Une lampe à huile en bronze, en forme de visage coupé en deux, datant de 2000 ans, a été retrouvée à Jérusalem en Israël. Une découverte qui n’est pas la première du genre dans l’Etat Hébreu. Des archéologues annonçaient récemment également la découverte de dizaines de nouveaux fragments de manuscrits de la mer Morte portant un texte biblique. Des manuscrits trouvés dans une grotte du désert, cachés pendant près de 1900 ans. C’est l’occasion de faire un tour d’horizon des grandes découvertes archéologiques récentes dans ce pays, où chaque découverte peut se transformer en véritable bataille politique et où le moindre coup de pioche peut virer à la tragédie.

Par Ilana Ferhadian

Des fragments de parchemin qui portent des lignes de texte grec et d’hébreu ancien, et qui permettent de reconstituer des passages d’un texte de l’Ancien testament. Ce sont ces manuscrits qui ont été retrouvés il y a quelques mois, pour la première fois depuis 60 ans. Pour l’autorité israélienne des antiquités, il s’agit précisément de fragments qui furent cachés dans une grotte pendant la révolte de Bar Kohba, révolte juive armée contre Rome sous le règne de l’empereur Hadrien, entre 132 et 136 après notre ère.

Les fameux manuscrits de la mer Morte, première trace des textes bibliques

Ils sont à l’image des pièces de ce grand puzzle baptisé « manuscrits de la mer Morte », une collection des premières copies connues de textes bibliques, trouvés par des bergers bédouins dans les grottes du désert en Judée-Samarie près de Qumran dans les années 1940 et 1950.

Pour rappel, les « manuscrits de la mer Morte » ont été reconstitués comme des milliers de fragments d’écrits antiques datant d’une période allant de l’an 400 à l’an 300 avant Jésus-Christ. Au total, 900 d’entre eux sont conservés au Musée des manuscrits d’Israël. Un bâtiment sous haute surveillance et même conçu pour résister à une explosion nucléaire… C’est dire leur valeur.

Une opération d’ampleur dans le désert de Judée

Face à l’envie des archéologues d’en découvrir plus, depuis 2017, l’Autorité des antiquités israéliennes a pris la tête d’une opération archéologique sans précédent. L’objectif : explorer plus de 500 grottes dans tout le désert de Judée, à la recherche d’objets antiques. Ces fouilles s’inscrivent dans le projet national d’Israël qui a pour mission de préserver les biens culturels et patrimoniaux des pilleurs d’artéfacts.

Depuis 4 ans, des centaines de grottes ont ainsi été cartographiées grâce à la haute technologie, et de puissants drones déployés dans la région. Une opération d’une ambition sans précédent mais aussi physiquement rude, puisqu’elle implique des performances d’escalade et la création de camps de travaux sur des falaises relativement dangereuses. L’objectif est d’anticiper les pilleurs d’antiquités qui se rendent dans ces grottes.

D’autres découvertes intéressantes et exceptionnelles

Outre les manuscrits de la mer Morte, d’autres découvertes intéressantes ont été effectuées en Israël, véritable puits archéologique. En octobre 2019, une borne géographique âgée de 1700 ans avait ainsi été découverte sur le plateau du Golan, à la frontière syrienne. En août 2020, 424 pièces en or massif datant d’il y a 1100 ans avaient également été trouvées, cette fois dans le centre d’Israël, près de Tel-Aviv. Des pièces datant pour la plupart du début de la période islamique et de la dynastie abbasside.

Une des découvertes les plus géniales, fruit du hasard, remonte à novembre 2019 : un site archéologique vieux de 9 000 ans était retrouvé près de Jérusalem, sur le chantier d’une nouvelle route. On découvrait alors à quelques kilomètres de la capitale israélienne un site archéologique d’une ampleur et d’une richesse singulières, enfoui depuis des millénaires à quelques mètres à peine sous la surface. Sur le site, des dizaines de milliers d’objets sont trouvés, comme des statuettes représentant des espèces animales, mais aussi des bijoux en terre.

L’archéologie, une arme idéologique en Israël

L’archéologie en Israël est certes un enjeu historique, mais aussi politique. Depuis la fondation de l’Etat juif en 1948, ce domaine est un sujet de tensions croissantes avec les arabes. Pour les juifs, l’archéologie est une aubaine, un moyen de justifier leur présence sur la terre juive ancestrale. Les récits bibliques, comme ceux de la mer Morte sont alors perçus par le gouvernement israélien comme des piliers de la légitimité de l’Etat Hébreu. Chaque parcelle de terre peut ainsi apporter une preuve que les juifs furent bien les premiers présents dans la cité de David. Mais ces justifications ne se font pas sans peine… Il est effectivement de plus en plus difficile, depuis des années pour les archéologues israéliens, d’entrer dans les sous-sols de Jérusalem. Mis en cause : l’autorité jordanienne du Waqf, censée administrer les lieux de saints de la capitale depuis le statu quo de 1967, qui n’accepte pas les fouilles sur le Mont du Temple (har ha Bayit en hébreu), appelé « Esplanade des mosquées » par les musulmans.

Le peuple juif face à la destruction de son histoire

Conformément à ce fameux statu quo, hérité de la guerre des Six jours, l’Etat d’Israël ne peut donc mener de travaux, archéologiques ou de construction, sans l’accord du royaume jordanien ! Israël doit donc subir l’élimination constante de son passé juif, un véritable gâchis sachant les trésors que le Mont du Temple pourrait renfermer. En 1996 par exemple, le Waqf musulman décide d’aménager les écuries de Salomon et de les transformer en une immense mosquée. Ses employés déblaient 7 000 tonnes de terre, et le bâtiment devient la mosquée Al Marwani, un bâtiment souterrain pouvant accueillir jusqu’à 10 000 personnes. Une sortie de secours est crée dans la foulée, et une excavation express est mise en place. En trois jours, un puits de 36 mètres d’une profondeur de 12 mètres, est creusée, détruisant tout artéfact pouvant s’y cacher. 6 000 tonnes de terre et de poussière, renfermant une imposante quantité de vestiges archéologiques, sont alors transportés par camions dans des décharges publiques. Tels de simple déchets !

Le plus fou, c’est que ce projet est mené avec l’aide du gouvernement israélien. Pour réaliser ces travaux, le Waqf reçoit en effet l’autorisation du Premier ministre de l’époque, Ehoud Barak. Et il faudra attendre 2004, soit huit années après les travaux pour que les archéologues israéliens aient enfin l’autorisation de fouiller dans ces gravats, restés intacts dans le parc national d’Emek Tsourim, situé tout près de la vallée de Kidron.

Au moins 70 000 personnes, venus des 4 coins d’Israël mettent alors la main à la pâte. Archéologues, bénévoles, orthodoxes, religieux ou laïcs parviennent à recueillir dans les gravats des dizaines de milliers de vestiges archéologiques datant du Premier et du Second Temple de Jérusalem.

Par ailleurs, un drame terrible se produisit en 1996, l’année de la construction sur les écuries de Salomon. Cette année là en effet, de graves émeutes secouent Jérusalem. En raison d’un tunnel creusé par les israéliens, fouilles mal vécues par les palestiniens, des affrontements violents éclatent, et causent la mort de 64 Palestiniens et de 16 soldats israéliens.

Les archéologues israéliens impuissants face aux tensions politiques

Aujourd’hui, l’Autorité israélienne des Antiquités a les mains liées. En Israël, des projets de construction sont bloqués durant des mois à cause des refus palestiniens de laisser des fouilles avoir lieu.

On pense à ce projet israélien de dépoussiérage d’une route de pèlerinage juive à Jérusalem, vieille de 2000 ans et longue de 600 mètres. Un projet initié en 2014, et porté à hauteur de dix millions d’euros par le gouvernement israélien. Mais face aux plaintes répétées des habitants du quartier arabe de Silwan à Jérusalem, le projet s’est arrêté à l’été 2020. Imaginez, Israël contraint sur sa propre terre d’abandonner des vestiges inestimables…

 

Conseil lecture : Tunnels, le dernier roman graphique de Rutu Modan. L’histoire d’une archéologue israélienne à la recherche d’un des biens les plus précieux du peuple juif : l’Arche d’Alliance…

Ilana Ferhadian

www.radioj.fr/2021/05/07/larcheologie-en-israel-une-arme-politique/
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