Les mouvements végétariens et végans se développent à vive allure dans le monde, dictés par des considérations environnementales, par le souci de protéger les animaux, sa propre santé, … En Israël cette évolution est très marquée et ce petit pays est en train de devenir un modèle pour ceux qui bannissent la viande de leur alimentation

Une cause environnementale

En Israël comme dans les autres pays, plusieurs raisons expliquent la progression des mouvements végétariens:  volonté de protéger la planète en limitant l’élevage du bétail et son impact négatif sur l’environnement, sensibilité accrue au bien-être animal,  craintes après les nombreux scandales alimentaires et remise en cause des bienfaits supposés du lait et de la viande sur la santé.

S’ajoutent aussi des considérations sociologiques.  Israël est un pays jeune, composé d’immigrants qui ont des traditions culturelles variées. La viande rouge n’a jamais été un mets très populaire, elle fut rationnée dans les années 50 lors de la création du pays  contraignant ses habitants à cuisiner sans produit carné.

Par ailleurs la gastronomie du pays n’est pas figée, elle évolue au gré des tendances La cuisine israélienne est basée sur de nombreux produits végétaliens ( falafel, le houmous, la crème de sésame …) sur les légumes frais, l’huile d’olive et les céréales qui constituent le quotidien des assiettes dans la région  méditerranéenne. L’alimentation végane est aussi compatible avec la cacherout, le code alimentaire prescrit aux Juifs religieux, et le judaïsme exige explicitement un bon traitement des animaux lors de leur abattage.

Faire preuve de générosité dans un pays en conflit

Il faut également citer des caractéristiques propres à Israël, ajoute Hagit Ulanovsky,   chercheuse et experte dans la politique de gestion des risques liés à l’environnement et  à la sécurité alimentaire. « Certains de ceux qui suppriment de leur alimentation la viande le font également par souci éthique « , explique-t-elle. « C’est difficile à prouver mais il y a aussi une raison +morale+ dans ce choix, à savoir que les Israéliens ont besoin de s’impliquer dans une cause généreuse alors que leur pays est miné par 70 ans de guerres . Ils voient ainsi un moyen de s’affranchir inconsciemment des souffrances qu’ils font subir aux Palestiniens ».

Une tendance qui ne se dément pas

Quelque que soit les explications les faits sont incontournables : Les végétariens sont de plus en plus nombreux et le véganisme explose, à un rythme beaucoup plus élevé qu’en Europe par exemple. On évalue, selon des statistiques officielles, que 4,7% de la population est végétarienne et 1,7% végan (ceux qui ne se contentent pas de manger végétalien mais qui bannissent aussi de leur quotidien toute trace animale comme la laine, le cuir…. )

On dénombre quelque 500 restaurants végans dans le pays. Il est aussi désormais très courant de trouver dans la plupart des établissements des menus sans aucune trace animale. Des végans culinaires tours sont organisés et l’argument végan est devenu un enjeu touristique brandi par Tel Aviv pour attirer les visiteurs.

Une tendance reconnue internationalement. Il y a deux ans le journal britannique « The Independent » a   classé la ville blanche comme une des dix cités les plus « vegan friendly » au monde.

Aujourd’hui on estime que la moitié des végans ou végétariens ont adopté ce mode d’alimentation pour protéger les animaux, un quart d’entre eux se disent avant tout concernés par le bien-être de la planète et pour un autre quart les raisons sont multiples dont celles liées à la santé.

A titre de comparaison en France en 2019,  0,5% de la population a adopté un mode de vie végan et 2% est végétarienne, selon l’institut d’études Xerfi.

Un laboratoire pour tester les produits alternatifs ?

Les végétariens ou végans sont également devenus une cible pour l’industrie agro-alimentaire qui a développé ces dernières années des produits innovants et alternatifs à la viande. Israël, pays de petite surface avec une population peu nombreuse, sert aussi de laboratoires pour des grands groupes mondiaux qui veulent lancer des offres véganes ou végétariennes avant de les généraliser sur des marchés plus importants.

Ainsi l’Etat hébreu est le seul pays au monde où la chaîne internationale de livraison de pizzas Domino’s (présente dans plus de 80 pays) propose une offre végétalienne. C’est aussi le premier pays en dehors des États-Unis où les saveurs végétaliennes de la glace Ben et Jerry’s sont disponibles.

Mac Donald a choisi Israël après la Suède et l’Allemagne pour commercialiser son « vegan burger ».  Et la chaine de burger nationale BBB a vu ses ventes de burger passer de 3% en 2018 à 7,5% en 2019.

Même l’armée, une institution souveraine et qui se plie difficilement aux nouvelles modes, a cédé aux sirènes du véganisme et propose désormais aux soldats végans des bottes sans cuir et des menus sans viande.

La « clean meat » une des solutions

Parallèlement, profitant de ce désamour pour la viande, de nombreuses start-up se sont engouffrées dans ce créneau porteur pour proposer des produits alternatifs à la viande. Parmi ces innovations le concept de « clean meat » a fait des émules parmi les chercheurs israéliens. Il s’agit de viande cultivée en laboratoire à partir d’une cellule prélevée sur un bœuf ou un poulet et qui est mise dans un incubateur pour se développer.  Aujourd’hui pas moins de quatre start-up ont été créés dans ce secteur:   Aleph Farms qui accueille de nombreux investisseurs internationaux dont un des géants de l’agroalimentaire américain  Cargill a annoncé il y a quelques mois avoir crée le premier steak  en laboratoire et a développé une « technologie non OGM ».  SuperMeat travaille sur la viande de laboratoire de poulet et de canard et prévoit aussi de prélever des cellules de poulet estampillé “label rouge” français, un gage de qualité.  Future Meat Technologies autre start-up  dont un des fondateurs est Yaakov Nahmias, professeur internationalement reconnu en biologie cellulaire étudie dans ses laboratoires la reproduction de gras et des muscles de la viande. Tyson Food, autre géant américain de l’agroalimentaire a investi dans cette cette jeune pousse.   Enfin la dernière-née dans ce secteur la start up BioFood System  a  l’ambition de produire des tranches de boeuf provenant d’une culture en laboratoire et de commercialiser le processus de la” clean meat”.

Ces entreprises comptent désormais parmi les leaders mondiaux de la “clean meat” et sont capables de concurrencer les grands groupes américains ou néerlandais, pionniers dans ce secteur.

Les recherches se développent aussi sur les capacités de certaines plantes ou céréales à avoir les mêmes caractéristiques nutritionnelles que la viande sans ses aspects négatifs. Dans le nord du pays des agronomes travaillent notamment sur le quinoa pour que cette céréale soit cultivée à grande échelle et puisse servir d’alternative à la viande. Une entreprise Hargol s’est lancée dans l’élevage de sauterelles et d’insectes qui sont d’importantes sources de protéines. Innoprovo  s’est focalisée sur les protéines extraites des pois chiches et propose des concentrés de ce produit, une première mondiale.

Il est incontestable que la suppression de viande dans l’alimentation protège la planète, soulignent les adeptes de ces alternatives à la viande. Non seulement il y a moins de problème de gestion des déchets agricoles dont la combustion génère d’importantes émissions de gaz à effet de serre mais également moins de viande consommée signifie moins de têtes de bétail à nourrir et moins de surfaces agricoles consacrées aux céréales animales.

Pour se convaincre des bienfaits d’une alimentation sans viande pour la planète, il suffit de lire les statistiques de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. A l’échelle mondiale, l’élevage de bétail est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre. La viande bovine pèse pour 41 % des émissions liées à l’élevage, alors qu’elle ne représente que 22 % de la consommation mondiale de viande

« Les humains préfèrent les protéines animales à toutes les autres sources de protéine mais élever une vache par exemple pour produire des protéines  n’est pas éco-responsable les pertes et les dommages pour la planète sont largement supérieurs aux bénéfices engendrés  », explique Shir Friedman une des responsables de Supermeat.

Haro sur le boeuf

Les études scientifiques sont d’ailleurs là pour le prouver, renchérit Hagit Unalovsky: « Si une vache absorbe 100 calories de nourriture, seules 3 calories de sa viande se retrouveront dans notre assiette, soit 3% de bénéfice et 97% de perte. Pour le poulet ou le porc le rapport est très légèrement plus élevé entre 13 et 17% de bénéfice mais reste malgré tout insuffisant pour compenser les effets négatifs de l’élevage ».

“Il y a trop de déchets, de pollution des sols, de l’eau, de perte d’énergie, d’émission de gaz à effet de serre et si peu de viande en retour que cela ne vaut pas la peine », poursuit-elle.

Le « Flexitarisme », l’idéal pour la planète

Si tout le monde ne veut ou ne peut pas adopter un régime végétarien il est en revanche raisonnable d’inciter les gens au « flexitarisme » . Les flexitariens mangent de la viande, issue d’animaux abattus dans des conditions éthiques, de bonne qualité et en quantité limitée. Mais surtout ils réduisent drastiquement leur consommation de bœuf dont l’élevage se transforme en poison pour l’environnement, souligne Hagit.

La meilleure façon d’aider la planète est de supprimer de notre alimentation au moins la viande de bœuf, affirme-t-elle. C’est une évidence partagée par tous les scientifiques dans le monde entier.

Dans son dernier rapport d’août 2019 le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rappelle l’importance des régimes alimentaires pauvres en viande pour le bien-être de la planète.  « Les régimes alimentaires équilibrés riches en aliments d’origine végétale (…)  les légumineuses, les fruits et les légumes, et les aliments d’origine animale produits de façon durable offrent de bonnes possibilités d’adaptation aux changements climatiques et de limitation de ces changements».

Outre les déchets produits par les bovins, l’alimentation pour le bétail est en train de ruiner notre planète et d’empoisonner les surfaces agricoles dans le monde. Au Brésil les hectares consacrés à la culture de céréales pour animaux détruisent la nature environnante et contribue à la déforestation, la gravité des récents feux en Amazonie est une illustration de ce phénomène.

La diminution de la consommation de viande est perceptible dans de très nombreux pays mais malheureusement la Chine qui compte la plus forte population au monde est en train de suivre un chemin inverse, regrette Hagit Unalovsky.

Autre illustration de la force du mouvement végan en Israël: lors des dernières élections des milliers d’entre eux sont intervenus dans la campagne électorale pour faire entendre leurs voix et influencer les décideurs politiques à prendre des décisions favorables à l’environnement et au bien-être animal.

Cet article a été écrit par * ZAVIT – Agence de presse israélienne pour la science et l’environnement

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