Avi Zinger a l’habitude d’accrocher des sourires aux lèvres des enfants avec ses glaces parfumées. Mais l’Israélien, patron de la franchise locale de Ben & Jerry’s, se trouve depuis quelques jours plongé au cœur du conflit israélo-palestinien. « Nous allons continuer à vendre partout », lance M. Zinger dans son usine plantée dans le village agricole de Beer-Touvia, au sud de Tel-Aviv, où travaillent l’été 160 employés.

Lundi, le fabricant de glace américain s’est engagé dans le conflit, en suivant les appels à une campagne de boycott des colonies juives.

Dans les cercles propalestiniens, l’annonce de Ben & Jerry’s – qui revendique des engagements progressistes et joue la carte de la protection de l’environnement – a été accueillie comme une victoire. Le député arabe israélien Ayman Odeh a diffusé sur les réseaux sociaux une photo de lui avec un pot de glace de l’entreprise. « Le régime se porte bien », a-t-il écrit en légende pour souligner son soutien à la décision de boycott.

M. Zinger pourrait en théorie se réjouir de cette publicité gratuite. Mais l’État hébreu a aussitôt répliqué en lançant une contre-campagne contre le fabricant de glaces. Le gouvernement israélien combat farouchement depuis des années le mouvement BDS, qui appelle au boycott économique, culturel ou universitaire d’Israël, visant à obtenir la fin de l’occupation et de la colonisation dans les territoires palestiniens.

« Sonnette d’alarme »

L’ambassadeur d’Israël aux États-Unis a demandé à 35 États américains d’utiliser contre Ben & Jerry’s les lois anti-BDS qu’ils ont adoptées et qui considèrent le boycott d’Israël comme « antisémite ».

Le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a appelé la direction d’Unilever, géant alimentaire propriétaire de la marque, tandis que le président Isaac Herzog a qualifié la décision de boycott de « terrorisme économique ».

Quoi qu’il en soit, Avi Zinger craint pour ses glaces et dit vouloir vendre à tous : aux Palestiniens comme aux Israéliens, qu’ils vivent à Tel-Aviv ou dans une colonie. Il affirme ne pas avoir « le droit de refuser à quiconque d’acheter des glaces » quand le mercure dépasse les 35 degrés l’été en Israël et dans les territoires palestiniens.

Selon M. Zinger, c’est face à son refus d’obtempérer que le fabricant a décidé de ne pas renouveler son accord de licence, qui expire en fin d’année prochaine. En attendant, l’usine de Beer-Touvia continue de tourner, mais des employés sont inquiets. « Je crains pour mon emploi et ceux de mes amis qui travaillent ici », confie Ayelet Damlao, 38 ans. « Ce n’est pas simple de découvrir tout d’un coup que tu peux perdre ton travail » pour une histoire de glace, déplore la contrôleuse de qualité.

« Séparer politique et glaces ».

Sur les réseaux sociaux israéliens, les appels à boycotter le glacier se sont multipliés, avant que la tendance ne s’inverse rapidement et que des Israéliens ne s’empressent de soutenir la franchise locale opposée à la décision de la marque américaine. « Je suis venu soutenir Ben & Jerry’s en Israël, qui a refusé de se plier à la demande du groupe de ne plus vendre dans les territoires occupés et qui va continuer à vendre à tout le monde », explique Moshé Weizman, venu se ravitailler dans le magasin de l’usine avec sa femme et ses deux fils. « Il faut séparer politique et glaces, ça n’a rien à voir », poursuit l’homme originaire de la ville d’Ofakim, plus au sud. « Encore plus de gens qu’avant viennent acheter des glaces pour nous soutenir », affirme Omer Granada, 19 ans, vendeur de glaces.

En « optimiste » convaincu, Avi Zinger, qui a importé l’enseigne il y a 35 ans, espère que Ben & Jerry’s fera marche arrière, à l’instar d’Airbnb en 2019. La plateforme de réservation de logements en ligne avait annoncé qu’elle renonçait à faire des offres dans les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée. Mais Airbnb, poursuivie en Israël, était revenue sur sa décision.

Source : AFP

LE PLUS. NATHALIE SOSNA OPHIR. Vive indignation en Israël sur la toile après la décision d’Unilever propriétaire depuis l’an 2000 de la marque Ben&Jerry’s – du nom des deux fondateurs Juifs Ben Cohen et Jerry Greenfield- de ne plus vendre ses glaces dans les implantations de Judée-Samarie.
« Nous pensons qu’il n’est pas compatible avec nos valeurs que les glaces Ben & Jerry’s soient vendues dans les Territoires palestiniens occupés », peut-on lire dans le communiqué.
« Ne nous boycottez pas » a exhorté hier Avi Zinger le PDG de Ben and Jerry en Israël dans un appel à l’adresse des israéliens. Mais rien n’est moins sûr. Dès l’annonce du boycott, La toile s’est embrasée avec des milliers de réactions hostiles d’Israéliens et des dirigeants politiques.
L’ambassadeur d’Israël aux Etats Unis Guilad Erdan a appelé les autorités américaines à prendre des mesures contre le fabricant. « Des glaces il y en a beaucoup, mais nous n’avons qu’un seul pays » a tweeté Naftali Bennett annonçant qu’il allait se battre de toutes ses forces pour que la décision soit annulée. .
« La décision de Ben & Jerry’s est une capitulation honteuse à l’antisémitisme, au mouvement BDS , a commenté pour sa part le ministre des affaires étrangeres Yaïr Lapid dans une vidéo.
« Nous Israéliens savons désormais quelle glace ne PAS acheter », a réagi l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, alors que le député arabe de la Knesset Ayman Odeh s’est fait photographier mangeant de la glace Ben and Jerrys directement dans le pot, visiblement très satisfait.
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