PARTIE1 . Introduction. GERAD LARCHER. A la demande de lecteurs d’IsraelValley nous transmettons le compte-rendu de la rencontre au Sénat entre le Président de la Knesset et Gérard Larcher (Mai 2018).
Table ronde : « France-Israël : dessine-moi l’innovation du futur »

Modérateur : Mme Sophie PRIMAS, Sénateur des Yvelines, Présidente de la Commission des Affaires économiques
Intervenants :

  • M. Philippe ADNOT, Sénateur de l’Aube, Membre du groupe d’études sur le Numérique
  • Pr. Jacques LEWINER, Inventeur multibreveté, Directeur scientifique honoraire de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles (ESPCI)
  • Pr. Daniel ROUACH, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Israël-France
  • Mme Murielle TOUATY, Directrice générale de Technion France
10h45
2e table ronde :
« La Start-up Nation et la French Tech en action »

Modérateur : Mme Élisabeth LAMURE, Sénateur du Rhône, Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises
Intervenants :

  • Mme Valérie HOFFENBERG, Présidente du Connecting Leaders Club
  • M. Éric COHEN, Fondateur et Président-Directeur général du groupe Keyrus (société spécialisée dans les expertises Data et Digital)
  • M. Raphaël LAYANI, Directeur des ventes chez Mobileye (véhicule autonome)
  • M. Jean-David UZAN, Directeur commercial France, Société israélienne Trucknet (plateforme d’échange automatisée entre transporteurs)
  • M. Stéphane CHOUCHAN, Ambassadeur French Tech Israël, Conseiller Commerce extérieur et Directeur pays pour Israël de STMicroelectronics
  • M. Stéphane LASFARGUE, Chef de service co-innovation – Alliance Purchasing Organization du groupe Renault
  • Clôture des travaux par le Premier Vice-président du Sénat, Président du groupe d’amitié France-Israël, M. Philippe DALLIER

Monsieur le Président de la Knesset,

Monsieur le Vice-Président de la Knesset,

<Monsieur le Président du groupe d’amitié Israël-France, également Président de la commission des affaires sociales de la Knesset>,

<Madame l’Ambassadrice de l’État d’Israël en France>,

<Monsieur le Premier Vice-président du Sénat, Président du groupe d’amitié France-Israël>,

Mesdames et Messieurs les Présidents de commissions, de délégations et de groupes du Sénat,

Chers collègues parlementaires,

Mesdames et Messieurs les membres de la délégation israélienne,

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Votre visite, Monsieur le Président, constitue l’accomplissement d’un engagement. Entre des pays amis, y compris lorsqu’il existe des décalages de vues, des interrogations, parfois des incompréhensions, les engagements se doivent d’être tenus, et le dialogue en est rendu d’autant plus nécessaire.

Il y a quinze mois, je m’étais rendu en Israël avec une délégation de sénateurs, à votre invitation, puis dans les territoires palestiniens>. Nous avions du temps à rattraper : cela faisait alors douze ans qu’aucun Président du Sénat ne s’était déplacé dans votre pays, et cela fait aujourd’hui huit ans qu’aucun Président de la Knesset ne s’était rendu en France. Nous réparons donc les choses.

Nous nous étions engagés mutuellement à rompre ce trop long silence, et je vous avais alors convié à venir dans notre pays. Le Président de l’Assemblée nationale en avait fait de même, ce qui permet cette rencontre.

Le Sénat de la République française est un acteur résolu de la diplomatie parlementaire, même lorsque les choses ne sont pas faciles. Les liens multiples et étroits, entre les citoyens de nos deux pays exigeaient un renforcement, et même, au-delà, une permanence des relations parlementaires. C’est le sujet que nous aborderons demain ensemble.

Votre visite intervient dans un contexte singulier de la relation bilatérale : le colloque que nous tenons aujourd’hui est <un prologue à la saison croisée France-Israël> qui débutera dans moins de deux semaines.

<Israël> a, depuis quelques jours, 70 ans. Soixante-dix années pendant lesquelles la France, qui a soutenu fermement la création de votre État, s’est efforcée de vous accompagner, en portant une voix amicale, critique à certains moments, mais toujours franche, libre et sincère.

Cette tribune me permet de rappeler <l’attachement indéfectible de la République française au droit à la sécurité d’Israël>, qui est la condition sine qua non de son existence, dans une région où les périls sont multiples, les tensions toujours fortes, les violences toujours présentes. C’est une constante de notre pays partagée par toutes ses familles de pensée démocratiques. Je me réjouis de constater ce matin la présence de collègues de presque toutes les sensibilités de notre assemblée.

Pour nous, Français et Européens, il existe une ligne qui ne doit en aucun cas être franchie : celle qui reviendrait <à une remise en cause du droit à l’existence de l’État d’Israël, à court, moyen mais aussi long termes>, comme on l’entend parfois.

Monsieur le Président, je ne peux débuter mon intervention sans évoquer l’ensemble de la situation au Proche-Orient.

Depuis un an, la situation internationale et régionale s’est singulièrement dégradée. <Dans ce contexte, l’État d’Israël> exprime plusieurs préoccupations qui nous paraissent légitimes. Aucun pays ne peut accepter, sans réagir, qu’un étau de menaces pouvant compromettre sa sécurité et son existence se resserre autour de lui. Les démocraties – <Israël> est un cas quasi unique dans sa région – ne sont pas condamnées à la faiblesse face au terrorisme islamiste en particulier, et notre pays, vous le savez, en connaît le prix.

La France est engagée, notamment dans la zone sahélo-saharienne, aux côtés des Africains, dans une lutte sans merci contre Daech, Al Qaïda et Boko Haram. J’étais il y a moins de deux mois au lac Tchad, dans un camp de réfugiés victimes de Boko Haram.

La France est aussi présente au Moyen-Orient. La montée des tensions y avive les revendications les plus extrêmes et éloigne plus encore les espoirs de paix. Les événements tragiques intervenus ces derniers jours témoignent d’un regain de tensions lourd de menaces. Toutes les parties doivent faire preuve de retenue et contribuer à la désescalade, et je partage les propos tenus par le Président de la République hier, tout comme ceux échangés dans cette assemblée lors des questions au Gouvernement, hier après-midi.

Au-delà des mots, il est urgent de recréer les conditions nécessaires à la recherche de solutions politiques, seules à même d’instituer une sécurité et une paix durables.

Il est urgent de relancer le processus de paix qui doit aboutir, selon la position régulièrement rappelée par la France et par toutes les familles politiques, à l’existence de deux États, qui comporte l’instauration d’un État palestinien au terme de ce processus négocié.

Monsieur le Président, mes chers collègues, il existe <une singularité, un génie particulier d’Israël et des Israéliens>, celui de faire surgir d’une terre, a priori ingrate, des oasis, de créer, avec un crayon, un ordinateur portable, quelques feuilles de papier, mais aussi – rappelons-le – avec un soc de charrue, dans un pays longtemps dépourvu de toute ressource naturelle, de l’innovation, de la richesse, et d’ouvrir les routes qui conduisent au monde de demain.

Vous avez engendré la nation start-up par excellence. Les chiffres sont éloquents : <Israël compte le nombre le plus élevé de start-up par habitant au monde, plus de 120 accélérateurs et incubateurs de croissance, une centaine de fonds de capital-risque, et ce dans tous les domaines en développement> – cybersécurité, bien sûr, votre champ de prédilection, qui correspond à l’origine à des préoccupations stratégiques : mais aussi services de l’e-commerce ou voiture intelligente qui, bientôt, palliera les défaillances d’un conducteur moyen.

Rien de ce qui se termine en « tech » ne vous est étranger : la biotech, l’agrotech, la greentech, sans parler des applications en matière de santé, aux potentialités extraordinaires comme par exemple des exosquelettes qui décuplent ainsi la force humaine et redonnent mobilité et espoir à ceux qui les ont perdus.

<En Israël> se prépare l’environnement technologique qui façonnera demain notre vie quotidienne. La science-fiction n’est pas si loin ! C’est une nouvelle révolution technologique, avec des implications considérables en termes de développement de l’emploi et de la croissance.

La France se doit d’être aussi à ce rendez-vous. <Lors de notre déplacement en Israël, à l’occasion de la visite de l’incubateur Jerusalem Venture Partners, avec Philippe Dallier, Sophie Primas, Michel Mercier, Gilbert Roger et Catherine Deroche>, nous avions été frappés par les recettes de la réussite israélienne. Car bien entendu, il n’y a pas de miracle, mais une stratégie mise en oeuvre de façon déterminée :

– un effort soutenu en faveur de la recherche et de l’innovation, pour financer des universités à la pointe de la recherche. Je pense en particulier au Technion, dont une responsable est parmi nous. <Israël> y consacre 4 % de son PIB. Par comparaison, la France est à 2 % ;

– un système fiscal attractif et des aides publiques aux start-up naissantes, aides décisives car à la fois économes pour les finances de l’État, rémunératrices en cas de succès et d’accès assez simple. Vous n’avez pas, comme en France, le génie de complexifier les dossiers !

Vous évoquerez ces mesures lors de la première table ronde, animée par Sophie Primas, Présidente de la commission des Affaires économiques, avec la contribution de Philippe Adnot. En 2017, les cessions de start-up israéliennes, je le rappelle, se sont élevées à 19 milliards d’euros. C’est là autant de recettes fiscales pour l’État !

Nous sommes quant à nous en ce moment à la recherche de 26 milliards d’euros – mais c’est un autre sujet que j’aborderai ailleurs en fin de matinée.

<En fait, Israël> a réadapté au monde contemporain ce qui avait fait le succès technique et industriel de notre pays à l’orée du XXe siècle : la figure de l’ingénieur entrepreneur, issu des écoles créées sous l’Empire, et qui, de Pasteur à Lumière, en passant par Eiffel, Peugeot, Citroën ou Renault, a révolutionné notre mode de vie et a assis notre prospérité. L’Exposition universelle de Paris de 1900 en fut l’expression la plus éclatante.

Mais nous ne sommes ici ni dans l’histoire ni dans la nostalgie. Il faut que notre pays retrouve aussi les clefs de ce succès !

De belles coopérations existent déjà <entre Israël et la France, car la French Tech> s’est souvent unie, pour accompagner son essor, à la nation start-up israélienne, que ce soit en matière de puces électroniques, de voitures intelligentes, d’expertise data, de plateformes d’échanges de données.

Ces coopérations doivent encore être élargies. C’est, je crois, un des objectifs de nos rencontres. Ce sera, à partir de cas concrets, l’objet de la seconde table ronde, animée par Élisabeth Lamure, Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, dont la spécialité est de faire dans le concret et le réel.

Monsieur le Président, mes chers collègues, s’il peut y avoir un destin pour les peuples, il n’existe pas de fatalité. Il n’existe pas de déterminisme qui condamnerait tel ou tel État à l’impuissance. Il n’y a pas de situation hostile qui ne puisse aboutir à un environnement un jour apaisé.

C’est le voeu que je forme <aujourd’hui pour Israël, pour votre région> et au-delà.

Je souhaite donc des débats féconds au colloque qui réunit la start-up nation et la French Tech, c’est-à-dire les forces les plus vives – et je voudrais saluer mes compatriotes présents ce matin, engagés dans la recherche et le développement des entreprises. Je ne doute pas que ces échanges seront vivifiants.

Vous êtes ici dans le salon des physiocrates, ces philosophes et savants qui, avec les politiques, ont imaginé la France des Lumières, à travers une révolution dont tous les moments ne furent pas heureux, mais qui bouleversa profondément notre pays. Ils ont également inventé le libéralisme à la française, un peu différent du libéralisme anglo-saxon, avec une dimension humaine.

Je souhaite que ce colloque pose les jalons de nos relations futures. Je témoigne, devant les deux présidents des groupes d’amitié, que celles-ci sont chaleureuses, franches, vivantes, et je souhaite, demain, avec vous, Monsieur le Président, pouvoir leur donner une dimension politique pérenne renforcée, notamment au travers de notre commission des Affaires étrangères.

Même si les temps sont difficiles, même si nous pouvons avoir, sur certains sujets, des points de vue différents, nous appliquons le principe de La Rochefoucauld : « Il n’est nulle difficulté que des hommes et des femmes d’esprit ne puissent transformer en succès. »

Bienvenue au Sénat !

Partager :