Ce n’est pas par hasard qu’il soit possible d’entendre parler hébreu à Paris dans un des cafés très célèbre de la Capitale. Les guides en hébreu n’hésitent jamais à mentionner le Café de Flore. Le fief de Sartre et de Beauvoir est amarré depuis plus d’un siècle à Saint-Germain-des-Prés. Ses rituels alimentent les fantasmes et il attire autant les célébrités que les anonymes. De nombreux israéliens se font un devoir de boire un Café où de commander un Ricard dans ce lieu mythique.

Selon (1) : « Assise en terrasse, une jeune femme, drapée dans l’indolence de cet après-midi de septembre, patiente sous son chapeau de feutre. Débarque soudain, depuis le boulevard Saint-Germain, un adonis, cheveux mi-longs, baskets et costume beige : « Désolé, j’étais à la Philharmonie, je pensais que la répétition serait moins longue ! »

A quelques mètres, « Monsieur Claude », directeur du Café de Flore, rajuste ses lunettes cerclées d’écailles pour mieux observer le ballet des serveurs à tablier et nœud papillon. Il distribue les consignes, veille au grain en consultant régulièrement Nadine, la caissière installée à l’intérieur. Depuis son poste de vigie, une petite guérite qui se dresse ici depuis les années 1900, elle s’emploie à vérifier chacun des plateaux servis dans la salle du rez-de-chaussée.

Quelques instants plus tard, Fabrice Luchini gagne prestement le salon boisé de l’étage pour travailler au calme, dans le recoin du fond. Après avoir ôté sa gabardine, le comédien commande, comme d’habitude, un thé et une part de cake aux fruits confits maison. Le meilleur de Paris, selon lui ! Au rez-de-chaussée, un certain Monsieur Charles quitte la table 10 en saluant le directeur. L’homme vient ici chaque jour pour écrire, non loin du coin de banquette en moleskine rouge, au fond à droite, où Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir noircissaient eux aussi des feuillets.

Dans les années 1940, les deux philosophes y passaient leurs journées, composant certaines de leurs œuvres majeures, telles L’Etre et le Néant, Les Mouches ou L’Invitée, près du poêle à charbon installé par le patron d’alors, Paul Boubal. Une idée qui permit à ce dernier d’attirer durant l’hiver les écrivains du quartier, tout heureux de trouver une alternative à l’exiguïté des chambres d’hôtel où ils résidaient.

Œufs coque et pouilly-fumé.

Il est bientôt 20 heures et le comédien Gilles Lellouche, flanqué de ses compères, s’installe « côté jardin » (comprendre, la terrasse latérale côté rue Saint-Benoît) pour prendre l’apéritif. Selon les usages du lieu, la petite bande ne commande pas de « verres de blanc », mais du pouilly-fumé Ladoucette, breuvage incontournable de la maison. Ainsi va la petite vie du Flore, « sans doute le plus légendaire de tous les cafés », dixit le New York Times.

Et dire que, à l’origine, autour de 1885, cet établissement, aujourd’hui célèbre dans le monde entier, n’était qu’un modeste bistrot, rendez-vous des joueurs de dames et de belote ! C’est l’arrivée dans le quartier, au début du XXe siècle, de grands éditeurs tels Gallimard ou Grasset qui drainera écrivains et artistes de tous horizons. Guillaume Apollinaire, Pablo Picasso, Jacques Prévert ou André Malraux s’approprient le café à l’auvent blanc.

Quand Paul Boubal, un limonadier aveyronnais, reprend l’affaire en 1939, il en fait définitivement le repaire de l’intelligentsia parisienne. Chaque soir, l’homme à l’accent rocailleux et à l’incroyable faconde rejoint son appartement, donnant sur la place Saint-Germain, éteint la lumière du salon et, depuis la fenêtre, observe avec des jumelles d’artillerie le petit théâtre qui se joue au Flore. Après la guerre, il y voit passer Boris Vian, Simone Signoret ou Juliette Gréco puis, plus tard, Brigitte Bardot, Alain Delon, Bernard-Henri Lévy…

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