Mme Murielle TOUATY – « Le facteur humain est lié intrinsèquement à la culture d’Israël par rapport à l’innovation. Israël constitue un grand écosystème, mais un petit marché. Ce pays a 70 ans, une population de 8 millions d’habitants, et est confronté depuis sa genèse à la notion de risque. Il n’est pas anodin que l’on parle de capital-risque. En Israël, ce mot fait partie de l’identité nationale.

En Israël il existe un capital humain très fort, d’où le multiculturalisme. Dans les années 1990, l’immigration des populations russes a constitué un apport incroyable pour le pays. La diversité culturelle et le facteur humain créent nécessairement du progrès. L’innovation est donc une cause nationale et un levier de croissance pour le gouvernement.

Il existe en Israël 150 capital-risqueurs internationaux et nationaux. Les chiffres de 2017 montrent que plus de 7 milliards de fonds ont été levés, dont 20 % viennent du capital-risque national, en progression de 9 % par rapport à 2016. L’innovation ne se décrète pas : elle se produit au quotidien, dans un écosystème interconnecté. Le Technion est la première université en Israël à avoir vu le jour, sous la houlette d’Albert Einstein, dans le but de façonner l’infrastructure du pays, d’en garantir la pérennité et la sécurité, mais aussi la santé.

Les thématiques à la pointe du progrès, comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, l’internet des objets, sont traitées en Israël depuis des années. On est obligé d’être avant-gardiste et d’avoir une vision à long terme. Si la temporalité doit être dans la réactivité, la responsabilité de l’État est aussi de se projeter dans le futur.

Cet écosystème interconnecté est très intéressant : il décloisonne et met en interaction directe le chercheur et l’entrepreneur, ainsi que les grands groupes. Quatre cents centres de recherche et de développement issus de l’industrie mondiale globale et positionnés en Israël, majoritairement à Tel-Aviv et à Haïfa, qui bénéficient des meilleurs ingénieurs, sont également attirés par le fait qu’ils ne paient pas d’impôts sur la plus-value.

Ces écosystèmes interconnectés, avec l’armée au centre, comptent des incubateurs, des capital-risqueurs, des universités, des centres de recherche et développement, tout ceci dans un schéma de décloisonnement totalement décomplexé par rapport à la notion de croissance et d’argent.

Un chercheur doit permettre à son laboratoire d’être autosuffisant. Au Technion, comme dans les autres universités, ce n’est pas le public qui paie. Le public finance le budget de fonctionnement. La recherche et le développement, eux, sont financés par les chercheurs, qui sont donc, malgré eux, des entrepreneurs.

Il n’est pas anodin que les pépites dénichées dans les laboratoires du Technion et des autres universités soient accompagnées afin de valoriser le transfert de technologies. Tout cela développe la culture du risque et l’entrepreneuriat. Les Israéliens, qu’ils soient chercheurs, ingénieurs ou autres, sont confrontés au quotidien à la culture du management. Ils sont en situation de crise et doivent donc tous s’autogérer, assurer leur autosuffisance, s’inventer au quotidien, voire se réinventer.

Il est intéressant de comprendre en quoi cette culture génère de l’innovation. Le troisième facteur est celui de l’exit. Israël a en effet très vite compris qu’elle devait sortir de ses frontières, aller se positionner sur des marchés financiers pour générer de la liquidité, faire en sorte que l’argent circule et soit réinjecté dans l’écosystème de l’innovation en Israël, aujourd’hui communément appelé start-up nation.

Israël est parvenu à un certain degré de conscientisation lui permettant de passer de l’étape de la start-up à celle la scale-up pour générer encore plus de « licornes » et – pourquoi pas ? – un tissu industriel. Nous avons parlé de la notion de risque, du formatage de l’entrepreneur israélien et de l’exit. Israël est le troisième, après les États-Unis et la Chine, en nombre de start-up cotés au Nasdaq. En Israël, la croissance est génératrice d’emplois. C’est ce qui importe, in fine.

http://www.senat.fr/ga/ga149/ga1491.html

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