment SOLIDWORKS) : le Technion, l’Université de Tel-Aviv, l’Université Ben-Gourion et pas mal d’autres dans le pays.
En tant que Directeur Général délégué du GIMD, Laurent Dassault est plus particulièrement chargé de la diversification des activités. A ce titre, il gère la Foncière immobilière, ainsi que le Pôle vins « Dassault Wine Estates » qui connaît un succès international. À titre personnel et en partenariat avec Benjamin de Rothschild , il a acquis le domaine « Flechas de los Andes » en Argentine : 250 hectares blottis au pied de la cordillère des Andes. N’oubliant d’ailleurs pas ses racines juives, en digne petit-fils de Marcel Bloch-Dassault, il consacre une partie de sa récolte à l’élaboration d’un vin casher « Gran Malbec » vendu sur le marché américain.
A titre personnel Laurent Dassault a investi dans cinq fonds en Israël :
– Qumra Capital qui s’intéresse à des start-ups déjà mûres comme Fiverr, Riskified, signals analytics, Eyeview ou eAsic,
– Fortissimo Capital dont le responsable Yuval Cohen investit dans des jeunes entreprises technologiques ou industrielles,
– Pitango Venture Capital, un des plus importants fonds d’investissement israélien dont les patrons Chemi Peres et Rami Kalish ont levé plus d’un milliard de dollars qu’ils investissent dans des dizaines d’entreprises comme 3DV Systems, Aeroscout, Anobit, Apostherapy, Apps Flyer, Avantis,Biocontrol, Boxee, Carambola, Carbofix, etc…
Et aussi depuis son voyage en Israël avec la délégation du Président Sarkozy en 2008 :
– Catalyst, le fonds d’Eddy Cukierman,
– JVP (Jerusalem Venture Partners), premier accélérateur de Jérusalem, qui accueille en permanence une douzaine de start-ups pour un programme de quatre mois. L’ambition de son créateur Erel Margalit, devenu entre-temps député travailliste à la Knesset, était au départ de contrebalancer l’influence de Tel-Aviv…
Laurent Dassault est aussi Administrateur depuis 2001 de la maison de vente aux enchères Artcurial SA, dont les bureaux sont hébergés dans l’hôtel particulier Marcel Dassault sur le Rond-Point des Champs-Élysées, à l’angle de l’Avenue Montaigne. Dassault détient 55% du capital aux côtés de la famille Pastor et de son PDG Nicolas Orlowski. Artcurial est devenue la première maison française de ventes aux enchères avec 200 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, avec une vingtaine de départements qui vont de l’art moderne et contemporain, à la joaillerie, aux montres, aux voitures de collection, au lifestyle et au design.
Fin novembre 2016, des journées d’expertise de bijoux et de montres vintage ont ainsi été organisées à Tel-Aviv, et Laurent Dassault se réjouit que Fabien Naudan, Vice-Président d’Artcurial ait décidé d’y ouvrir depuis l’année dernière une représentation dont il a confié les rênes à son ami et collectionneur d’art contemporain Philippe Cohen qui a fait son Alya en 2015.
Pour Laurent Dassault, l’émergence d’une classe cultivée nourrie par une longue tradition artistique et patrimoniale, mais aussi le développement de résidences secondaires d’importants amateurs et collectionneurs étrangers, font aujourd’hui d’Israël une porte d’entrée internationale pour le marché de l’art. Et comme expert, Philippe Cohen s’est donné pour ambition de faire connaître Artcurial aussi bien à la clientèle israélienne qu’à celle, internationale, qui est attirée par l’âge d’or économique que connait Israël.
En conclusion, Laurent Dassault rappelle qu’en 2015, le Groupe Dassault a fêté ses 100 ans.
« La longévité d’un groupe dépend de sa légende, de son savoir-faire, des hommes et des femmes qui s’y consacrent. En ce qui concerne Israël, je suis aujourd’hui le seul à m’y rendre régulièrement, mû par mes amitiés sur place, par l’intérêt que je lui porte, et par mon affection pour la fille et les petits-enfants de ma femme Martine qui y vivent ».
Par Sabine Roitman