Tout dans l’affaire Arié Derhy est symptomatique des relations de plus en plus conflictuelles entre le pouvoir politique – ou plus précisément la nouvelle coalition – et le pouvoir judiciaire en Israël. Petit rappel des faits : En février dernier, Arié Derhy, le leader du Shas était condamné par le tribunal d’instance de Jérusalem à une peine de prison avec sursis pour fraude fiscale, à l’issue d’un compromis judiciaire. Afin d’éviter une décision supplémentaire des juges qui lui aurait interdit de prendre des responsabilités publiques – il était député à l’époque – Arié Derhy avait annoncé qu’il démissionnait de la Knesset. Et c’est là qu’a débuté la confusion. S’était-il retiré définitivement de la politique, ou préparait-il son retour aux élections législatives suivantes ? Sa candidature aux législatives de novembre et son élection avaient levé le doute sur ses intentions, mais pas sur les termes de la décision du tribunal d’instance. Voilà pour le premier point.

Ensuite, quand Benyamin Netanyahou a entamé ses pourparlers pour la formation de son gouvernement, il a naturellement fait appel au parti Shas. Mais il savait qu’il devrait d’abord obtenir la décision de la Commission électorale sur la légalité de la nomination d’Arié Derhy dans son gouvernement. Et la réponse avait toutes les chances d’être négative, puisque la loi fondamentale sur le gouvernement interdit à quiconque aura été condamné à une peine d’emprisonnement de devenir ministre. C’est pour contourner l’obstacle et parce que l’alliance avec le Shas était vitale pour la coalition que le chef du Likoud voulait mettre en place, que les deux partis avaient décidé que le plus simple serait de modifier la loi, en précisant que l’interdiction de siéger au gouvernement ne s’appliquerait qu’à une peine de prison ferme et pas avec sursis. Ce qui a permis à Arié Derhy d’obtenir les portefeuilles de l’Intérieur et de la Santé dans le nouveau gouvernement Netanyahou. Mais la Cour Suprême, saisie de plusieurs requêtes sur la constitutionnalité de la réforme et les intentions réelles du leader du parti séfarade, a donc tranché mercredi, en invalidant la nomination d’Arié Derhy. Sans entrer dans le détail des arguments des juges, qui ont tranché par dix voix contre une, on est exactement au cœur des tensions qui opposent la coalition au pouvoir judiciaire depuis la réforme annoncée par le ministre de la Justice. La voix des juges doit-elle prévaloir sur celle du peuple ? La réponse est évidemment négative pour les partis de la majorité et en particulier pour le Shas qui rappelle que 400.000 Israéliens ont voté pour le parti orthodoxe avec Arié Derhy en tête de liste en toute connaissance de cause, et lui ont donné 11 sièges à la Knesset.  Yariv Levin, le ministre Likoud de la Justice a promis de tout faire pour « réparer l’injustice » faite au leader du Shas.

Le projet de réforme de Yariv Levin prévoit justement de retirer ou en tout cas de réduire considérablement la capacité des juges de la Cour Suprême à interpréter les lois votées par la Knesset et les décisions du pouvoir exécutif. Et il prévoit aussi de mettre en place le système de disposition de dérogation qui permettra au parlement de revoter une loi annulée par la Cour. Cela ne va pas résoudre dans l’immédiat le problème d’Arié Derhy, car le vote de cette réforme prendra encore des semaines et d’ici là, il ne pourra plus siéger au gouvernement. Mais surtout, cette décision des juges de la Cour Suprême va-t-elle rendre irréversible la rupture avec le gouvernement ? Elle va en tout cas sérieusement renforcer la détermination de la coalition de passer sa réforme du système judiciaire vite et fort.

RADIO J.

Pascale Zonszain

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