JACQUES Benillouche. « Passer deux jours au nord de Tel-Aviv, au cinquième étage de l’hôpital Beilinson de Petah-Tikva, qui porte bien son nom «le seuil de l’espoir», est une expérience à la fois dramatique mais aussi revigorante. Le visiteur, voire le patient, est mis en contact avec le monde de la souffrance pour certains, de l’espoir pour d’autres. Rien ne distingue les patients entre eux ; le pyjama blanc met le marchand de légumes au même niveau que le patron d’une startup.  La maladie leur a asséné brutalement, un jour, un coup sur la tête, au moment où ils s’attendaient le moins ; mais le personnel est là pour leur redonner confiance et surtout goût à la vie.

On ne peut qu’être impressionné par cette armada d’infirmières, souvent mal payées mais dévouées au point de se demander comment on peut avoir une telle vocation quand on est entouré du malheur et de la souffrance. Surchargées de travail, exténuées, elles résistent. La cheffe de ces petites mains est une arabe voilée, acceptée par tous, d’une gentillesse permanente et que l’on voit mal renvoyée chez «elle» comme le souhaitent certains extrémistes qui considèrent tous les Arabes comme des terroristes en puissance. Autour d’elle se pressent les jeunes stagiaires médicales et les internes, un monde de dévouement. Beaucoup d’Arabes parmi eux parce qu’ils bénéficient de la discrimination positive leur réservant 20% des postes médicaux. Ils s’expriment souvent entre eux dans leur langue maternelle. Ayant fait la remarque étonnée de les voir parler une langue qu’ils n’ont pas maniée à l’Université, la cheffe m’a répondu : «tu parles bien français avec ton médecin». Elle avait raison, c’était une facilité d’utiliser la langue dans laquelle ils sont nés.

Il est difficile de trouver du personnel plus dévoué alors qu’il s’agit d’un métier ingrat. Toujours accueillants, toujours disponibles, toujours serviables, parfois rabroués par un patient qui souffre et qui ne sait pas à qui s’en prendre. Les médecins, parfois les professeurs, ont autant de disponibilité et se comportent avec simplicité alors qu’ils détiennent souvent en main le sort d’un patient. Ils ne soignent pas seulement, ils réconfortent, ils rassurent mais ne se découragent pas quand ils sont vaincus par plus fort qu’eux. Certains monstres de la médecine méritent la révérence mais ils sont convaincus qu’ils ne font que leur boulot.

Diplômés arabes en Israël

 

Ce monde qui ignore l’apartheid est solidaire. Au moment de notre visite, une grande dame, totalement recouverte d’une burqa noire, s’était présentée à la réception. Elle m’avait frappé par son regard perçant, le seul élément visible de son corps. Mais en la voyant se déplacer, elle donnait l’impression d’avoir oublié sa faux, symbole de la mort qui rode toujours dans ce décor. C’était cela Israël, le mélange des genres et le mélange des sensibilités mais surtout l’acceptation de l’autre a fortiori lorsqu’il souffre. Personne n’a fait cas de son apparition ni de sa tenue.

 

L’hôpital nous apprend à philosopher sur la relativité des choses. Tout parait alors futile devant les malheurs qui nous entourent. Futilité les problèmes du gouvernement, futilité le conflit avec l’Iran ; quant au problème ukrainien, il passe bien au-dessus de nos têtes. Le patient ne rêve alors qu’à des choses élémentaires et basiques, d’une bonne promenade à pied dans un centre commercial, d’un bon steak ou bien sûr d’un bon sandwich. Ces choses minimes prennent alors des proportions irréalisables pour celui qui est accroché à toutes sortes de perfusions médicales.

L’hôpital est une bulle où l’important pour les protagonistes réside dans la volonté de se battre pour la vie. Certains bobos deviennent négligeables face aux maux plus graves et plus dangereux alors que certains sont rongés par le crabe, cette bête immonde qui ne recule devant rien. Et pourtant les patients restent optimistes, avec acharnement et courage, prenant leur mal en patience. L’irréel est qu’ils se soutiennent entre eux, parce qu’il y a toujours plus malade que soit, là règne une fraternité à toute épreuve dans la maladie.

 

Il est une certitude à présent, la médecine israélienne n’a rien à envier à la française, soi-disant la plus réputée ; elle la dépasse parfois aujourd’hui. Des deux côtés, la qualité des médecins est indéniable mais la seule différence réside dans «l’hôtellerie» et le service «après-vente». De grands efforts ont été faits en Israël pour des chambres comparables à celles d’un hôtel de niveau trois étoiles. Là où il y avait peu de moyens humains, il y a quelques années, Beilinson aligne une brigade de professeurs, certains venus de France, de médecins, d’internes et d’infirmiers dont le dévouement remarquable nous fait réagir sur la modicité des salaires, parfois en dessous de ceux d’un marchand de légumes du souk. Leur attention était telle qu’il était difficile de ne pas se sentir gêné par tant de délicatesse et de sacerdoce. C’est la relativité des choses. Ceux qui nous permettent de ne pas repartir en poussière, à tout instant, sont ceux qui nous aident à combattre avec force le mal pour garantir la vie, la chose la plus chère durant ces instants de souffrances.

 

Et puis l’on se remet encore à songer à l’apartheid dont est accusé Israël par certaines organisations internationales dont le rôle est de diffuser des accusations infondées. Les voiles des femmes sont courants sans que l’on soit gêné d’une manière quelconque puisqu’ils expriment des convictions religieuses et non politiques, surtout quand le travail est par ailleurs parfaitement réalisé. Il n’y a pas de diabolisation du voile en Israël. Dans des chambres voisines des patients arabes sont soignés avec la même rigueur sans qu’ils aient besoin de cacher leur religion parce que le seul combat qui vaille est le combat pour la vie. Des Arabes soignent des Juifs et des Juifs soignent des Arabes pour que la lutte contre la maladie prime.

On sent que le peuple entier est mobilisé pour une même cause noble, celle de la lutte contre la maladie. Deux jours miraculeux pour démontrer la fatuité de nos certitudes, la hiérarchie des problèmes mais surtout la fragilité de notre vie trop axée sur les biens matériels dans un monde où rôde le malheur. Mais une chose est certaine cependant, la médecine israélienne n’a pas à avoir de complexes. Elle souffre, comme le gouvernement, d’une lacune de Hasbara, de communication. Mais elle est certes convaincue qu’elle est au top pour le plus grand bien de ses citoyens. Chapeau et merci pour tous ces soldats d’un genre noble ! »

benillouche.blogspot.com

Une vidéo à ne pas rater

https://www.facebook.com/Qualita/videos/952026468471481/

Partager :