La Cour Suprême et ses quinze juges. Cette juridiction s’est imposée peu à peu, notamment depuis les années 1990, comme un acteur important de la vie publique, arbitrant les contentieux entre les citoyens et l’État ; mais surtout elle contrôle la conformité des textes votés par la Knesset avec les principes et les valeurs fondatrices de l’État hébreu.

SELON CHALLENGES :

« Une majorité d’Israéliens, quelque 66% selon une enquête de Israel Democracy Institute, sont hostiles à la réforme de la Cour Suprême.

Ils craignent de voir leur pays devenir une « démocratie illibérale » sur le modèle de la Pologne ou de la Hongrie, avec une alliance entre bigots et populistes dirigée par ce « Bibi » prêt à tout pour rester au pouvoir. Ce sont donc deux visions d’Israël qui s’affrontent.

« La contestation est protéiforme, transpartisane et massive. C’est un mouvement acéphale, sans leader identifiable, qui transcende le clivage gauche-droite » résume le chercheur David Khalfa relevant que, même si ces manifestations concernent surtout les classes moyennes urbaines il s’étend aussi à tout le pays y compris dans des fiefs du Likoud, le parti de Netanyahou. Nombre de gradés et de militaires des unités d’élites sont dans les cortèges.

Le monde de la high-tech est tout aussi mobilisé, mettant en garde le Premier ministre contre les conséquences économiques de cette réforme avec une baisse de la note d’Israël, une diminution sérieuse des investissements étrangers et une fuite de capitaux.

Seuls les Arabes israéliens restent en dehors du mouvement. « Ils n’y ont pas été vraiment conviés et ils n’oublient pas que  la Cour Suprême a validé la quasi totalité des décisions gouvernementales sur les colonies qui lui avaient été soumises », souligne le journaliste et historien Marius Schattner.

La situation confine ainsi à l’absurde

Avec une rhétorique très semblable à celle d’autres leaders populistes de par le monde, Benjamin Netanyahou clame agir au nom du mandat reçu par le peuple. Sa coalition pourtant ne l’avait emporté en novembre 2022 qu’avec 30.000 voix d’avance (0,6 % des suffrages) et il ne dispose que de quatre sièges de majorité à la Knesset. C’est une bien faible marge pour imposer un « révolution conservatrice ». Avec, à la clef, un chaos institutionnel.

La loi mettant sous contrôle la Cour Suprême sera évidement retoquée par la… Cour Suprême. Quel sera alors le pouvoir légitime? La situation confine ainsi à l’absurde. Une cinquantaine d’ex-diplomates israéliens de premier plan évoquaient dans tribune publiée dans le Monde le 10 janvier dernier « leur profonde inquiétude » face à une loi destructrice pour « l’image d’Israël et à ses intérêts vitaux à l’étranger ».

Pourtant Benjamin Netanyahou avait obtenu de réels succès diplomatiques ces dernières années, notamment avec les accords d’Abraham normalisant les relations avec les Emirats Arabes Unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Tout cela risque d’être remis en question. Les ministres d’extrême droite de la coalition, à commencer par l’ultra nationaliste suprémaciste Bezalel Smotrich, multiplient les provocations verbales. Même le fidèle allié américain montre sa mauvaise humeur en convoquant l’ambassadeur israélien après l’annonce du vote de la loi relançant la colonisation sauvage. La question palestinienne en outre revient sur le devant de la scène avec une inquiétante montée des violences qui sont les plus graves depuis dix-sept ans faisant craindre une troisième Intifada.

La position diplomatique de l’État hébreu s’en trouve dangereusement affaibli en un moment pour le moins tendu sur la scène régionale et internationale. La normalisation avec Riyad est en panne avec l’accord irano-saoudien sous parrainage chinois. Entre-temps, l’Iran continue de développer son programme nucléaire et, selon le ministère de la défense américain, il pourrait très prochainement produire la matière fissile nécessaire à la fabrication d’une bombe. L’unité nationale serait donc plus que jamais nécessaire en Israël, y compris pour marginaliser les extrémistes. Mais pour Netanyahou, tout à la fois complice et otage d’une coalition qui est la plus à droite de l’histoire d’Israël, la priorité est de se maintenir à tout prix au pouvoir ».

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