La série « Messiah », diffusée sur Netflix, est visée par un appel au boycott sur Internet. Au-delà d’une pétition largement montée en épingle, cette fiction interroge intelligemment le rapport à la foi aujourd’hui, en projetant un nouveau messie à l’heure des réseaux sociaux.

C’est un grand classique lorsque la fiction, qu’elle soit cinématographique ou sérielle, s’approche d’un peu trop près de la religion. Hauts cris de dignitaires religieux et pétitions sur Internet s’enchaînent. La série Messiah, diffusée sur Netflix depuis le 1er janvier, en est le dernier exemple en date. Un appel au boycott a été lancé bien avant la diffusion sur le site change.org. Le faible nombre de signatures, qui émanent tant de musulmans, qui estiment la production islamophobe, que de chrétiens agacés par la réutilisation de la figure du messie, a suffi à entourer la série d’un parfum de souffre. Pourtant, Messiah mérite mieux.

Nouveau messie

L’histoire commence de nos jours, en Syrie. Alors que la ville de Damas, assiégée par les terroristes de Daech, est sur le point de tomber, un homme seul se met à prêcher dans la rue. Cheveux longs, regard pénétrant, discours religieux, il exhorte les Syriens à garder espoir lorsqu’une gigantesque tempête de sable s’abat sur la ville. L’État islamique est vaincu. Par la météo, ou par le pouvoir de cet homme ? Des milliers de personnes choisissent la seconde option et suivent celui qu’ils appellent « Al-Massih ».

Le périple de ce nouveau messie le mènera à la frontière israélienne, puis au fin fond du Texas et jusqu’à Washington. Largement de quoi attirer l’attention de la CIA et de son agente zélée Eva Geller, bien décidée à démontrer que ce charlatan est en réalité un terroriste.

Et si les apôtres postaient des photos de Jésus sur Instagram ?

Coupons immédiatement court à toutes les questions sur la pétition, qui émane de toute évidence de personnes qui n’ont pas regardé Messiah. Jugée profane tant par des musulmans que des chrétiens, la création de l’Australien Michel Petroni est en réalité un discours sur la foi, au sens large. Jamais la religion de ce messie (brillamment interprété par l’acteur belge Mehdi Dehbi) n’est mentionnée. Est-il juif, musulman ou chrétien ? Lui se contentera de se dire « messager de Dieu » et sera adulé, ou rejeté, par des fidèles de toutes obédiences.

 

L’intérêt de la série est ailleurs. En réalité, Messiah imagine ce qu’aurait été l’apparition d’un messie en 2020, à l’heure des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu. Que se passerait-il si la multiplication des pains et des poissons était filmée et balancée sur Snapchat ? Ou si les apôtres postaient en permanence des photos de Jésus sur Instagram ? Que Jésus devait répondre à CNN en conférence de presse ? À quoi ressemblerait Marie-Madeleine de nos jours ? Michel Petroni pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, et la densité de certains épisodes pourra rebuter. Mais son questionnement est passionnant.

Enquête trépidante

Il se double par ailleurs d’une enquête trépidante, menée tambour battant par l’actrice américaine Michelle Monaghan, dans le rôle d’Eva Geller, et Tomer Sisley en agent israélien. La série s’appuie sur une toile de fond géopolitique solide, s’emparant à la fois du conflit israélo-palestinien et des tensions entre la Russie et les États-Unis. Quelque part entre Homeland et Il Miracolo, série qui s’intéressait à la perception d’un miracle en Italie, Messiah est la bonne surprise de ce début d’année.

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