Au stade de baseball de Yokohama, à une trentaine de kilomètres au sud de Tokyo, Israël a raté jeudi son entrée en lice aux Jeux olympiques, s’inclinant 6-5 contre la Corée du Sud, où ce sport est roi. Rattrapage samedi à midi heure française face aux Etats-Unis pour une sélection hétéroclite comptant dans ses rangs bon nombre d’Américains naturalisés avec un objectif : faire du sport un outil du soft power et améliorer l’image d’Israël à l’étranger.

Signe du caractère exceptionnel de la présence de cette équipe à Tokyo, c’est la première depuis le tournoi olympique de football à Montréal, en 1976, qu’un sport collectif israélien parvient à se qualifier pour les Jeux en ayant, de surcroît, de réelles chances de podium malgré ces débuts contrariés. Cette équipe, qualifiée de hors norme ou de spéciale par ses membres, existe depuis 1990, mais n’a commencé à goûter à la gloire qu’en 2017, lors de la World Baseball Classic, l’équivalent de la Coupe du monde en football ou en rugby.

La Jamaïque du baseball.

A cette période, l’équipe israélienne fait figure d’outsider complet et n’est classée que 48e nation mondiale, à tel point qu’on la surnomme «la Jamaïque du baseball», en référence à l’épopée des Rasta Rockets, qualifiés pour les épreuves de bobsleigh aux Jeux d’hiver de Calgary, en 1988. Les «Jamaïcains» surprennent. Ils finissent 6e sur 16 après s’être offert au passage la Corée du Sud, médaillée d’or en 2008 à Pékin, où le baseball et le softball, son pendant féminin, disaient au revoir aux Jeux, qu’ils ne retrouvent que cette année.

Aujourd’hui, la désormais 24e nation mondiale est qualifiée aux côtés de cinq autres équipes (le Japon, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Mexique et la République dominicaine) pour le tournoi olympique. Cette progression doit beaucoup à une politique active de recrutement de joueurs américains et de naturalisation. Sur les 24 joueurs retenus dans le groupe, quatre seulement sont nés sur le territoire israélien.

L’initiative a été conduite par Peter Kurz, le directeur général de l’équipe et président de la Fédération israélienne de baseball, et Eric Holtz, l’entraîneur. Tous deux ont passé au crible les noms de joueurs américains susceptibles de profiter de l’Alyah, la loi du retour en Israël qui permet à tout descendant de parent ou d’aïeul juif d’acquérir la nationalité israélienne. La plupart des olim de l’équipe (nom donné aux nouveaux arrivants), ont d’ailleurs insisté sur le rapprochement avec leur judaïté, et la patrie spirituelle qu’incarne Israël. «Au-delà de la naturalisation des sportifs, ces athlètes n’ont pas juste la nationalité israélienne, mais deviennent des ambassadeurs du pays. C’est important qu’ils s’imprègnent des valeurs. L’image d’Israël est tellement écornée à l’international, que cela peut être utile d’avoir des ambassadeurs partout», analyse Kevin Veyssière, auteur de Football Club Geopolitics, paru en juin.

Une équipe américaine.

In fine, le résultat donne un assemblage hétéroclite de joueurs américains, retraités ou actuels, qui ont fait le déplacement dans l’Etat hébreu pour achever le processus de naturalisation, parmi lesquels Ty Kelly, qui a passé une grande partie de sa carrière dans les ligues mineures avant d’effectuer quelques passages chez les Mets de New York ou encore les Phillies de Philadelphie.

Ian Kinsler, 39 ans, apparaît comme la star de l’équipe. Ancien des All Stars en ligue majeure, il annonce prendre sa retraite en 2020, avant d’embarquer dans l’un des derniers avions atterrissant en Israël, au mois de mars, quelques heures avant que l’aéroport Ben-Gourion ne ferme ses portes face à la pandémie. Désormais citoyen israélien, son ambition, au-delà d’un podium à Tokyo, serait de réussir à populariser le baseball dans son nouveau pays. Au même titre qu’Eric Holtz, entraîneur de l’équipe, qui a déclaré à maintes reprises vouloir tripler le nombre de joueurs de baseball en Israël (la fédération ne compte que 1 000 licenciés). En attendant, l’Initiative Project Baseball du Jewish National Fund-USA, qui a financé l’équipe ces dernières années, contribue à la construction de terrains de baseball dans la ville de Beit Shemesh, afin d’y accueillir prochainement les ligues d’hiver.

Après avoir passé deux semaines de stage intensif aux Etats-Unis, les 24 joueurs israéliens et les membres de l’encadrement ont embarqué pour Tokyo. Les six équipes qualifiées pour les Jeux sont réparties en deux groupes, en fonction de leur classement mondial. A l’issue de cette phase de groupe, le tournoi entre dans une phase éliminatoire complexe avec un système de repêchage. Sur le banc des Israéliens, leur mascotte porte-bonheur, le Mensch on the Bench, petit personnage hassidique emblème de la fête de Hanoukkah.

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