Les prix du carburant, au Liban, ont connu de nouveaux sommets, avec un seul litre d’essence 95-octane vendu à un prix équivalent à 47 dollars après une hausse des prix de 45%, induit par la fin des subventions gouvernementales. Même le prix des ânes a triplé au cours des deux dernières semaines, aggravant encore la sévérité de la crise économique du pays – une crise qui le place au bord de l’effondrement complet.

Le désastre semble être exacerbé par le groupe terroriste du Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui fait partie intégrante du gouvernement et qui détient un pouvoir significatif en l’absence d’un leadership fonctionnel. Le Hezbollah pourrait même chercher à renforcer cette paralysie pour tenter de soumettre le Liban à Téhéran.

La crise économique et financière, au Liban, sévit depuis la fin de l’année 2019 et elle est devenue incontrôlable dans ce pays de plus de six millions d’habitants – parmi lesquels se trouvent plus d’un million de réfugiés syriens. Une pénurie de devises étrangères a heurté de plein fouet l’économie qui dépend des importations, rendant difficile, pour les résidents, l’accès au carburant, à des médicaments ou à des produits de base. Les pannes d’électricité durent des heures au quotidien, menaçant le fonctionnement des hôpitaux et des magasins d’alimentation et plongeant des quartiers entiers dans l’obscurité.

La Banque mondiale a estimé que la situation au Liban était l’une des pires crises connues depuis 1850 et elle a qualifié de « brutal » le recul connu par le pays. La devise nationale a perdu presque 95% de sa valeur, faisant sombrer dans la pauvreté ceux qui formaient autrefois la classe moyenne libanaise. L’inflation et le chômage ont bondi et les personnes qualifiées quittent le pays pour partir à l’étranger, en quête d’une vie meilleure.

La crise politique est ancrée dans des décennies de corruption et de mauvaise administration de la part d’une classe politique qui, après la guerre civile, a accumulé les dettes et a peu fait pour encourager l’industrie locale. Les banques, qui étaient dans le passé un secteur florissant, ont imposé des contrôles de capitaux informels et les dépositaires sont privés d’un accès libre à leurs comptes.

Des milliards de dollars d’aide ont été promis au Liban en aides internationales, sous réserve de l’adoption d’un plan de réforme visant à s’attaquer à la corruption. Mais l’élite politique, en lutte pour le pouvoir, s’accusant mutuellement des maux connus par le pays, n’a jamais accepté.

Difficile de dire ce que réserve l’avenir au Liban. Le rétablissement ne semblera pas être d’actualité tant que le Hezbollah, un groupe terroriste extrémiste chiite, pourra continuer à agir en toute impunité – s’efforçant apparemment de transformer les citoyens libanais en mendiants frappant à la porte de la république islamique.

Ce n’est pas une nouveauté pour le Hezbollah. Quand la pandémie de coronavirus avait frappé, l’année dernière, il avait commencé à choyer ses soutiens chiites – ainsi que les familles à faible revenu – en offrant toute une série d’avantages : une carte de rabais pour une nouvelle chaîne de commerces vendant des produits épiciers iraniens et syriens ; l’ouverture de nouvelles pharmacies proposant des médicaments iraniens et enfin, une idée née dans le cerveau du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah — une proposition d’acheter du pétrole à l’Iran.

La faisabilité de cette dernière offre est douteuse mais elle a été faite pour signaler à la population libanaise d’où l’aide pourrait bien venir dans ce chaos. Dans la mesure où toutes les autres parties intéressées, comme l’Arabie saoudite ou la France, ne désirent pas aider le Liban tant qu’il ne se dotera pas d’un gouvernement en fonctionnement, Nasrallah tente de se positionner lui-même et de présenter l’Iran comme les potentiels sauveurs du pays.

La mainmise croissante du Hezbollah et la désintégration de l’État libanais sont la continuation d’un processus, vieux de plusieurs décennies, au cours duquel le groupe terroriste a tranquillement et constamment grignoté la souveraineté du Liban. Le pays pourrait se diriger vers une situation où chaque secteur, chaque communauté, se replierait sur elle-même, ne comptant que sur ceux qui les constituent, avec un cadre étatique qui ne deviendrait que purement théorique.

Un second scénario, plus violent et plus dangereux que le premier, ressemblerait à la révolte de 2005, après l’assassinat, par les membres du Hezbollah, du Premier ministre Rafik Hariri. A l’époque, des foules massives s’étaient rassemblées en demandant l’expulsion du pays des forces soutenues par la Syrie – et ces mouvements de protestation avaient atteint leur objectif.

Mais ce scénario paraît aujourd’hui hautement fantaisiste. Avant tout, le Hezbollah n’est pas une armée étrangère : il s’agit d’une organisation libanaise qui, si elle sape activement l’État, est toutefois considérée par un grand nombre de personnes comme une entité politique légitime dans le pays. Ensuite, les foules ne battent pas le pavé actuellement. Il n’y a pas de manifestations violentes, pas de drames dans les rues – sinon les rixes occasionnelles qui ont lieu dans les stations-services.

Troisième scénario, et le plus dangereux : une flambée de violences qui rappellerait la guerre civile de 1975 ou, éventuellement la prise forcée, par le Hezbollah, de fonctions centrales du pouvoir, comme il l’avait déjà fait contre l’ex-Premier ministre Fouad Siniora en 2008.

Ce scénario ne semble pas probable. Cette semaine, les forces libanaises, avec à leur tête Samir Geagea — un politicien chrétien maronite et l’un des hommes les plus haïs dans le pays, qui n’avait pas hésité à massacrer des innocents dans les années 1970 et 1980 – ont dressé des barrages routiers dans la ville de Zahle, ramenant dans des mémoires les souvenirs oubliés de la guerre civile des années 1970. Mais même Geagea, qui est l’un des opposants les plus virulents du Hezbollah, a conscience de ses limites et il sait que ses troupes manquent des capacités nécessaires pour affronter le mouvement chiite.

Il est impossible de savoir ce qui va se passer au Liban – et il y a toujours la possibilité d’une bonne nouvelle. Par exemple, si l’ancien Premier ministre Saad Hariri devait parvenir à former un nouveau gouvernement, cela encouragerait véritablement les Occidentaux à venir en aide au Liban.

Autre possibilité : celle que l’Iran et/ou la Russie décide d’intervenir, ce qui pourrait ramener une certaine stabilité dans le pays – au prix de sa transformation en province de l’empire perse ressuscité.

 

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